Sociedad General de Autores y Editores de España (SGAE) v Rafael Hoteles SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:479
Date13 July 2006
Celex Number62005CC0306
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-306/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 13 juillet 2006 (1)

Affaire C-306/05

Sociedad General de Autores y Editores de España (SGAE)

contre

Rafael Hoteles SA

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Provincial de Barcelona [Espagne)]






1. Dans la présente affaire, l’Audiencia Provincial de Barcelona (Espagne) demande comment il convient d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (2) (ci-après la «directive droit d’auteur»).

La directive droit d’auteur

2. Comme son nom l’indique, la directive droit d’auteur vise à harmoniser certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins (3), y compris le droit de communication d’œuvres au public.

3. Il est tout d’abord souligné dans les considérants de la directive que toute harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, entre autres, des auteurs et des interprètes ou exécutants qui, pour pouvoir poursuivre leur travail créatif et artistique, doivent obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres. Il est ensuite ajouté qu’un système efficace et rigoureux de protection du droit d’auteur et des droits voisins est l’un des principaux instruments permettant de garantir à la création et à la production culturelles européennes l’obtention des ressources nécessaires et de préserver l’autonomie et la dignité des créateurs et interprètes (4).

4. Les considérants suivants présentent également une pertinence dans le cadre de la présente affaire:

«(15) [...] le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur [...] [constitue] une mise à jour importante de la protection internationale du droit d’auteur et des droits voisins, notamment en ce qui concerne ce que l’on appelle ‘l’agenda numérique’ [...] La présente directive vise aussi à mettre en œuvre certaines de ces nouvelles obligations internationales.

[...]

(23) La présente directive doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte.

[...]

(27) La simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication au sens de la présente directive.»

5. L’article 3, paragraphe 1, de la directive impose aux États membres de «[prévoir] pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement».

6. La directive est entrée en vigueur le 22 juin 2001 et devait être transposée au plus tard le 22 décembre 2002 (5).

Le cadre juridique international

7. L’article 3, paragraphe 1, de la directive droit d’auteur est similaire à l’article 11bis 1), de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (6) (ci-après la «Convention de Berne») et presque identique à l’article 8 du traité de l’OMPI (7) sur le droit d’auteur (8) (ci-après le «WCT»). Comme l’a souligné la Commission, selon une jurisprudence bien établie, le droit communautaire dérivé doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions des traités internationaux conclus par la Communauté (9).

La Convention de Berne

8. Bien que la Communauté ne soit pas partie à la Convention de Berne (et ne peut pas l’être, puisque seuls les États peuvent adhérer à l’Union de Berne), elle n’en est pas moins tenue de respecter ladite convention, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après dénommé l’«accord ADPIC»). Cet accord est reproduit à l’annexe l C de l’accord de Marrakech, instituant l’Organisation mondiale du commerce (10), auquel la Communauté est partie. On peut donc supposer que l’article 3, paragraphe 1, de la directive est conçu de manière à être en conformité avec la Convention de Berne.

9. L’article 11 de la Convention de Berne dispose:

«(1) Les auteurs d’œuvres dramatiques, dramatico‑musicales et musicales jouissent du droit exclusif d’autoriser:

(i) la représentation et l’exécution publiques de leurs œuvres, y compris la représentation et l’exécution publiques par tous moyens ou procédés;

(ii) la transmission publique par tous moyens de la représentation et de l’exécution de leurs œuvres.

(2) Les mêmes droits sont accordés aux auteurs d’œuvres dramatiques ou dramatico‑musicales pendant toute la durée de leurs droits sur l’œuvre originale, en ce qui concerne la traduction de leurs œuvres.»

10. L’article 11bis 1), de la Convention de Berne dispose:

«(1) Les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser:

(i) la radiodiffusion de leurs œuvres ou la communication publique de ces œuvres par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les signes, les sons ou les images;

(ii) toute communication publique, soit par fil, soit sans fil, de l’œuvre radiodiffusée, lorsque cette communication est faite par un autre organisme que celui d’origine (11);

(iii) la communication publique, par haut–parleur ou par tout autre instrument analogue transmetteur de signes, de sons ou d’images, de l’œuvre radiodiffusée.»

