Betriebsrat der Ruhrlandklinik gGmbH v Ruhrlandklinik gGmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:883
Docket NumberC-216/15
Celex Number62015CJ0216
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 November 2016
62015CJ0216

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

17 novembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Directive 2008/104/CE — Travail intérimaire — Champ d’application — Notion de “travailleur” — Notion d’“activité économique” — Personnel soignant non titulaire d’un contrat de travail mis à disposition d’un établissement de santé par une association à but non lucratif»

Dans l’affaire C‑216/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), par décision du 17 mars 2015, parvenue à la Cour le 12 mai 2015, dans la procédure

Betriebsrat der Ruhrlandklinik gGmbH

contre

Ruhrlandklinik gGmbH,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, M. A. Tizzano (rapporteur), vice-président de la Cour, Mme M. Berger ainsi que MM. A. Borg Barthet et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 avril 2016,

considérant les observations présentées :

pour le Betriebsrat der Ruhrlandklinik gGmbH, par Me G. Herget, Rechtsanwalt,

pour Ruhrlandklinik gGmbH, par Mes C.-M. Althaus et S. Schröder, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et G. Braun ainsi que par Mme E. Schmidt, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire (JO 2008, L 327, p. 9).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Betriebsrat der Ruhrlandklinik gGmbH (conseil d’entreprise de la Ruhrlandklinik, ci-après le « conseil d’entreprise ») à Ruhrlandklinik gGmbH au sujet de la mise à disposition de Mme K., membre de la DRK-Schwesternschaft Essen eV (communauté d’infirmières de la Croix-Rouge allemande d’Essen, Allemagne, ci-après la « communauté »), auprès de la Ruhrlandklinik.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 10 et 12 de la directive 2008/104 énoncent :

« (10)

Au sein de l’Union européenne, la situation juridique, le statut et les conditions de travail des travailleurs intérimaires se caractérisent par une très grande diversité.

[...]

(12)

La présente directive établit un cadre protecteur pour les travailleurs intérimaires qui est non discriminatoire, transparent et proportionné, tout en respectant la diversité des marchés du travail et des relations entre les partenaires sociaux. »

4

L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose :

« 1. La présente directive s’applique aux travailleurs ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire et qui sont mis à la disposition d’entreprises utilisatrices afin de travailler de manière temporaire sous leur contrôle et leur direction.

2. La présente directive est applicable aux entreprises publiques et privées qui sont des entreprises de travail intérimaire ou des entreprises utilisatrices exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif. »

5

L’article 2 de ladite directive prévoit :

« La présente directive a pour objet d’assurer la protection des travailleurs intérimaires et d’améliorer la qualité du travail intérimaire en assurant le respect du principe de l’égalité de traitement, tel qu’il est énoncé à l’article 5, à l’égard des travailleurs intérimaires et en reconnaissant les entreprises de travail intérimaire comme des employeurs, tout en tenant compte de la nécessité d’établir un cadre approprié d’utilisation du travail intérimaire en vue de contribuer efficacement à la création d’emplois et au développement de formes souples de travail. »

6

Aux termes de l’article 3 de la même directive :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“travailleur” : toute personne qui, dans l’État membre concerné, est protégée en tant que travailleur dans le cadre de la législation nationale sur l’emploi ;

[...]

c)

“travailleur intérimaire” : un travailleur ayant un contrat de travail ou une relation de travail avec une entreprise de travail intérimaire dans le but d’être mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice en vue d’y travailler de manière temporaire sous le contrôle et la direction de ladite entreprise ;

[...]

2. La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition de la rémunération, du contrat ou de la relation de travail, ou du travailleur.

