Margaretha Bouanich v Skatteverket.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62004CC0265 |
ECLI | ECLI:EU:C:2005:479 |
Date | 14 July 2005 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-265/04 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
Mme Juliane Kokott
présentées le 14 juillet 2005 (1)
Affaire C-265/04
Margaretha Bouanich
contre
Skatteverket
[demande de décision préjudicielle formée par le Kammarrätten i Sundsvall (Suède)]
«Libre circulation des capitaux (articles 56 CE et 58 CE) – Législation fiscale – Imposition des produits de cession de titre – Rachat d’actions par la société émettrice – Déductibilité du coût d’acquisition des actions pour l’actionnaire domicilié à l’étranger – Convention de double imposition»
I – Introduction
1. La présente affaire porte sur la réglementation en vigueur en Suède en matière d’imposition des produits de cession applicable lorsque – dans le cadre d’une réduction de son capital social – une société anonyme suédoise rachète des actions à ses propres actionnaires. Il s’agit essentiellement de savoir si les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux (articles 56 CE et 58 CE) interdisent de traiter les actionnaires domiciliés en Suède ou y ayant leur résidence permanente et ceux qui n’ont ni domicile ni résidence permanente en Suède de manière différente en ce que les premiers peuvent déduire du montant imposable le coût d’acquisition (2) des actions, alors que cela n’est pas permis aux seconds (3).
2. Il convient en outre de déterminer si une discrimination éventuelle peut être compensée par des dispositions plus favorables résultant d’une convention de double imposition en vigueur entre le Royaume de Suède et l’État du domicile de l’actionnaire concerné.
II – Le cadre juridique
A – Le droit communautaire
3. Le cadre juridique communautaire de la présente affaire est constitué par les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux.
4. L’interdiction de principe des restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre ceux-ci et les États tiers est inscrite à l’article 56, paragraphe 1, CE:
«Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»
5. Concernant la marge d’action laissée aux États membres, il convient de mentionner l’article 58 CE qui dispose, notamment:
«1. L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:
a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;
[...]
3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56.»
B – Le droit national
6. En ce qui concerne les dispositions du droit suédois applicable, il convient de mentionner la loi relative à l’impôt sur les dividendes (4), d’une part, et la convention de double imposition en vigueur entre le Royaume de Suède et la République française, d’autre part. Leurs dispositions pertinentes en l’espèce se résument ainsi:
La loi relative à l’impôt sur les dividendes
7. Lorsqu’une société anonyme suédoise rachète des actions à ses actionnaires domiciliés en Suède, le montant versé à l’actionnaire est imposé en tant que plus-value de cession. Cela signifie pour une personne physique qu’il est appliqué un taux d’imposition de 30 % sur la plus-value de cession, déduction faite du coût d’acquisition des actions cédées.
8. Par contre, lorsque la personne physique à laquelle les actions sont rachetées n’a pas de domicile ou de résidence permanente en Suède, le montant qui lui est versé est traité comme une distribution de dividendes. Conformément aux articles 1er, 2, paragraphe 2, 4 et 5 de la loi suédoise relative à l’impôt sur les dividendes, ce montant est soumis à un impôt sur les dividendes de 30 % sans possibilité de déduction du coût d’acquisition (5) des actions. L’article 7 de la loi relative à l’impôt sur les dividendes prévoit que cet impôt est prélevé à la source par un gestionnaire centralisé de valeurs mobilières lorsqu’il ne résulte pas des informations disponibles concernant le bénéficiaire des dividendes que celui-ci n’est pas imposable.
9. Lorsque le montant perçu au titre de l’impôt sur les dividendes est plus élevé que celui qui devrait être réglé en vertu d’une convention de double imposition, l’article 27 de la loi relative à l’impôt sur les dividendes prévoit un droit à remboursement.
La convention franco-suédoise de double imposition
10. L’article 10, paragraphe 1, de la convention de double imposition en vigueur entre la République française et le Royaume de Suède (6) prévoit que les dividendes payés par une société qui est un résident d’un État contractant à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.
11. Il résulte de l’article 10, paragraphe 2, de cette convention que ces dividendes sont aussi imposables dans l’État contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais que, si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes.
