X Holding BV v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:721
Docket NumberC-337/08
Celex Number62008CC0337
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 November 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 19 novembre 2009 (1)

Affaire C‑337/08

X Holding BV

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad (Pays‑Bas)]

«Liberté d’établissement – Impôt sur les sociétés – Régime d’imposition de groupe – Entité fiscale composée de sociétés mères résidentes et d’une ou plusieurs de leurs filiales résidentes – Exclusion des filiales non-résidentes – Préservation d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres»





I – Introduction

1. Le droit fiscal néerlandais accorde aux sociétés établies sur le territoire national la possibilité de former une entité fiscale avec leurs filiales résidentes. Ce régime a pour effet, notamment, que les bénéfices et les pertes des sociétés intégrées dans l’entité sont consolidés au niveau de la société mère et que les transactions effectuées au sein du groupe restent fiscalement neutres. Les filiales établies dans un autre État membre ne peuvent pas être intégrées dans une entité fiscale.

2. Le Hoge Raad (Pays-Bas) a des doutes sur le point de savoir si cette différence de traitement des filiales nationales et étrangères est justifiée par les raisons qui ont été développées dans l’arrêt Marks & Spencer (2) et dans les arrêts qui l’ont suivi (3), en particulier afin de sauvegarder une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres.

3. Les États membres qui sont intervenus à la procédure estiment que les dispositions néerlandaises en matière d’entité fiscale sont compatibles avec la liberté d’établissement. X Holding BV (ci-après «X Holding») et la Commission des Communautés européennes sont d’avis opposé. Elles font valoir que le droit néerlandais permet d’inclure les établissements stables étrangers d’une société néerlandaise dans l’entité fiscale et que, par conséquent, cette possibilité devrait également être accordée aux filiales ayant leur siège dans d’autres États membres.

II – Le cadre juridique

4. La convention du 5 juin 2001 entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas tendant à éviter la double imposition et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (4) (ci-après la «convention tendant à éviter la double imposition») stipule à son article 7, paragraphe 1, conformément au modèle de convention de l’OCDE:

«[l]es bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable».

5. Lorsqu’un assujetti établi aux Pays-Bas perçoit des revenus qui, en application de l’article 7 de la convention tendant à éviter la double imposition, sont imposables en Belgique, le Royaume des Pays-Bas, en application de l’article 23, paragraphe 2, de cette même convention, exempte ces éléments de revenu en accordant une réduction de leur impôt conformément aux dispositions de la législation néerlandaise visant à éviter la double imposition (5).

6. L’article 15, paragraphe 1, de la loi de 1969 relative à l’impôt sur les sociétés (Wet op de vennootschapsbelasting 1969, ci-après la «Wet Vpb»), dans sa version de 2003, définit l’entité fiscale de la manière suivante:

«Lorsqu’un assujetti (la société mère) est économiquement et juridiquement propriétaire d’au moins 95 % du capital nominal libéré d’un autre assujetti (la filiale), les deux assujettis sont imposés à leur demande comme s’ils formaient une seule entité, c’est-à-dire comme si les activités et le patrimoine de la filiale faisaient partie intégrante des activités et du patrimoine de la société mère. L’impôt est prélevé dans le chef de la société mère. Les assujettis sont alors considérés ensemble comme une entité fiscale. Plusieurs filiales peuvent faire partie d’une même entité fiscale».

7. En vertu de l’article 15, paragraphe 3, sous c), de la Wet Vpb, seuls les assujettis établis aux Pays-Bas peuvent former une entité fiscale. L’article 15, paragraphe 4 prévoit une dérogation à cette règle pour les sociétés établies dans l’Union européenne, dans la mesure où elles disposent d’un établissement stable aux Pays-Bas dont les bénéfices sont soumis à l’impôt aux Pays-Bas en vertu d’une convention tendant à éviter la double imposition.

8. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que les dispositions relatives à l’entité fiscale permettent de compenser, au cours d’un même exercice fiscal, des bénéfices et des pertes de différentes entreprises appartenant à l’entité fiscale. En outre, le transfert d’actifs entre deux sociétés appartenant à l’entité fiscale et les services fournis au sein de l’entité restent fiscalement neutres.

