Opinion of Advocate General Bobek delivered on 21 November 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1002
Date21 November 2019
Celex Number62018CC0496
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 21 novembre 2019 (1)

Affaires jointes C496/18 et C497/18

HUNGEOD Közlekedésfejlesztési, Földmérési, Út- és Vasúttervezési Kft.,

SIXENSE Soldata,

Budapesti Közlekedési Zrt. (C496/18)

Budapesti Közlekedési Zrt. (C497/18)

contre

Közbeszerzési Hatóság Közbeszerzési Döntőbizottság

[demande de décision préjudicielle du Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Modifications de marchés publics – Directives “Recours” – Recours d’office exercé par une autorité publique en cas de violation présumée des règles relatives aux marchés publics – Délais de recours – Forclusion du droit au recours sous l’empire de la législation nationale en vigueur à l’époque de l’infraction présumée – Recours d’office introduit sous l’empire de la nouvelle législation – Amendes infligées au pouvoir adjudicateur et aux soumissionnaires – Principe de sécurité juridique et de non‑rétroactivité – Article 83 de la directive 2014/24/UE et article 99 de la directive 2014/25/UE – Protection des intérêts financiers de l’Union »






I. Introduction

1. En 2006 et en 2009, Budapesti Közlekedési Zrt. (ci‑après le « pouvoir adjudicateur ») a conclu deux marchés publics relatifs à la construction de la ligne de métro nº 4 à Budapest (Hongrie). En 2017, le Közbeszerzési Hatóság Elnöke (ci‑après le « président de l’autorité des marchés publics ») a introduit des recours d’office, en application de dispositions nationales adoptées en 2015, s’agissant de certaines modifications apportées à ces marchés respectivement en 2009 et en 2010. À la suite de ces recours, la Közbeszerzési Döntőbizottság (commission arbitrale des marchés publics de l’autorité des marchés publics ; ci‑après la « commission arbitrale ») a infligé des amendes au pouvoir adjudicateur et aux soumissionnaires.

2. La principale question soulevée par ces affaires peut être résumée comme suit : le droit de l’Union s’oppose-t-il à ce qu’une autorité publique exerce un recours d’office s’agissant de modifications apportées à des marchés publics après l’expiration des délais de forclusion prévus à cet égard par la législation nationale en vigueur à l’époque desdites modifications, lorsqu’un tel recours conduit à ce que des sanctions soient infligées aux deux parties contractantes de nombreuses années après lesdites modifications ?

3. À mon avis, le droit de l’Union n’exige ni n’interdit que des recours soient exercés d’office s’agissant de marchés publics ou de modifications apportées à ces marchés. Toutefois, le principe de sécurité juridique consacré par le droit de l’Union s’oppose à ce que des autorités publiques nationales exercent de tels recours après l’expiration des délais applicables.

II. Cadre juridique

A. Droit de l’Union

1. Directive 89/665 et directive 92/13, telles que modifiées par la directive 2007/66

4. L’article 1er de la directive 89/665/CEE du Conseil du 21 décembre 1989 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (2) et l’article 1er de la directive 92/13/CEE du Conseil du 25 février 1992 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (3), telles que modifiées toutes deux par la directive 2007/66 (4) disposent que, dans leurs champs d’application respectifs :

« 1. Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés relevant du champ d’application de la directive 2014/24/UE ou de la directive 2014/23/UE, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les [pouvoirs adjudicateurs/entités adjudicatrices] peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

[…]

3. Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. […] »

5. En outre, le considérant 25 de la directive 2007/66 se lit comme suit :

« […] la nécessité d’assurer dans le temps la sécurité juridique des décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices requiert que soit fixé un délai minimal raisonnable de prescription des recours visant à faire constater l’absence d’effet du marché ».

6. De plus, le considérant 27 de la directive 2007/66 indique :

« […] Par souci de sécurité juridique, l’invocabilité de l’absence d’effets d’un marché est limitée dans le temps. L’effectivité de cette limitation dans le temps devrait être respectée ».

