French Republic v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:217
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑559/12
Date03 April 2014
Procedure TypeRecurso de casación - inadmisible
Celex Number62012CJ0559
62012CJ0559

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

3 avril 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Aide d’État — Aide sous forme d’une garantie implicite illimitée en faveur de La Poste résultant de son statut d’établissement public — Existence de la garantie — Présence de ressources étatiques — Avantage — Charge et niveau de la preuve»

Dans l’affaire C‑559/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 décembre 2012,

République française, représentée par MM. G. de Bergues, D. Colas et J. Gstalter ainsi que par Mme J. Bousin, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et D. Grespan, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, Mme M. Berger et M. S. Rodin, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 septembre 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, la République française demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 septembre 2012, France/Commission (T‑154/10, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a rejeté son recours contre la décision 2010/605/UE de la Commission, du 26 janvier 2010, concernant l’aide d’État C 56/07 (ex E 15/05) accordée par la France à La Poste (JO L 274, p. 1, ci‑après la «décision litigieuse»).

Les antécédents du litige

Le contexte général

2

En application de la loi française no 90-568, du 2 juillet 1990, relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications (JORF du 8 juillet 1990, p. 8069), l’ancienne direction générale de la poste et des télécommunications, qui dépendait jusqu’alors du ministère des Postes et Télécommunications, a été transformée, à compter du 1er janvier 1991, en deux personnes morales autonomes de droit public, à savoir France Télécom et La Poste. Cette loi a expressément autorisé La Poste à développer, à côté de ses missions de service public, certaines activités ouvertes à la concurrence.

3

Conformément à l’article 1er de l’arrêté du 31 décembre 1990 accordant la garantie de l’État aux emprunts obligataires PTT et aux bons d’épargne PTT émis avant le 31 décembre 1990 (JORF du 18 janvier 1991, p. 917), «[l]e service en intérêts, amortissement, primes, commissions, frais et accessoires des emprunts obligataires et des bons d’épargne PTT émis avant le 31 décembre 1990 en vue de concourir au financement des dépenses d’investissement du budget annexe des postes et télécommunications, en application de l’article L. 127 du code des postes et télécommunications […], et transférés à La Poste en application de l’article 22 de la loi du 2 juillet 1990 […], est garanti inconditionnellement par l’État».

4

En outre, par arrêt du 18 janvier 2001, la Cour de cassation (deuxième chambre civile) a retenu le principe selon lequel La Poste devait être assimilée à un établissement public à caractère industriel et commercial (ci-après l’«EPIC»).

5

En droit administratif français, les EPIC sont des personnes morales de droit public, qui disposent d’une personnalité juridique distincte de l’État et de l’autonomie financière ainsi que de compétences d’attribution spéciales, lesquelles incluent généralement l’exercice d’une ou de plusieurs missions de service public.

6

Le statut des EPIC emporte un certain nombre de conséquences juridiques, à savoir notamment l’inapplicabilité des procédures d’insolvabilité et de faillite de droit commun ainsi que l’applicabilité de la loi no 80-539, du 16 juillet 1980, relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public (JORF du 17 juillet 1980, p. 1799).

La procédure administrative et la décision litigieuse

7

Par décision du 21 décembre 2005, la Commission européenne a approuvé le transfert des activités bancaires et financières de La Poste à sa filiale, La Banque Postale. Dans cette décision, la Commission a précisé que la question de la garantie illimitée de l’État en faveur de La Poste ferait l’objet d’une procédure séparée.

8

Le 21 février 2006, conformément à l’article 17 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), la Commission a informé les autorités françaises de ses conclusions préliminaires quant à l’existence d’une garantie illimitée de l’État qui découlerait du statut de La Poste et qui constituerait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

9

Estimant que cette prétendue garantie existait avant le 1er janvier 1958, date d’entrée en vigueur du traité CE en France, la Commission a appliqué les règles de procédure relatives aux aides existantes et a invité la République française, conformément à l’article 18 du règlement no 659/1999, à supprimer au plus tard le 31 décembre 2008 la garantie dont bénéficiait La Poste.

