Manuel Acereda Herrera v Servicio Cántabro de Salud.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:55
Date19 January 2006
Celex Number62004CC0466
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-466/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. Geelhoed

présentées le 19 janvier 2006 (1)

Affaire C-466/04

Manuel Acereda Herrera

contre

Servicio Cántabro de Salud

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Cantabria, Santander (Espagne)]

«Assurance maladie – Remboursement des frais de déplacement, de séjour et de repas»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, le Tribunal Superior de Justicia de Cantabria (Espagne) demande à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur, notamment, l’interprétation de l’article 22 du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (2) (ci‑après le «règlement n° 1408/71» ou le «règlement»).

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’une procédure opposant M. Manuel Acereda Herrera au Servicio Cántabro de Salud concernant le refus de ce dernier de rembourser les frais de déplacement, de séjour et de repas exposés par M. Acereda Herrera et son accompagnateur pour des soins hospitaliers reçus à Paris.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

3. L’article 22, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 dispose que:

«Le travailleur salarié ou non salarié qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et:

a) dont l’état vient à nécessiter immédiatement des prestations au cours d’un séjour sur le territoire d’un autre État membre

[…]

ou

c) qui est autorisé par l’institution compétente à se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état,

a droit:

i) aux prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de séjour ou de résidence, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme s’il y était affilié, la durée de service des prestations étant toutefois régie par la législation de l’État compétent;

ii) aux prestations en espèces servies par l’institution compétente selon les dispositions de la législation qu’elle applique. Toutefois, après accord entre l’institution compétente et l’institution du lieu de séjour ou de résidence, ces prestations peuvent être servies par cette dernière institution pour le compte de la première, selon des dispositions de la législation de l’État compétent.

4. L’article 22, paragraphe 2, second alinéa, prévoit que «[l]’autorisation requise au titre du paragraphe 1 point c) ne peut pas être refusée lorsque les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé et si ces soins ne peuvent, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de la maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s’agit dans l’État membre de résidence.»

5. Le titre III, chapitre 1, section 7, du règlement n° 1408/71 (3), intitulé «Remboursements entre institutions», contient une disposition unique, l’article 36, qui est libellée comme suit:

«1. Les prestations en nature servies par l’institution d’un État membre pour le compte de l’institution d’un autre État membre, en vertu des dispositions du présent chapitre, donnent lieu à remboursement intégral […].

2. Les remboursements visés au paragraphe 1 sont déterminés et effectués selon les modalités prévues par le règlement d’application visé à l’article 98, soit sur justification des dépenses effectives, soit sur la base de forfaits.

Dans ce dernier cas, ces forfaits doivent assurer un remboursement aussi proche que possible des dépenses réelles.

3. Deux ou plusieurs États membres, ou les autorités compétentes de ces États, peuvent prévoir d’autres modes de remboursement ou renoncer à tout remboursement entre les institutions relevant de leur compétence.»

B – Le droit national

6. L’article 18, paragraphe 1, du décret n° 2766/1967, du 16 novembre 1967 (ci‑après le «décret n° 2766/1967»), tel qu’il était libellé lors de l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, disposait en substance que, lorsque le bénéficiaire a recours à d’autres institutions que celles auxquelles il devrait normalement s’adresser, les institutions chargées de dispenser les soins médicaux ne supportent pas les frais qui ont pu être exposés, sauf dans les cas prévus aux paragraphes 3 et 4. Par conséquent, le droit au remboursement était prévu dans le cas où une institution de sécurité sociale refusait sans justification de soigner un affilié (paragraphe 3) et dans le cas où le recours à des services de santé autres que ceux de la sécurité sociale est justifié par la nécessité de recevoir une assistance urgente à caractère vital (paragraphe 4).

7. La juridiction de renvoi a relevé que, dans les cas prévus à l’article 18, paragraphes 3 et 4, du décret n° 2766/1967, l’institution compétente espagnole de sécurité sociale remboursait les frais de déplacement, de séjour et de repas du patient concerné ainsi que, le cas échéant, d’un accompagnateur.

8. Selon la décision de renvoi, le système de remboursement des frais de déplacement, de séjour et de repas s’applique en Espagne aux cas prévus à l’article 22, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement nº 1408/71, en raison de leur assimilation aux cas de l’article 18 du décret nº 2766/1967.

