Fazenda Pública - Director Geral das Alfândegas v ZF Zefeser - Importação e Exportação de Produtos Alimentares Lda.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:264
Docket NumberC-62/06
Celex Number62006CC0062
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date03 May 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA TRSTENJAK

présentées le 3 mai 2007 (1)

Affaire C‑62/06

Fazenda Pública – Director Geral das Alfândegas

contre

ZF Zefeser - Importação e Exportação de Produtos Alimentares Lda

[demande de décision préjudicielle formée par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal)]

«Article 3 du règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil – Recouvrement a posteriori de droits à l’importation ou à l’exportation – Droit douanier – Acte passible de poursuites judiciaires répressives – Notion – Droits fondamentaux de la Communauté – Droit à un procès équitable – Principe de la présomption d’innocence – Principe ‘in dubio pro reo’»





I – Introduction

1. En l’espèce, le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal) a déféré à la Cour cinq questions à titre préjudiciel, relatives à l’interprétation du règlement, abrogé entre-temps, (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement «a posteriori» des droits à l’importation ou des droits à l’exportation qui n’ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits (2).

2. Le litige au principal oppose l’entreprise ZF Zefeser - Importação e Exportação de Produtos Alimentares Lda (ci-après «ZF Zefeser») et les autorités douanières portugaises sur la question de la légalité d’un acte de liquidation rectificatif, en vertu duquel ZF Zefeser devait acquitter a posteriori des droits de douane non perçus. Tandis que, selon ZF Zefeser, l’expiration, survenue dans l’intervalle, du délai normal de prescription visé à l’article 2, paragraphe 1, du règlement fait obstacle au recouvrement a posteriori de prélèvements à l’importation, l’administration douanière invoque la disposition dérogatoire de l’article 3, selon laquelle ce délai n’est pas applicable lorsque les autorités compétentes constatent que c’est par suite d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives qu’elles n’ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits à l’importation ou des droits à l’exportation légalement dus à l’égard de la marchandise en cause. Pour la douane, le délai pertinent est donc le délai de prescription de dix ans prévu par le droit national.

3. En substance, le litige porte sur la question de savoir quelle est l’instance compétente pour déterminer, avec effet juridique sur le droit communautaire, si un comportement donné d’un débiteur doit être considéré comme un «acte passible de poursuites judiciaires répressives» au sens de l’article 3 du règlement n° 1697/79. Cette compétence est revendiquée par les autorités douanières portugaises, qui se prévalent de la lettre et de l’économie des dispositions précitées. En revanche, ZF Zefeser objecte qu’une telle interprétation est incompatible avec les principes de la sécurité juridique et de la présomption d’innocence, qui présupposent une condamnation définitive prononcée par une juridiction pénale.

II – Cadre normatif

A – Droit communautaire

1. Réglementation applicable avant l’entrée en vigueur du code des douanes communautaire

4. Pour la période comprise entre le 1er juillet 1980 et le 31 décembre 1993, les délais de prescription des actions en recouvrement a posteriori de prélèvements à l’importation étaient fixés par l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1697/79, qui énonçait:

«Lorsque les autorités compétentes constatent que tout ou partie du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation légalement dus pour une marchandise déclarée pour un régime douanier comportant l’obligation de payer de tels droits n’a pas été exigé du redevable, elles engagent une action en recouvrement des droits non perçus.

Toutefois, cette action ne peut plus être engagée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la prise en compte du montant primitivement exigé du redevable, ou, s’il n’y a pas eu de prise en compte, à compter de la date de la naissance de la dette douanière relative à la marchandise en cause.»

5. L’article 3 du règlement n° 1697/79 prévoyait une dérogation à ce délai normal de prescription de trois ans:

«Lorsque les autorités compétentes constatent que c’est par suite d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives qu’elles n’ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits à l’importation ou des droits à l’exportation légalement dus à l’égard de la marchandise en cause, le délai prévu à l’article 2 n’est pas applicable.

Dans ce cas, l’action en recouvrement des autorités compétentes s’exerce conformément aux dispositions en vigueur en la matière dans les États membres.»

2. Code des douanes

6. Le règlement n° 1697/79 a été abrogé par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (3) (ci-après le «code des douanes»), entré en vigueur le 1er janvier 1994 (4), dont l’article 221, paragraphe 3, énonce:

«La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Toutefois, lorsque c’est par suite d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives, que les autorités douanières n’ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, ladite communication est, dans la mesure prévue par les dispositions en vigueur, effectuée après l’expiration dudit délai de trois ans.»

