Opinion of Advocate General Bobek delivered on 18 January 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:20
Docket NumberC-528/16
Celex Number62016CC0528
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Date18 January 2018
62016CC0528

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 18 janvier 2018 ( 1 )

Affaire C‑528/16

Confédération paysanne,

Réseau Semences Paysannes,

Les Amis de la Terre France,

Collectif vigilance OGM et Pesticides 16,

Vigilance OG2M,

CSFV 49,

OGM : dangers,

Vigilance OGM 33,

Fédération Nature & Progrès

contre

Premier ministre,

Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Agriculture – Directives 2001/18/CE et 2002/53/CE – Interprétation et appréciation de validité – Notion d’“organisme génétiquement modifié” – Catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles – Techniques nouvelles de mutagénèse mettant en œuvre des procédés de génie génétique – Mutagénèses aléatoire et dirigée – Portée de l’exemption – Degré d’harmonisation – Principe de précaution »

I. Introduction

1.

La directive 2001/18/CE ( 2 ) (ci-après la « directive OGM ») régit la dissémination volontaire dans l’environnement d’organismes génétiquement modifiés (ci-après les « OGM ») et leur mise sur le marché dans l’Union européenne. Ces organismes doivent notamment être autorisés après une évaluation des risques pour l’environnement. Ils sont également soumis à des exigences de traçabilité, d’étiquetage et de surveillance.

2.

L’article 3, paragraphe 1, lu conjointement avec l’annexe I B, indique que la directive OGM ne s’applique pas aux organismes obtenus par certaines techniques de modification génétique, telles que la mutagénèse (« l’exemption de la mutagénèse »).

3.

La mutagénèse provoque une modification du génome d’une espèce vivante. À la différence de la transgénèse, en principe, elle n’implique pas l’insertion d’ADN étranger dans un organisme vivant. Avec le temps, les techniques de mutagénèse ont évolué à la suite des progrès scientifiques réalisés en matière de biotechnologie. Pour la Confédération paysanne et les autres requérantes, certaines des techniques les plus récemment développées présentent des risques pour la santé et l’environnement. Elles ont donc formé devant la juridiction de renvoi un recours tendant à l’annulation d’une disposition nationale qui exempte les organismes obtenus par mutagénèse des obligations imposées aux OGM.

4.

C’est dans ce contexte que la Cour est invitée à préciser la portée exacte de la directive OGM, plus précisément le champ, la raison d’être et les effets de l’exemption de la mutagénèse et, potentiellement, à apprécier sa validité. Plus globalement, il est demandé à la Cour d’envisager la question du temps, notamment le rôle que le passage du temps et l’évolution des connaissances techniques et scientifiques devraient jouer tant dans l’interprétation juridique que dans l’appréciation de la validité du droit de l’Union, tout en gardant à l’esprit le principe de précaution.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le droit primaire

5.

L’article 191, paragraphe 2, TFUE, dispose :

« La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

Dans ce contexte, les mesures d’harmonisation répondant aux exigences en matière de protection de l’environnement comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre, pour des motifs environnementaux non économiques, des mesures provisoires soumises à une procédure de contrôle de l’Union. »

2. Le droit dérivé

a) La directive OGM

6.

Le considérant 8 de la directive OGM souligne qu’ « [i]l a été tenu compte du principe de précaution lors de la rédaction de la présente directive et [qu’]il devra en être tenu compte lors de sa mise en œuvre ».

7.

Le considérant 17 indique que la « directive ne devrait pas s’appliquer aux organismes obtenus au moyen de certaines techniques de modification génétique qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».

8.

L’article 1er expose l’objectif de la directive :

« Conformément au principe de précaution, la présente directive vise à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et à protéger la santé humaine et l’environnement :

lorsque l’on procède à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement à toute autre fin que la mise sur le marché à l’intérieur de [l’Union],

lorsque l’on place sur le marché à l’intérieur de [l’Union] des organismes génétiquement modifiés en tant que produits ou éléments de produits. »

9.