11. La Convention de Berne a été révisée en dernier lieu en 1971 (12). Une révision de la convention requiert l’unanimité des parties présentes et votantes. En 1971, alors même que les parties contractantes étaient considérablement moins nombreuses (13), il a été difficile de parvenir à l’unanimité. Il semble que c’est pour cette raison qu’il a été jugé irréaliste de réviser à nouveau la convention afin de prendre en compte les évolutions technologiques intervenues depuis 1971. C’est pourquoi l’OMPI a décidé de rédiger un nouveau traité qui, en tant qu’«arrangement particulier», au sens de l’article 20 de la convention, ne requérait pas l’unanimité des membres de l’Union de Berne. Cela présentait en outre l’avantage de permettre à la Communauté européenne d’y adhérer (comme le pouvaient aussi les pays non membres de l’Union de Berne).

Le WCT

12. Le WCT est entré en vigueur le 6 décembre 2001. Bien qu’elle l’ait signé, la Communauté n’a pas encore ratifié le WCT (14). Ce dernier n’en est pas moins pertinent pour interpréter la directive droit d’auteur puisqu’il est fait état au quinzième considérant de ladite directive de ce que celle-ci «vise [...] à mettre en œuvre certaines de ces nouvelles obligations internationales», dérivées du WCT.

13. L’article 8, intitulé «Droit de communication au public», dispose:

«Sans préjudice des dispositions des articles 11.1)2°), 11bis 1)1°) et 2°), [...] de la Convention de Berne, les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser toute communication au public de leurs œuvres par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit de manière individualisée.»

Les dispositions pertinentes du droit espagnol

14. Selon l’ordonnance de renvoi, la loi espagnole sur la propriété intellectuelle (15) reconnaît à l’auteur d’une œuvre l’exercice exclusif des droits d’exploitation de celle-ci, sous quelque forme que ce soit, y compris la communication au public. L’article 20 explique, dans un premier temps, ce que l’on doit entendre par communication au public: «tout acte par lequel une œuvre est rendue accessible à une pluralité de personnes, sans distribution préalable d’exemplaires à chacune d’entre elles». Ensuite, il rejette la qualification de communication au public à celle qui «a lieu dans un endroit strictement privé, qui n’est pas intégré ni connecté à un réseau de diffusion».

15. La juridiction de renvoi expose que, jusqu’il y a peu, le Tribunal Supremo espagnol considérait que les chambres d’hôtel n’étaient pas des endroits privés et qu’en conséquence l’utilisation de la télévision dans lesdites chambres constituait un acte de communication au public, au sens de l’article 20 de la loi espagnole sur la propriété intellectuelle (16). De ce fait, le propriétaire de l’hôtel était tenu de verser, à l’organisme chargé de la gestion du répertoire des œuvres faisant l’objet de l’acte de communication, les droits afférents à l’autorisation.

16. Cette jurisprudence constante a toutefois été renversée par une décision rendue par le Tribunal Supremo en 2003 (17) jugeant qu’une chambre d’hôtel est un endroit strictement privé et qu’en conséquence l’utilisation d’appareils de télévision dans ces chambres ne constitue pas un acte de communication au public et qu’il n’est donc pas nécessaire d’obtenir d’autorisation des titulaires des droits de propriété intellectuelle des œuvres faisant l’objet de la communication.

Le litige au principal et la demande de décision préjudicielle

17. La Sociedad General de Autores y Editores de España (ci-après la «SGAE») est un organisme chargé de la gestion des droits de propriété intellectuelle. Elle a engagé des poursuites judiciaires contre la société Rafael Hoteles SL (ci-après la «société Rafael»), propriétaire de l’hôtel Rafael, pour violation des droits de propriété intellectuelle gérés par la SGAE. Concrètement, la SGAE a fait valoir que, au cours de la période comprise entre les mois de juin 2002 et mars 2003, ont été exécutés, à l’hôtel Rafael, des actes de communication au public impliquant des œuvres appartenant au...

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