Carol Marilyn Robins and Others v Secretary of State for Work and Pensions.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:476
Date13 July 2006
Celex Number62005CC0278
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-278/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 13 juillet 2006 (1)

Affaire C-278/05

Carol Marilyn Robins e.a.

contre

Secretary of State for Work and Pensions

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni)]

«Protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur – Protection des droits acquis ou en cours d’acquisition en matière de prestations de vieillesse – Étendue des obligations – Article 8 de la directive 80/987/CEE – Responsabilité des États membres pour violations du droit communautaire – Violation suffisamment caractérisée»





I – Introduction

1. Dans cette affaire, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), interroge la Cour à propos de l’interprétation de l’article 8 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (2). L’article 8 de la directive 80/987 porte sur la protection des intérêts des travailleurs en ce qui concerne leurs droits à prestations de retraite complémentaire en cas d’insolvabilité de l’employeur.

2. Les demandeurs au principal sont d’anciens salariés d’une société devenue insolvable. Cette société finançait deux plans de retraite complémentaire. En raison de l’insolvabilité de la société, les plans de retraite ont eux aussi été clos, et il est apparu que les actifs des régimes de retraite ne suffisaient pas à couvrir tous les droits des affiliés. Les demandeurs ont de ce fait été confrontés à une réduction importante des pensions de retraite complémentaire qui leur avaient été contractuellement promises. Dans le cadre du recours qu’ils ont introduit contre le ministère compétent en la matière au Royaume‑Uni, les demandeurs invoquent l’article 8 de la directive 80/987 pour demander des dommages et intérêts en réparation de cette perte de retraite.

3. C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi s’est tournée vers la Cour, l’interrogeant à propos du contenu des dispositions de l’article 8 de la directive 80/987. Cette juridiction a en outre demandé des précisions sur les conditions exigées pour que la responsabilité d’un État puisse être engagée du fait d’une transposition incorrecte d’une directive.

II – Le cadre juridique

A – Droit communautaire

1. La directive 80/987

4. Le premier considérant de la directive 80/987 est ainsi rédigé:

«considérant que des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées, en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social équilibré dans la Communauté».

5. Dans sa section II, la directive comporte, sous le titre «Dispositions relatives aux institutions de garantie», des règles concernant la garantie des droits à la retraite des travailleurs salariés.

6. L’article 4, paragraphe 1, prévoit que les États membres peuvent limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie visée à l’article 3. En vertu de l’article 4, paragraphe 3, les États membres peuvent, «afin d’éviter le versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de la présente directive, fixer un plafond pour la garantie de paiement des créances impayées des travailleurs salariés».

7. Dans la section III, la directive comporte, sous le titre «Dispositions relatives à la sécurité sociale», des dispositions relatives à la protection des droits de prévoyance.

8. L’article 6 autorise les États membres à prévoir que «les articles 3, 4 et 5 ne s’appliquent pas aux cotisations dues au titre des régimes légaux nationaux de sécurité sociale ou au titre des régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale».

9. En vertu de l’article 7, les États membres prennent les mesures nécessaires pour «assurer que le non-paiement à leurs institutions d’assurance de cotisations obligatoires dues par l’employeur, avant la survenance de son insolvabilité, au titre des régimes légaux nationaux de sécurité sociale, n’a pas d’effet préjudiciable sur le droit à prestations du travailleur salarié à l’égard de ces institutions d’assurance […]».

10. L’article 8 de la directive 80/987 prévoit que:

«Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droit en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale.»

2. La directive 2002/74/CE modifiant la directive 80/987 (3) (ci-après la «directive modificative 2002/74»)

11. La directive modificative 2002/74 n’a pas apporté de modification à l’article 8.

12. Le deuxième considérant de cette directive est ainsi rédigé:

«La directive 80/987/CEE du Conseil vise à assurer aux travailleurs salariés un minimum de protection en cas d’insolvabilité de leur employeur. À cet effet, elle oblige les États membres à mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs concernés le paiement des créances impayées des travailleurs.»

3. La directive 2003/41/CE concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (4)

13. Le dix-huitième considérant de cette directive indique que: «En cas de faillite d’une entreprise d’affiliation, l’affilié risque de perdre à la fois son emploi et les droits à la retraite qu’il a acquis. Il importe par conséquent de veiller à ce qu’il existe une séparation claire entre cette entreprise et l’institution et de fixer des normes prudentielles minimales pour assurer la protection de l’affilié».

14. L’insolvabilité de l’entreprise d’affiliation n’est envisagée qu’à l’article 8 de cette directive, qui exige une séparation juridique entre les entreprises d’affiliation et les institutions de retraite professionnelle.

15. L’article 16, paragraphe 2, de cette directive admet que, de façon provisoire, l’institution de retraite professionnelle ne soit pas intégralement financée et prévoit des règles régissant cette situation.

B – Droit national

16. Les règles qui existent au Royaume-Uni pour protéger les droits à la retraite des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur prévoient, pour l’essentiel, que le patrimoine de l’institution de retraite professionnelle est soustrait aux réclamations des créanciers et que, sous certaines conditions, les sommes dont le paiement ne peut pas être effectué par l’institution de retraite professionnelle du fait de l’insolvabilité de l’employeur sont versées par le National Insurance Fund.

17. L’application des règles protectrices des travailleurs en vigueur au Royaume‑Uni n’a cependant pas empêché que les droits à pension ne soient couverts, par suite de l’insolvabilité de l’employeur, qu’à concurrence de 20 % de la totalité de ses droits pour la première demanderesse, et de 49 % pour le deuxième demandeur.