10

Après examen des précisions fournies par les autorités françaises quant au projet de modification du décret no 81‑501, du 12 mai 1981, pris pour l’application de la loi no 80‑539 (JORF du 14 mai 1981, p. 1406), la Commission a informé celles-ci de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne le 3 juin 2008 (JO C 135, p. 7), la Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure litigieuse.

11

Faisant suite à une demande de la Commission, par une note envoyée le 31 juillet 2009, les autorités françaises ont informé celle‑ci que le Conseil des ministres du 29 juillet 2009 avait adopté un projet de loi qui prévoyait la transformation, au 1er janvier 2010, de La Poste en société anonyme, soumise aux procédures de redressement et de liquidation judiciaires de droit commun. Ce projet a abouti à l’adoption de la loi no 2010‑123, du 9 février 2010, relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (JORF du 10 février 2010, p. 2321), qui est entrée en vigueur le 1er mars suivant.

12

Le 27 février 2010, la Commission a notifié aux autorités françaises la décision litigieuse.

13

En premier lieu, après avoir notamment rappelé la teneur de la mesure en cause (considérants 18 à 37 de cette décision), la Commission a constaté l’existence d’une garantie illimitée de l’État français en faveur de La Poste du fait de certaines particularités intrinsèquement liées à son statut d’établissement public (considérants 116 à 255 de ladite décision).

14

À cet égard, la Commission a souligné, tout d’abord, que La Poste n’était pas soumise au droit commun relatif au redressement et à la liquidation d’entreprises en difficulté (considérants 116 à 147 de la décision litigieuse).

15

Ensuite, elle a démontré qu’un créancier de La Poste est assuré de voir sa créance remboursée dans l’hypothèse où cet établissement serait en difficulté financière et ne pourrait pas honorer ses dettes (considérants 148 à 229 de cette décision).

16

Enfin, la Commission a estimé que, même si, après l’utilisation des procédures de recouvrement spécifiques décrites aux considérants 150 à 229 de la décision litigieuse, le créancier d’un EPIC ne parvenait pas à obtenir le règlement de sa créance, il demeurait assuré qu’elle ne disparaîtrait pas. En effet, afin d’assurer la continuité de la mission de service public, les droits et les obligations de La Poste étaient toujours transférés à une personne morale de droit public autre que l’État ou, à défaut, à ce dernier (considérants 230 à 250 de ladite décision).

17

Dans ces conditions, la Commission a affirmé que la garantie illimitée de l’État dont bénéficiait La Poste induisait un transfert de ressources d’État au sens du point 2.1 de la communication de la Commission sur l’application des articles 87 [CE] et 88 [CE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10) (considérant 254 de la décision litigieuse), et était imputable à l’État (considérant 255 de cette décision).

18

En deuxième lieu, la Commission a constaté, d’une part, que les conditions de crédit plus favorables obtenues par La Poste grâce à cette garantie illimitée constituaient un avantage sélectif (considérants 256 à 300 de la décision litigieuse), et cela en tenant également compte d’un certain nombre d’analyses et de méthodologies des agences de notation desquelles il ressortait que cette garantie, en tant qu’élément essentiel du soutien de l’État en faveur de La Poste, influençait de manière positive sa notation financière et, partant, les conditions de crédit qu’elle était en mesure d’obtenir (considérants 258 à 293 de la décision litigieuse). D’autre part, la Commission a considéré que la mesure examinée était susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres (considérant 301 de cette décision).

19

Par la suite, la Commission a conclu que la garantie en objet constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérant 302 de la décision litigieuse) et que, même amendée dans le sens suggéré par les autorités françaises, elle ne remplissait aucune des conditions pour pouvoir être déclarée compatible avec le marché intérieur (considérants 303 à 315 de ladite décision).

20

En conséquence...

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