Les définitions figurent à l’article 2, point 2 :

« “organisme génétiquement modifié (OGM)” : un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ;

Aux fins de la présente définition :

a)

la modification génétique se fait au moins par l’utilisation des techniques énumérées à l’annexe I A, première partie ;

b)

les techniques énumérées à l’annexe I A, deuxième partie, ne sont pas considérées comme entraînant une modification génétique ».

10.

L’article 3 prévoit des exemptions. Son premier paragraphe dispose que la directive OGM « ne s’applique pas aux organismes obtenus par les techniques de modification génétique énumérées à l’annexe I B ».

11.

L’article 4 énonce les obligations générales imposées aux États membres. Son paragraphe 1 prévoit notamment que « [l]es États membres veillent, conformément au principe de précaution, à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’éviter les effets négatifs sur la santé humaine et l’environnement qui pourrait résulter de la dissémination volontaire ou de la mise sur le marché d’OGM ».

12.

Conformément à l’article 27, « [l]’adaptation au progrès technique de l’annexe II, sections C et D, des annexes III à VI et de l’annexe VII, section C, visant à modifier les éléments non essentiels de la présente directive, est arrêtée en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 30, paragraphe 3 ».

13.

L’annexe I A définit les techniques visées à l’article 2, point 2. La première partie de cette annexe prévoit :

« Les techniques de modification génétique visées à l’article 2, point 2, sous a), sont, entre autres :

1)

les techniques de recombinaison de l’acide désoxyribonucléique impliquant la formation de nouvelles combinaisons de matériel génétique par l’insertion de molécules d’acide nucléique, produit de n’importe quelle façon hors d’un organisme, à l’intérieur de tout virus, plasmide bactérien ou autre système vecteur et leur incorporation dans un organisme hôte à l’intérieur duquel elles n’apparaissent pas de façon naturelle, mais où elles peuvent se multiplier de façon continue ;

2)

les techniques impliquant l’incorporation directe dans un organisme de matériel héréditaire préparé à l’extérieur de l’organisme, y compris la micro‑injection, la macro-injection et la microencapsulation ;

3)

les techniques de fusion cellulaire (y compris la fusion de protoplastes) ou d’hybridation dans lesquelles des cellules vivantes présentant de nouvelles combinaisons de matériel génétique héréditaire sont constituées par la fusion de deux cellules ou davantage au moyen de méthodes qui ne sont pas mises en œuvre de façon naturelle. »

14.

La deuxième partie de l’annexe I A précise les techniques visées à l’article 2, point 2, sous b), qui ne sont « pas considérées comme entraînant une modification génétique, à condition qu’elles n’impliquent pas l’emploi de molécules d’acide nucléique recombinant ou d’OGM obtenus par des techniques/méthodes autres que celles qui sont exclues par l’annexe I B :

1)

la fécondation in vitro ;

2)

les processus naturels tels que la conjugaison, la transduction, la transformation, ou

3)

l’induction polyploïde ».

15.

Enfin, l’annexe I B énumère les techniques visées à l’article 3, paragraphe 1 :

« Les techniques/méthodes de modification génétique produisant des organismes à exclure du champ d’application de la présente directive, à condition qu’elles n’impliquent pas l’utilisation de molécules d’acide nucléique recombinant ou d’OGM autres que ceux qui sont issus d’une ou plusieurs des techniques/méthodes énumérées ci-après, sont :

1)

la mutagenèse ;

2)

la fusion cellulaire (y compris la fusion de protoplastes) de cellules végétales d’organismes qui peuvent échanger du matériel génétique par des méthodes de sélection traditionnelles. »

b) La directive 2002/53

16.

Le considérant 16 de la directive 2002/53/CE ( 3 ) indique que « [c]ompte tenu de l’évolution des sciences et des techniques, il est désormais possible de développer des variétés par une modification génétique. Par conséquent, en déterminant s’il convient d’accepter des variétés génétiquement modifiées au sens de la directive 90/220/CEE ( 4 ) […] il est nécessaire que les États membres prennent en considération tous les risques inhérents à leur dissémination volontaire dans...

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