12. Conformément à l’article 10, paragraphe 5, de la convention, sont considérés comme des dividendes, au sens des dispositions susmentionnées, entre autres, les revenus provenant d’actions ainsi que les revenus qui étaient soumis au régime des distributions par la législation applicable, à la date d’entrée en vigueur de la convention, dans l’État contractant dont la société distributrice est un résident.
13. Il résulte de l’article 13, paragraphe 6, de la convention que les gains provenant de l’aliénation d’actions ne sont imposables que dans l’État contractant dont le cédant est un résident.
14. Selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, la convention de double imposition repose sur un modèle de convention (7) élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), pour lequel cette dernière a également rédigé des commentaires (8).
15. Il ressort des commentaires (9) relatifs à l’article 10 du modèle de convention de l’OCDE (10) que doivent être considérés comme des dividendes non seulement les distributions de bénéfice décidées par l’assemblée annuelle des actionnaires, mais également les autres avantages appréciables en argent, tels qu’actions gratuites, bonus, bénéfices de liquidation et distributions cachées de bénéfices.
16. Il est exposé dans les commentaires (11) relatifs à l’article 13 du modèle de convention de l’OCDE (12) que, si des actions sont vendues par un actionnaire à la société qui les a émises, lors de la liquidation de cette société ou de la réduction de son capital social libéré, la différence entre le prix de vente et la valeur nominale des actions peut être traitée, dans l’État dont la société est un résident, comme une distribution de bénéfices mis en réserve et non comme un gain en capital. L’article ne s’oppose pas à ce que l’État de résidence de la société impose de telles distributions aux taux prévus à l’article 10.
III – Les faits et le litige au principal
17. Mme Margaretha Bouanich est domiciliée en France. Elle était actionnaire de la société anonyme suédoise Förvaltnings AB Ratos. Le 2 décembre 1998, elle a revendu à cette société des actions qu’elle détenait d’une valeur de 8 639 402 SEK. En application de la loi relative à l’impôt sur les dividendes et de la convention de double imposition, il a été prélevé à la source sur la somme perçue un impôt sur les dividendes de 15 %, à savoir un montant de 1 295 910,30 SEK.
18. Mme Bouanich a alors exercé un recours auprès de l’administration fiscale compétente (13) de Gävle, demandant le remboursement de l’intégralité de l’impôt sur les dividendes prélevé. À titre subsidiaire, elle demandait le remboursement de la partie de l’impôt sur les dividendes prélevé, calculée sur la valeur nominale des actions rachetées, correspondant donc à une taxation également de cette valeur nominale.
19. L’administration fiscale a fait droit le 28 septembre 1999 à la demande présentée à titre subsidiaire et a remboursé un montant de 166 999 SEK sur l’impôt sur les dividendes.
20. Mme Bouanich a formé devant le länsrätten i Dalarnas län (14) un recours contre cette décision lui demandant de juger qu’il n’aurait pas dû être prélevé un impôt sur les dividendes sur la somme qu’elle a perçue et qu’il convenait donc de lui rembourser le solde de l’impôt prélevé à la source.
21. Le länsrätten a rejeté ce recours par jugement du 29 mars 2001. Mme Bouanich a fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Kammarrätteni Sundsvall (15).
IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour
22. Le Kammarrätteni Sundsvall a posé à titre préjudiciel à la Cour les trois questions suivantes:
«1) Les articles 56 CE et 58 CE permettent-ils à un État membre d’imposer les sommes reçues pour le rachat de titres en vue de leur annulation, versées par une société par action y établie, sous le régime des distributions sans ouvrir droit à déduction [du coût d’acquisition]?(16) des titres ainsi rachetés, si elles sont versées à un actionnaire qui n’y est ni domicilié, ni y a de résidence permanente, alors que les sommes versées à un actionnaire domicilié ou ayant sa résidence permanente dans cet État membre pour le rachat de titres en vue de leur annulation sont imposées sous le régime des plus-values ouvrant droit à déduction [du coût d’acquisition] desdits titres?
2) Dans la négative: si la convention fiscale en vue d’éviter les doubles impositions conclue entre l’État membre du siège de la société par action et celui de résidence de l’actionnaire prévoit un taux de prélèvement inférieur à celui appliqué aux sommes versées...
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