III – Les faits et la procédure

18. Les demandeurs au principal sont d’anciens salariés de la société ASW Limited (ci-après la «société ASW») qui a fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité ouverte le 10 juillet 2002, puis a été mise en liquidation forcée.

19. La société ASW avait deux régimes de retraite: l’«ASW Pension Plan» et l’«ASW Sheerness Steel Group Pension Fund» (ci-après les «régimes de retraite»). Les deux régimes de retraite fonctionnaient comme des régimes complémentaires privés et présentaient les caractéristiques suivantes:

Le montant des prestations était calculé sur la base d’un taux d’acquisition ainsi que sur le dernier salaire et la durée d’emploi de chaque affilié dans la société. On parle dans ce cas de «prestation basée sur le dernier salaire». Les régimes de retraite étaient financés, conformément aux dispositions qui leur étaient applicables, d’une part, par des cotisations versées par les salariés, correspondant à un pourcentage de leur salaire, et, d’autre part, par des cotisations que l’employeur était tenu de verser, au taux nécessaire pour permettre de maintenir et de servir les prestations. Ces régimes sont qualifiés de régimes «à équilibre des coûts». Ils revêtaient la forme d’une fiducie indépendante de l’employeur.

20. À la suite de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité de la société ASW, les régimes de retraite en cause ont pris fin en juillet 2002 et ont fait l’objet d’une liquidation. Selon les calculs de leurs actuaires, les régimes de retraite présentaient au 31 juillet 2002 des déficits de 99,7 millions de GBP (ASW Pension Plan) et de 41,2 millions de GBP (ASW Sheerness Group Pension Fund). Il n’était plus envisageable que des fonds supplémentaires soient apportés aux régimes de retraite par la société ASW ou par d’autres entreprises.

21. Les actifs des régimes de retraite ne suffisent donc pas à couvrir tous les droits acquis et en cours d’acquisition des salariés affiliés.

22. Les dispositions légales qui régissent ces régimes de retraite prévoient, dans un tel cas, que les salariés affiliés sont désintéressés dans l’ordre suivant: les administrateurs des régimes doivent utiliser prioritairement les actifs des régimes de retraite pour couvrir les droits des affiliés qui, à la date de la mise en liquidation, percevaient déjà une pension de retraite; puis viennent en second rang les prestations des affiliés qui, à la date de la mise en liquidation, ne percevaient pas encore de pension de retraite, à condition que les régimes de retraite...

To continue reading

Request your trial
12 practice notes
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 26 April 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 April 2018
    ...of employees in the event of the insolvency of their employer (OJ 1980 L 283, p. 23). 3 Judgments of 25 January 2007, Robins and Others (C‑278/05, EU:C:2007:56, paragraph 57), and of 25 April 2013, Hogan and Others (C‑398/11, EU:C:2013:272, paragraph 4 Judgment of 25 April 2013, Hogan and O......
  • Hutchison 3G UK Ltd and Others v Commissioners of Customs and Excise.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 September 2006
    ...et de la télévision. 34 – Voir à cet égard les conclusions que nous avons présentées le 13 juillet 2006 dans l’affaire Robins et Burnett (C‑278/05, non encore publiées au Recueil, points 80 et 81). 35 – La disposition a été insérée par la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999, mo......
  • Quelle AG v Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 November 2007
    ...également, par exemple, conclusions de l’avocat général Kokott du 13 juillet 2006, dans l’affaire Robins e.a. (arrêt du 25 janvier 2007, C‑278/05, Rec. p. I‑1053), point 81, et du 18 juillet 2007, dans l’affaire Tedesco (arrêt du 27 septembre 2007, C-175/06, Rec. p. I‑7929), point 69. 56 – ......
  • The Queen, on the application of Synthon BV v Licensing Authority of the Department of Health.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 October 2008
    ...et Factortame, précité, point 51; du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C‑5/94, Rec. p. I‑2553, point 25, ainsi que du 25 janvier 2007, Robins e.a., C‑278/05, Rec. p. I‑1053, point 69), la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers par une violation du droit communaut......
  • Request a trial to view additional results
12 cases
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 26 April 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 April 2018
    ...of employees in the event of the insolvency of their employer (OJ 1980 L 283, p. 23). 3 Judgments of 25 January 2007, Robins and Others (C‑278/05, EU:C:2007:56, paragraph 57), and of 25 April 2013, Hogan and Others (C‑398/11, EU:C:2013:272, paragraph 4 Judgment of 25 April 2013, Hogan and O......
  • Hutchison 3G UK Ltd and Others v Commissioners of Customs and Excise.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 September 2006
    ...et de la télévision. 34 – Voir à cet égard les conclusions que nous avons présentées le 13 juillet 2006 dans l’affaire Robins et Burnett (C‑278/05, non encore publiées au Recueil, points 80 et 81). 35 – La disposition a été insérée par la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999, mo......
  • Quelle AG v Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 November 2007
    ...également, par exemple, conclusions de l’avocat général Kokott du 13 juillet 2006, dans l’affaire Robins e.a. (arrêt du 25 janvier 2007, C‑278/05, Rec. p. I‑1053), point 81, et du 18 juillet 2007, dans l’affaire Tedesco (arrêt du 27 septembre 2007, C-175/06, Rec. p. I‑7929), point 69. 56 – ......
  • The Queen, on the application of Synthon BV v Licensing Authority of the Department of Health.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 October 2008
    ...et Factortame, précité, point 51; du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C‑5/94, Rec. p. I‑2553, point 25, ainsi que du 25 janvier 2007, Robins e.a., C‑278/05, Rec. p. I‑1053, point 69), la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers par une violation du droit communaut......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT