Commission of the European Communities v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:463
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-540/07
Date16 July 2009
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62007CC0540

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 16 juillet 2009 1(1)

Affaire C‑540/07

Commission des Communautés européennes

contre

République italienne

«Manquement d’État – Libre circulation des capitaux – Article 56 CE – Articles 31 et 40 de l’accord sur l’EEE – Fiscalité directe – Retenue à la source opérée sur les dividendes sortants – Imputation au siège du bénéficiaire du dividende, en vertu d’une convention préventive de la double imposition»





I – Introduction

1. Dans le présent recours, la Commission des Communautés européennes s’en prend à la réglementation italienne concernant la retenue à la source sur les dividendes. Les dividendes distribués par les entreprises italiennes à des sociétés établies dans un autre État membre ou dans un État de l’Espace économique européen (EEE) (ci‑après les «dividendes sortants») seraient imposés plus lourdement que ceux versés à des bénéficiaires établis sur le territoire national. La République italienne enfreindrait de la sorte la libre circulation des capitaux ainsi que, dans ses relations avec les États de l’EEE, la liberté d’établissement.

2. La République italienne objecte notamment que toutes les conventions préventives de la double imposition conclues par elle contiendraient des clauses prévoyant une imputation de l’impôt retenu à la source sur l’impôt dû au siège du bénéficiaire du dividende.

3. La Cour a déjà constaté dans une série de décisions qu’un État membre appliquant une retenue à la source plus élevée sur les dividendes sortants ne saurait se disculper en invoquant la possibilité d’imputation concédée de manière unilatérale par l’État membre destinataire (2). Elle n’a cependant pas encore dit si toute violation des libertés fondamentales est exclue lorsque la possibilité d’imputation de la retenue à la source est prévue par une convention préventive de la double imposition (3).

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

4. Les articles 56 CE et 58 CE forment le cadre juridique du recours, pour autant qu’il se rapporte aux relations entre la République italienne et les autres États membres.

5. Il faut également mentionner en l’espèce la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (4).

6. D’après son article 3, paragraphe 1, cette directive exigeait, au cours de la période en cause, une participation d’au moins 20 % pour se voir reconnaître la qualité de société mère ou de filiale (5). L’article 4 de ladite directive prévoit que, lorsqu’une société mère perçoit des bénéfices d’une filiale établie dans un autre État membre, l’État de la société mère soit s’abstient d’imposer ces bénéfices, soit les impose, mais en autorisant la déduction de l’impôt payé par la filiale au lieu de son siège. Enfin, l’article 5 de cette directive exige que les bénéfices distribués par une filiale à sa société mère soient exonérés de retenue à la source.

7. Concernant les relations entre la République italienne et les États de l’EEE, la Commission fait encore valoir la violation des articles 31 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen du 2 mai 1992 (6) (ci‑après l’«accord sur l’EEE»), qui disposent:

«Article 31

1. Dans le cadre du présent accord, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre de la CE ou d’un État de l’AELE sur le territoire d’un autre de ces États sont interdites. La présente disposition s’étend également à la création d’agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d’un État membre de la CE ou d’un État de l’AELE, établis sur le territoire de l’un de ces États.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, notamment de sociétés au sens de l’article 34 deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre 4.

2. Les dispositions particulières applicables au droit d’établissement figurent aux annexes VIII à XI.

[…]

Article 40

Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de la CE ou dans les États de l’AELE, ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII.»

B – Dispositions italiennes

1. Imposition des dividendes distribués aux résidents

8. Les dividendes versés à des sociétés et établissements commerciaux (ainsi que, temporairement et pour partie, à des établissements non commerciaux) sont soumis en Italie à un impôt sur le revenu des personnes morales (imposta sul reddito delle società – IRES), conformément au décret législatif du 12 décembre 2003, n° 344, portant réforme de l’impôt sur le revenu des personnes morales, en vertu de l’article 4 de la loi du 7 avril 2003, n° 80 (Riforma dell’imposizione sul reddito delle società, a norma dell’articolo 4 della legge 7 aprile 2003, n. 80) (7).

9. Depuis cette réforme, l’imposition des dividendes est régie par l’article 89, deuxième alinéa, du Texte consolidé relatif aux impôts sur les revenus (Testo unico delle imposte sui redditi – TUIR), adopté par décret du président de la République du 22 décembre 1986, n° 917 (8) et qui se lit comme suit:

«Les bénéfices distribués, sous quelque forme et sous quelque dénomination que ce soit, même dans les cas visés à l’article 47, paragraphe 7, par les sociétés et établissements visés à l’article 73, paragraphe 1, points a) et b), ne constituent pas un élément du revenu de l’exercice dans lequel ils sont perçus, car ils sont exclus à 95 % de leur montant du revenu de la société ou de l’établissement bénéficiaire.»

10. Pour sa part, l’article 73, premier alinéa, sous a) et b), du TUIR définit comme suit les redevables de l’impôt sur le revenu des personnes morales:

«a) les sociétés par actions et les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés coopératives et les sociétés d’assurance mutuelle, établies sur le territoire de l’État;

b) les organismes publics et privés autres que les sociétés, établies sur le territoire de l’État, qui ont l’exercice d’activités commerciales pour objet exclusif ou principal».

2. L’imposition des dividendes sortants

11. Conformément à l’article 27, troisième alinéa, du décret du président de la République italienne du 29 septembre 1973, n° 600, portant dispositions communes en matière d’établissement de l’impôt sur le revenu [Disposizioni comuni in materia di accertamento delle imposte sui redditi (ci‑après le «DPR n° 600/73»)] (9), les dividendes distribués dans d’autres États membres ou dans des États de l’EEE donnent lieu à une retenue à la source. Cette disposition se lit comme suit:

«La retenue est opérée à titre d’impôt et au taux de 27 % sur les bénéfices distribués à des personnes ne résidant pas sur le territoire national. Le taux de la retenue est réduit à 12,50 % pour les bénéfices payés aux détenteurs d’actions d’épargne. Les non-résidents autres que les détenteurs d’actions d’épargne ont droit au remboursement, jusqu’à concurrence de quatre neuvièmes de la retenue, de l’impôt dont il est établi qu’il a été payé à l’étranger à titre définitif sur les mêmes bénéfices par un certificat délivré par l’autorité fiscale compétente de l’État étranger.»

12. L’article 27 bis du DPR n° 600/73 prévoit le remboursement ou, à certaines conditions, l’exemption de la retenue pour des sociétés établies dans d’autres États membres et remplissant les conditions de seuil et de durée de participation figurant dans la directive 90/435.

13. D’après des renseignements fournis par le gouvernement italien et par la Commission en réponse à une question posée par la Cour, la République italienne aurait conclu des conventions préventives de la double imposition avec tous les États membres, à l’exception de la Slovénie, ainsi qu’avec la Norvège et l’Islande, qui sont membres de l’EEE.

14. Ces conventions sont calquées sur le modèle de convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elles attribuent en règle générale le pouvoir d’imposer les dividendes au pays dans lequel est établi le bénéficiaire de ceux-ci; elles autorisent cependant l’État d’origine à pratiquer un prélèvement à la source plafonné à 15 % (10 % dans le cadre des accords avec la Bulgarie, la Pologne, la Roumanie et la Hongrie). Certaines conventions ramènent le taux de retenue à la source à 0 %, 5 % ou 10 % lorsque la participation dépasse un certain seuil (par exemple 10 %, 25 % ou 50 % des parts) (10). Pour éviter la double imposition, toutes les conventions exigent que l’État du bénéficiaire du dividende accepte que l’impôt retenu à la source en Italie soit déduit de celui dû dans l’État du bénéficiaire, dans la limite du montant de ce dernier (imputation ordinaire).

III – Procédure préalable et recours

15. Sur plainte déposée par une entreprise norvégienne au sujet du traitement fiscal des dividendes distribués par des sociétés italiennes à des bénéficiaires norvégiens, la Commission a ouvert une instruction sur le fondement de l’article 109, paragraphe 4, de l’accord sur l’EEE. Par la suite, elle a étendu la procédure au régime fiscal applicable aux dividendes distribués à des personnes résidant dans des États de la Communauté européenne; le 18 octobre 2005, elle a adressé à la République italienne une lettre de mise en demeure au titre de l’article 226 CE. La République italienne a répondu par courrier du 9 février 2006.

16. N’étant pas satisfaite de la réponse, la Commission a envoyé le 4 juillet 2006 un avis motivé, dans...

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