9. En 1995, l’article 18 du décret n° 2766/1967 a été abrogé et remplacé par l’article 5 du décret royal n° 63/1995, dont le paragraphe 3 réduit les cas de remboursement des frais à un seul, celui de l’urgence vitale nécessitant des soins immédiats, et supprime ainsi la possibilité de remboursement sur la base du refus injustifié de dispenser des soins. La décision de renvoi concerne une situation à laquelle ces nouvelles règles donnent lieu: le remboursement des frais de déplacement, de séjour et de repas du malade (et, le cas échéant, d’un accompagnateur) est possible lorsque des soins sont dispensés dans un autre État membre dans le cas visé à l’article 22, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 1408/71, alors que ce bénéfice est refusé dans le cas visé à l’article 22, paragraphe 1, sous c).

III – Les faits et les questions préjudicielles

10. M. Acereda Herrera, ressortissant espagnol, est protégé par le système public de sécurité sociale espagnol en qualité de travailleur indépendant.

11. En juillet 2002, le Servicio Cántabro de Salud, consulté, lui a diagnostiqué une maladie grave, et le patient a initialement été soigné en Espagne.

12. Confronté à certaines insuffisances des services de soins de santé, compte tenu de la gravité de sa maladie, M. Acereda Herrera a demandé la délivrance d’un document E-112 pour pouvoir recevoir les soins appropriés à son état dans un hôpital parisien.

13. Le 17 janvier 2003, M. Acereda Herrera a obtenu auprès du Servicio Cántabro de Salud, au titre de l’article 22, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 1408/71, l’autorisation préalable de se rendre en France pour y être soigné.

14. M. Acereda Herrera s’est rendu à plusieurs reprises en France pour se faire soigner, accompagné d’une personne de sa famille compte tenu de la fragilité de son état de santé. À cette occasion, il a supporté, pour son accompagnateur et pour lui-même, des frais de déplacement, de séjour et de repas, qui se sont élevés à 19 594 euros.

15. M. Acereda Herrera a réclamé au Servicio Cántabro de Salud le remboursement de ces frais, remboursement qui lui a été refusé. M. Herrera a donc saisi le Juzgado de lo Social, Santander, qui a rejeté sa demande le 17 novembre 2003. Le 21 janvier 2004, M. Acereda Herrera a fait appel de cette décision devant le Tribunal Superior de Justicia de Cantabria.

16. Le Tribunal Superior de Justicia de Cantabria a sursis à statuer et saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) Les articles 22, paragraphe 1, sous c), 22, paragraphe 2, et 36 du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, dans sa version résultant du texte consolidé approuvé par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil, doivent-ils être interprétés en ce sens que l’affilié qui a reçu de l’institution compétente l’autorisation de se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés a droit au remboursement, par l’institution qui a délivré l’autorisation, des frais de déplacement, de séjour et de repas sur le territoire de l’État membre dans lequel il se rend?

2) déterminer les frais susceptibles d’être remboursés ainsi que leur montant?

3) En cas de réponse négative à la première question: le fait qu’un État membre développe les dispositions d’un règlement communautaire au moyen d’une réglementation nationale par laquelle il ajoute des règles qui complètent la teneur de celui-ci et traitent de manière distincte des cas qui relèvent d’un régime juridique identique dans le règlement de sorte que cela dissuade les citoyens de faire valoir les possibilités et droits accordés par la réglementation communautaire, est-il compatible avec la répartition des compétences entre les États membres et les institutions de la Communauté prévues au traité et, en particulier, avec l’article 10 (ex-article 5) de celui-ci, ainsi qu’avec la nature juridique des règlements communautaires prévue à l’article 249 CE (ex-article 189)? Concrètement, le fait que le Royaume d’Espagne maintienne des dispositions de droit national qui octroient aux affiliés à la sécurité sociale des droits à des prestations qui s’ajoutent sélectivement à ceux de l’article 22 du règlement précité, de sorte que les prestations supplémentaires sont octroyées dans tous les cas sauf dans celui visé au paragraphe 1, sous c), alors qu’aucune raison objective, proportionnée et raisonnable ne semble justifier cette distinction, est-il compatible avec le traité et avec le...

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