2. Directive 2014/24 et directive 2014/25

7. Le considérant 122 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (5) et le considérant 128 de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (6) indiquent que les procédures de recours prévues respectivement par la directive 89/665 et la directive 92/13 « ne devraient pas être affectées par » ces directives. Toutefois, « les citoyens et les parties concernées, qu’ils soient organisés ou non, ainsi que d’autres personnes ou organismes qui n’ont pas accès aux procédures de recours en vertu de [l’une de ces directives] ont néanmoins un intérêt légitime en qualité de contribuables à ce qu’il existe de bonnes procédures de passation de marché. Ils devraient dès lors disposer de la possibilité, autrement qu’au moyen du système de recours prévu par [ces directives] et sans qu’ils se voient nécessairement conférer pour autant la qualité pour agir en justice, de signaler d’éventuelles violations de [ces directives] à une autorité ou une structure compétente. Afin de ne pas créer de doublons avec des autorités ou structures existantes, les États membres devraient avoir la possibilité de prévoir un recours auprès d’autorités ou de structures générales de contrôle, d’organismes sectoriels de surveillance, d’autorités locales de surveillance, d’autorités chargées de la concurrence, du médiateur ou d’autorités nationales de contrôle ».

8. L’article 83 de la directive 2014/24 et l’article 99 de la directive 2014/25, intitulés « Suivi de l’application » et compris dans le Titre IV « Gouvernance », disposent :

« […]

2. Les États membres veillent à ce que l’application des règles relatives à la passation des marchés publics soit contrôlée.

Lorsque les autorités ou structures de contrôle constatent, de leur propre initiative ou après en avoir été informées, des violations précises ou des problèmes systémiques, elles doivent être habilitées à les signaler aux autorités nationales d’audit, aux juridictions ou aux autres autorités ou structures compétentes telles que le médiateur, le parlement national ou les commissions de celui‑ci. […] »

B. Droit hongrois

1. Loi de 2003 sur les marchés publics

9. L’article 303, paragraphe 1, du közbeszerzésekről szóló 2003. évi CXXIX. törvény (loi nº CXXIX de 2003 relative aux marchés publics ; ci‑après la « loi de 2003 sur les marchés publics ») dispose :

« Les parties ne peuvent modifier la partie du contrat établie sur la base des conditions énoncées dans l’appel d’offres ou dans la documentation y afférente, ainsi que sur la base du contenu de l’offre, que lorsque le contrat, en raison d’une circonstance survenue après la conclusion du contrat – pour une cause non prévisible au moment de la conclusion de celui‑ci – enfreint l’intérêt légitime substantiel d’un des cocontractants. »

10. L’article 306/A de la loi de 2003 sur les marchés publics est libellé comme suit :

« (1) Est nul tout contrat relevant du champ d’application de la présente loi lorsque

(a) celui‑ci a été conclu en écartant illégalement la procédure de marché public ».

11. L’article 307, paragraphe 3, prévoit : « Le Közbeszerzések Tanácsának elnöke [le président du conseil des marchés publics] prend l’initiative d’enclencher une procédure d’office devant la [commission arbitrale] s’il est plausible que la modification du contrat s’est faite en violation de l’article 303 […] ».

12. L’article 327 dispose :

« (1) Les entités ou personnes suivantes peuvent prendre l’initiative d’enclencher une procédure d’office devant la commission arbitrale des marchés publics si, lors de l’exercice de leurs compétences, elles prennent connaissance d’un comportement ou d’une omission contraires à la présente loi :

a) le président du conseil des marchés publics ; […]

(2) Une procédure d’office devant la commission arbitrale

a) peut être enclenchée à l’initiative d’un des organismes visés au paragraphe 1, sous a), b) et d) à i), dans les trente jours à compter de la date à laquelle ledit organisme a pris connaissance de l’infraction, ou, dans le cas où la procédure de marché public a été écartée, à compter de la conclusion du contrat, ou – si celle‑ci ne peut pas être établie – à partir de la date à laquelle il a pris connaissance du début de l’exécution du contrat par l’une ou l’autre partie, mais au plus tard dans le délai d’un an à compter de la survenance de l’infraction, ou de trois ans dans le cas où la procédure de...

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