[...] »

7

L’article 5 de la directive 2008/104, intitulé « Principe d’égalité de traitement », prévoit, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Pendant la durée de leur mission auprès d’une entreprise utilisatrice, les conditions essentielles de travail et d’emploi des travailleurs intérimaires sont au moins celles qui leur seraient applicables s’ils étaient recrutés directement par ladite entreprise pour y occuper le même poste. »

Le droit allemand

8

L’article 99 du Betriebsverfassungsgesetz (loi sur l’organisation de l’entreprise), modifié en dernier lieu par la loi du 20 avril 2013 (BGBl. 2013 I, p. 868), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal, dispose :

« 1. Dans les entreprises comptant en principe plus de 20 salariés ayant le droit de vote, l’employeur doit informer le conseil d’entreprise avant toute embauche [...], lui fournir les dossiers de candidature et les informations relatives aux intéressés ; il doit informer le conseil d’entreprise, en lui transmettant les documents nécessaires, des effets de la mesure envisagée et demander le consentement du conseil d’entreprise à la décision envisagée. [...]

2. Le conseil d’entreprise peut refuser de donner son consentement si :

1)

La mesure ayant trait à un membre du personnel est [...] susceptible d’être contraire à une loi [...]

[...] ».

9

L’article 1er, paragraphe 1, de l’Arbeitnehmerüberlassungsgesetz (loi sur la mise à disposition de main-d’œuvre), modifié par la loi du 28 avril 2011 (BGBl. 2011 I, p. 642) entrée en vigueur le 1er décembre 2011, prévoit :

« Les employeurs désirant, en tant que fournisseurs de main-d’œuvre, mettre, dans le cadre de leur activité économique, des travailleurs salariés (travailleurs intérimaires) à la disposition de tiers (entreprises utilisatrices) doivent disposer d’une autorisation. La mise à disposition de travailleurs auprès de l’entreprise utilisatrice a un caractère temporaire [...]. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

10

La Ruhrlandklinik exploite une clinique hospitalière à Essen (Allemagne). Au cours de l’année 2010, elle a conclu avec la communauté un accord de mise à disposition de main-d’œuvre, en vertu duquel cette dernière s’engage à affecter auprès de cette clinique du personnel soignant, en contrepartie d’une indemnisation financière couvrant les frais de personnel, majorée d’une indemnité forfaitaire de 3 % au titre des frais administratifs. Ce personnel soignant est composé de membres adhérents de la communauté habilités à exercer une activité professionnelle dans le domaine des services de santé.

11

La communauté est une association enregistrée à but non lucratif, rattachée au Verband der Schwesternschaften vom Deutschen Roten Kreuz eV (Fédération des communautés d’infirmières de la Croix-Rouge allemande). Ses membres exercent leur activité professionnelle à titre principal soit en son sein, soit auprès d’établissements de soins et de santé dans le cadre d’accords de mise à disposition. Dans ce second cas, lesdits membres sont soumis aux instructions techniques et organisationnelles de l’établissement en question.

12

En vertu du règlement intérieur de la communauté, cette dernière verse à ses membres une rémunération mensuelle calculée suivant les usages prévalant dans le domaine d’activité concerné, assortie notamment du remboursement de certains frais de déplacement et de déménagement, de droits à une pension de retraite complémentaire ainsi que de droits à congés payés, conformément aux dispositions en vigueur dans ce domaine d’activité. Lesdits membres bénéficient également du maintien de leur rémunération en cas d’incapacité de travail pour cause de maladie ou d’accident.

13

La relation entre la communauté et ses membres n’est toutefois pas régie par un contrat de travail. Ainsi, le fondement juridique de l’obligation des membres de fournir un travail réside dans leur adhésion à la communauté et l’engagement qui en résulte d’apporter leur contribution à celle-ci sous la forme de prestations de travail dans le cadre d’un lien de subordination personnelle.

14

Mme K. est infirmière et membre adhérent de la communauté. Elle devait être affectée au service infirmier de la Ruhrlandklinik à compter du 1er janvier 2012 sur le fondement de l’accord de mise à disposition conclu entre cette dernière et la communauté.

15

Par lettre du 2 décembre 2011, le conseil d’entreprise a toutefois refusé de donner son consentement à cette affectation au motif que celle-ci n’avait pas vocation à être temporaire et serait, par conséquent, contraire à l’article 1er, paragraphe 1, de la loi sur la mise à disposition de main-d’œuvre, qui proscrit la mise à...

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