B – Droit national

7. En vertu de l’article 34, paragraphe 1, du code de procédure fiscale (Código de Processo Tributário), dans sa version résultant du décret-loi nº 154/91, du 23 avril 1991, applicable au moment des faits à l’origine du litige au principal, l’administration fiscale portugaise disposait d’un délai de dix ans pour recouvrer a posteriori des prélèvements à l’importation, lorsque le montant des droits n’avait pas pu être initialement déterminé de façon correcte du fait d’un acte frauduleux.

III – Cadre factuel, litige au principal et questions préjudicielles

8. En octobre 1993, un navire en provenance de Turquie a débarqué dans le port portugais de Setúbal une certaine quantité d’huile destinée à l’entreprise ZF Zefeser, tandis que le reste de la cargaison d’huile était déclaré en transit vis-à-vis des autorités douanières. Le navire a ensuite repris sa route en direction de Ceuta (Espagne), où il était censé débarquer l’huile restante. Or, d’après des informations transmises par les autorités espagnoles, le bateau est en réalité arrivé à destination sans cette cargaison.

9. Sur la base de ces informations, la douane de Setúbal a adressé à ZF Zefeser un acte de liquidation portant rectification des droits dus le 9 avril 1997, c’est-à-dire plus de trois ans après les faits ayant donné lieu à la naissance de la dette douanière. Par ailleurs, l’administration douanière ayant déposé une plainte le 18 mars 1997, une enquête a été ouverte contre les dirigeants de l’entreprise pour contrebande, falsification de documents, escroquerie et association de malfaiteurs.

10. Parallèlement à la procédure pénale, ZF Zefeser a contesté l’acte de liquidation devant les tribunaux portugais compétents en matière fiscale, en invoquant en particulier la prescription de la dette douanière. Son recours a été rejeté par le Tribunal Tributário de Primeira Instância, au motif que le délai de prescription applicable était celui de dix ans et non celui de trois ans, du fait de la commission d’actes passibles de poursuites judiciaires répressives.

11. Ce jugement a été annulé pour forclusion le 12 octobre 2004 par le Tribunal Central Administrativo. En effet, cette juridiction a considéré applicable le délai de prescription de trois ans, dans la mesure où le jugement pénal du Tribunal Judicial de Setúbal du 10 janvier 2001, qui avait relaxé les prévenus pour insuffisance de preuves, avait été confirmé et rendu définitif par le Supremo Tribunal de Justiça.

12. Par la suite, l’arrêt administratif du Tribunal Central Administrativo a été attaqué par le ministère des Finances portugais devant le Supremo Tribunal Administrativo.

13. La juridiction de renvoi se demande s’il est conforme au droit communautaire d’écarter l’application du délai normal de prescription qui est de trois ans, lorsqu’il existe uniquement des indices de la commission d’une infraction pénale, qui ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête pénale n’ayant cependant pas débouché sur une condamnation judiciaire. Elle se demande en particulier si une interprétation extensive de l’article 3 du règlement n° 1697/79 pourrait porter atteinte aux droits du débiteur en permettant à l’administration d’étendre démesurément, par le biais d’un dépôt de plainte, le délai d’une action en recouvrement a posteriori de prélèvements à l’importation.

14. Considérant que l’interprétation dudit article 3 du règlement n° 1697/79 est litigieuse, le Supremo Tribunal Administrativo a décidé de déférer à la Cour les questions suivantes à titre préjudiciel:

«1) Au sens de l’article 3 du règlement (CEE) n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, la qualification d’‘acte passible de poursuites judiciaires répressives’ est-elle la seule qualification retenue par l’autorité douanière ou bien celle-ci doit-elle être la qualification retenue par la juridiction pénale compétente?

2) Dans cette seconde hypothèse, de simples poursuites engagées par l’autorité pénale compétente (dans le cas portugais, le ministère public) sont-elles suffisantes ou bien est-il nécessaire que le débiteur soit condamné dans la procédure pénale en cause?

3) Dans cette dernière hypothèse également, convient-il de tirer des conclusions différentes selon que le juge relaxe le débiteur au bénéfice du doute et selon qu’il le relaxe parce qu’il a été établi que le débiteur n’a pas commis l’infraction en cause?

4) Si le ministère public décide de ne pas poursuivre le débiteur parce qu’il considère qu’il n’y a pas d’indice d’acte...

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