9. Si une filiale n’est pas intégrée dans une entité fiscale, ses pertes ne peuvent pas être compensées avec le bénéfice de la société mère. Les actions dans cette filiale sont une participation pour la société mère. Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de la Wet Vpb, les résultats (positifs ou négatifs) issus de la participation ne sont pas pris en compte dans le calcul du bénéfice. Une perte sur une participation (perte pour réduction de valeur) ne peut donc pas être déduite, en principe, du bénéfice imposable de la société mère. L’article 13d de la Wet Vpb permet toutefois, à certaines conditions, de déduire du bénéfice une perte réalisée à la liquidation d’une participation.

10. L’article 33 de l’arrêté de prévention de la double imposition de 2001 prévoit, en ce qui concerne le traitement fiscal des bénéfices des établissements stables à l’étranger, que ceux-ci sont additionnés à l’assiette imposable de la maison mère aux Pays-Bas. En même temps, ils sont exonérés d’impôt dans la mesure où un montant correspondant à l’impôt national sur les sociétés au titre de ces bénéfices est déduit de la dette fiscale de la société nationale.

11. Si la perte d’un établissement stable à l’étranger a conduit à une diminution de l’assiette imposable néerlandaise, l’article 35 de ce même arrêté prévoit que les résultats positifs ultérieurs de l’établissement stable ne seront exonérés que s’ils dépassent les pertes antérieurement déduites (régime de récupération).

III – Les faits au principal, la question préjudicielle et la procédure

12. X Holding est une société de capitaux ayant son siège aux Pays‑Bas. Elle est l’actionnaire unique de F NV (ci-après «F»), société établie en Belgique. F n’a pas d’établissement stable aux Pays-Bas et n’est, au reste, pas assujettie à l’impôt des sociétés aux Pays-Bas.

13. En 2003, X Holding et F ont demandé à être considérées comme une entité fiscale unique. Leur demande a été rejetée par le fisc au motif que F n’est pas établie aux Pays-Bas. Après avoir vu son recours en première instance rejeté, X Holding s’est pourvue en cassation auprès du Hoge Raad. Elle fonde son recours sur la violation de la liberté d’établissement, garantie aux articles 43 CE et 48 CE.

14. Le Hoge Raad a saisi la Cour de la question suivante, aux fins d’une décision à titre préjudiciel:

«L’article 43 CE, lu conjointement avec l’article 48 CE, doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à ce que la réglementation nationale d’un État membre, (…) en vertu de laquelle une société mère et sa filiale peuvent choisir que l’impôt soit prélevé à leur égard dans la société mère établie dans cet État membre comme s’il s’agissait d’un seul assujetti, réserve ce choix aux sociétés qui relèvent, pour l’imposition de leurs bénéfices, de la compétence fiscale de l’État membre en question?»

15. Dans le cadre de la procédure devant la Cour, des observations ont été présentées par X Holding par les gouvernements néerlandais, allemand, espagnol, français, portugais, suédois et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission.

IV – Appréciation juridique

16. La juridiction de renvoi sollicite une interprétation de l’article 43 CE, lu conjointement avec l’article 48 CE, concernant la compatibilité des dispositions néerlandaises relatives à l’entité fiscale avec la liberté d’établissement.

17. Les dispositions nationales qui ne trouvent à s’appliquer qu’à la détention d’une participation permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de la société et d’en déterminer les activités relèvent de la liberté d’établissement (6). Des dispositions qui ne visent que des relations au sein d’un groupe de sociétés concernent par conséquent de manière prépondérante cette liberté fondamentale (7).

18. La formation d’une entité fiscale en application des dispositions applicables au litige au principal suppose qu’un assujetti (la société mère) soit juridiquement et économiquement propriétaire d’au moins 95 % des parts du capital nominal libéré d’un autre assujetti (la filiale).

19. Il s’ensuit que les dispositions néerlandaises relatives à l’entité fiscale ne visent que des cas de participation avec influence dominante. Par conséquent, elles relèvent du champ d’application de la liberté d’établissement.

20. Il n’est pas nécessaire d’effectuer en parallèle un examen à l’aune des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux, même si les opérations en cause pourraient en principe être également vues comme un exercice de cette liberté (8).

A – Restriction à la liberté d’établissement

21. La liberté d’établissement comprend, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (9).

22. Même si, selon leur libellé, les dispositions du traité CE...

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