Opinion of Advocate General Kokott delivered on 18 February 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:101
Date18 February 2016
Celex Number62014CC0516
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62014CC0516

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 18 février 2016 ( 1 )

Affaire C‑516/14

Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos SA

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Arbitral Tributário (Tribunal arbitral en matière fiscale, Portugal)]

«Droit fiscal — Taxe sur la valeur ajoutée — Article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112/CE — Mentions d’une facture relatives à l’étendue et la nature d’une prestation de services ainsi qu’à la date à laquelle elle a été effectuée — Article 178, sous a), de la directive 2006/112 — Exercice du droit à déduction — Exigence de détention d’une facture remplissant les conditions de l’article 226 de la directive 2006/112»

I – Introduction

1.

Normalement, personne ne se réjouit de recevoir une facture. Il en va un peu autrement en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En effet, dans certaines circonstances, la facture permet à son destinataire de se faire rembourser par le fisc le montant de la TVA indiqué dans ladite facture (droit à déduction).

2.

Toutefois, le droit de l’Union en matière de TVA prévoit également que la facture doit contenir une série de mentions minimales. Dans l’affaire à l’origine de la présente demande de décision préjudicielle, l’administration fiscale portugaise a estimé que ces mentions n’étaient pas suffisantes. En particulier, la désignation des prestations facturées comme des «services juridiques», sans autre précision, ne remplirait pas les exigences que la législation en matière de TVA pose en ce qui concerne le contenu d’une facture. Cependant, seule une facture en bonne et due forme ouvrirait le droit à déduction.

3.

Dans ce contexte, la Cour devra préciser deux points. Tout d’abord, il conviendra notamment de répondre à une question inédite, portant sur le degré de détail que doit revêtir la description d’une prestation de services dans une facture. Ensuite, la Cour devra à nouveau se prononcer sur les conséquences d’une facture incomplète pour le droit à déduction, afin de parfaire sa jurisprudence en la matière.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Au sein de l’Union européenne, la perception de la TVA est régie par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ( 2 ). Cette directive succède à la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme ( 3 ). En l’espèce, pour autant que les dispositions de ces deux directives sont identiques, il convient également de tenir compte de la jurisprudence de la Cour relative à la sixième directive.

5.

L’article 168 de la directive TVA ( 4 ) prévoit notamment le droit à déduction suivant:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants:

a)

la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti;

[…]»

6.

Dans le chapitre intitulé «Modalités d’exercice du droit à déduction», l’article 178 de la directive TVA dans sa version initiale ( 5 ), qui est applicable dans l’affaire au principal, ajoute les précisions suivantes:

«Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes:

a)

pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240;

[…]»

7.

L’article 226 de la directive TVA, auquel la disposition susmentionnée fait notamment référence, porte sur le contenu des factures et dispose:

«Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221:

[…]

6)

la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus;

7)

la date à laquelle est effectuée, ou achevée, la livraison de biens ou la prestation de services ou la date à laquelle est versé l’acompte visé à l’article 220, points 4) et 5), dans la mesure où une telle date est déterminée et différente de la date d’émission de la facture;

[…]»

8.

Les dispositions susmentionnées de l’article 226 de la directive TVA correspondent, pour l’essentiel, à celles de l’article 22, paragraphe 3, sous b), sixième et septième tirets, de la sixième directive, dans sa version découlant de son article 28 nonies ( 6 ), dans sa version modifiée par la directive 2001/115/CE ( 7 ). Par conséquent, il conviendra notamment de prendre en compte la genèse de cette disposition de la sixième directive en l’espèce.

9.

Le considérant 46 de la directive TVA est le seul qui porte sur les factures et se lit comme suit:

«L’utilisation de la facturation électronique doit permettre aux administrations fiscales d’effectuer leur contrôle. Il convient donc, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, d’établir une liste harmonisée des mentions qui doivent figurer obligatoirement sur les factures, ainsi qu’un nombre de modalités communes quant au recours à la facturation électronique, au stockage électronique des factures, à l’autofacturation et à la sous-traitance des opérations de facturation.»

B – Le droit portugais

10.

En droit portugais, il ressort de l’article 36, paragraphe 5, sous b), du Código do Imposto sobre o Valor Acrescentado (code de la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après le «CIVA») que les factures doivent contenir la «dénomination usuelle […] des services fournis, avec la spécification des éléments nécessaires à la détermination du taux applicable».

11.

Ce n’est que lorsqu’une facture remplit notamment ces conditions visées à l’article 36, paragraphe 5, sous b), du CIVA qu’il existe, conformément à l’article 19, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 6, du CIVA, un droit à la déduction de la TVA mentionnée dans la facture.

12.

Dans le cadre de la procédure devant la Cour, la République portugaise a en outre exposé que, en ce qui concerne la période pertinente pour le litige au principal, le droit portugais prévoyait un taux de TVA réduit pour certaines prestations de services d’avocat en faveur, notamment, de retraités ou de chômeurs ainsi que, en général, dans le cadre de procédures portant sur l’état des personnes. Cette règle, qui n’est pas prévue par les dispositions de la directive TVA relatives au taux réduit de la TVA, qui s’appliquent dans l’ensemble de l’Union, reposerait sur la clause d’antériorité de l’article 113 de la directive TVA.

III – Le litige au principal

13.

La demanderesse au principal, la société Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos SA, opère dans le secteur hôtelier.

14.

Elle a eu recours aux services d’un cabinet d’avocats au cours des années 2008 à 2010. À cet égard, ledit cabinet a établi quatre factures, dans lesquelles les services fournis sont décrits comme suit:

«services juridiques fournis entre le 1er décembre 2007 et aujourd’hui» (facture du 26 août 2008);

«honoraires pour services juridiques fournis entre juin et aujourd’hui» (facture du 17 décembre 2008);

«honoraires pour services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui» (facture du 29 avril 2009);

«honoraires pour services juridiques fournis entre le 1er novembre 2009 et aujourd’hui» (facture du 2 juin 2010).

15.

En ce qui concerne la TVA mentionnée dans ces factures, la demanderesse au principal a fait valoir auprès de l’administration fiscale portugaise un droit à déduction pour un montant total de 8689,49 euros.

16.

À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale portugaise a refusé la déduction de la TVA, car les descriptions des services fournis figurant dans les factures ne remplissaient pas les conditions de l’article 36, paragraphe 5, sous b), du CIVA. La demanderesse au principal a alors produit des documents complémentaires contenant une description détaillée des prestations de services. L’administration fiscale portugaise a néanmoins refusé la déduction au motif que les factures ne remplissaient toujours pas les conditions prévues par la loi.

IV – La procédure devant la Cour

17.

Le Tribunal Arbitral Tributário (tribunal arbitral en matière fiscale, Portugal), qui a été saisi du litige, considère que l’interprétation de la directive TVA est déterminante pour l’issue de celui-ci et, le 17 novembre 2014, il a donc saisi la Cour, conformément à l’article 267 TFUE, de la question préjudicielle suivante:

«Dans le cadre d’une interprétation correcte de l’article 226, point 6, de la directive TVA, l’Autoridade Tributária e Aduaneira [administration portugaise des contributions et des douanes] peut-elle juger insuffisant le contenu d’une facture qui comporte la mention ‘services juridiques fournis depuis une certaine date jusqu’à aujourd’hui’ ou même ‘services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui’, alors que ladite administration peut, sur le fondement du...

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