Zuckerfabrik Süderdithmarschen AG v Hauptzollamt Itzehoe.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1990:381
Date08 November 1990
Celex Number61988CC0143
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-143/88
EUR-Lex - 61988C0143 - FR 61988C0143

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 8 novembre 1990. - Zuckerfabrik Süderdithmarschen AG contre Hauptzollamt Itzehoe et Zuckerfabrik Soest GmbH contre Hauptzollamt Paderborn. - Demandes de décision préjudicielle: Finanzgericht Hamburg et Finanzgericht Düsseldorf - Allemagne. - Compétence des juridictions nationales, statuant dans le cadre d'un référé, pour suspendre l'exécution d'un acte national fondé sur un règlement communautaire - Validité de la cotisation de résorption spéciale dans le secteur du sucre. - Affaires jointes C-143/88 et C-92/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-00415
édition spéciale suédoise page I-00019
édition spéciale finnoise page I-00029


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Les faits

1 . L' affaire, dans laquelle nous prenons position ici, est une demande de décision préjudicielle introduite par le Finanzgericht Hamburg . Les questions posées forment deux ensembles distincts .

2 . La juridiction de renvoi pose en premier lieu un problème institutionnel . Il s' agit des compétences des juridictions nationales statuant en référé lorsque l' acte administratif attaqué repose sur un acte de droit communautaire dont la légalité est mise en doute . La juridiction de renvoi souhaiterait savoir si la portée générale des règlements s' oppose à ce qu' une juridiction nationale puisse surseoir à statuer dans le cadre d' une procédure de référé . S' il s' avère que la juridiction de l' État membre concerné peut ordonner des mesures provisoires sans saisir au préalable la Cour de justice pour qu' elle se prononce sur la validité des dispositions communautaires concernées, la juridiction de renvoi souhaiterait alors savoir, en outre, si les critères pour l' adoption des mesures conservatoires demandées doivent être tirés des règles de procédure des États membres ou de l' ordre juridique communautaire .

3 . Le second point capital de la demande de décision préjudicielle réside dans la question directe que pose la juridiction de renvoi sur la validité du règlement pertinent aux fins de rendre la décision dans la procédure au principal . Il s' agit à cet égard de la légalité de l' introduction d' une cotisation de résorption spéciale dans le secteur du sucre pour la campagne de commercialisation 1986/1987 par le règlement ( CEE ) n 1914/87 ( 1 ). De l' avis de la juridiction de renvoi, ce règlement porte atteinte au principe de non-rétroactivité . La partie demanderesse, condamnée au versement d' une taxe par une décision reposant sur le règlement en question, invoque d' autres arguments qui portent à mettre en doute la légalité de ce règlement .

4 . En dehors de la présente espèce, plusieurs juridictions allemandes ont exprimé des doutes sur la validité du règlement n 1914/87 ( 2 ). L' une de celles-ci, le Finanzgericht Duesseldorf, a également saisi la Cour d' une question préjudicielle à ce propos ( 3 ). Le Finanzgericht Hamburg a déféré les questions suivantes à la Cour :

"1 ) a ) L' article 189, deuxième alinéa, du traité CEE doit-il être interprété en ce sens que la portée générale des règlements dans les États membres n' exclut pas la possibilité, pour les juridictions nationales, de suspendre, par la voie de mesures provisoires, les effets d' un acte administratif pris sur la base d' un règlement, en attendant qu' il soit statué sur le litige au principal?

b ) Si la réponse à la question 1, sous a ), est affirmative : à quelles conditions les juridictions nationales peuvent-elles ordonner des mesures provisoires? Existe-t-il des règles de droit communautaire applicables en la matière et, le cas échéant, quelles sont ces règles? Ou bien les mesures provisoires sont-elles régies par le droit national?

2 ) Le règlement ( CEE ) n 1914/87 du Conseil, du 2 juillet 1987, instaurant une cotisation de résorption spéciale dans le secteur du sucre pour la campagne de commercialisation 1986/1987, est-il valide?

En particulier, ledit règlement est-il invalide pour violation du principe de la non-rétroactivité des règlements imposant des charges?"

5 . En ce qui concerne les faits, la motivation du Finanzgericht ainsi que les arguments des parties, nous renvoyons au rapport d' audience . Nous ne reprendrons ci-après certains détails des faits et de l' argumentation que dans la mesure nécessaire à la compréhension ou à la justification de notre exposé .

B - Prise de position

I - Sur la première question préjudicielle

6 . Dans la réponse à la première question, les parties défendent des opinions qui divergent fortement les unes des autres .

7 . La juridiction de renvoi elle-même éprouve des doutes quant à la compétence des juridictions nationales pour ordonner le sursis à exécution parce que l' applicabilité directe des règlements dans tous les États membres, inscrite à l' article 189, deuxième alinéa, du traité CEE, pourrait être par là remise en cause . Elle admet en même temps que le sursis à exécution, de même que l' effet suspensif d' une voie de recours dans le cadre de la procédure administrative générale, n' affecte pas l' existence de l' acte administratif ni donc, en principe, la validité du droit communautaire .

8 . Le fait que le sursis à exécution ou l' adoption de mesures provisoires au sens des articles 185 et 186 du traité CEE obéissent à d' autres critères que ceux du droit allemand constitue une autre source d' hésitation pour la juridiction de renvoi . Le recours aux critères nationaux applicables pourrait engendrer une discrimination des opérateurs concernés .

1 . L' opinion des parties

9 . La partie demanderesse ne partage en revanche pas les doutes de la juridiction de renvoi, ne serait-ce que parce que le sursis à exécution n' affecte aucunement l' efficacité du règlement communautaire . Seule l' exigibilité du montant à percevoir est reportée . L' efficacité du règlement n' est pas davantage mise en cause sur le plan économique car le bénéficiaire de mesures provisoires doit, s' il est débouté, verser des intérêts de retard à un taux supérieur de 3 % au taux d' escompte de la Deutsche Bundesbank, et ce indépendamment de la question de la caution .

10 . La demanderesse ajoute que si, dans l' affaire 314/85, Foto-Frost ( 4 ), qui concernait la validité d' une décision rendue dans un cas concret par la Commission à l' égard d' un État membre, la Cour avait admis une exception à son monopole pour statuer sur la validité des actes juridiques communautaires dans le cadre d' une procédure en référé, cette solution doit à plus forte raison s' appliquer aux actes d' exécution adoptés par les instances nationales .

11 . Des mesures suspensives provisoires suffisantes à l' encontre des actes d' exécution font en outre partie des garanties juridictionnelles de l' article 19, paragraphe 4, de la loi fondamentale . Limiter le pouvoir d' appréciation des juridictions nationales lors de l' octroi de mesures provisoires restreindrait considérablement cette protection juridique et contribuerait à l' insécurité juridique .

12 . Enfin, l' adoption de mesures provisoires constitue le corollaire nécessaire du système de protection juridictionnelle de l' ordre juridique communautaire, dans lequel, selon les dispositions d' exécution du droit communautaire, ces mesures provisoires sont ordonnées par la Cour de justice européenne ou par les juridictions nationales .

13 . Tout en estimant que sa réponse à la question 1, sous a ), rend superflue une prise de position sur la question 1, sous b ), la demanderesse expose que les autorités et juridictions nationales ne peuvent ordonner de mesures provisoires à l' encontre d' actes nationaux d' exécution qu' en conformité avec les règles de procédure nationale . Force est d' admettre d' éventuelles divergences entre les différents États membres de la Communauté comme pour d' autres questions de procédure relevant de l' ordre juridique national .

14 . La Commission part elle aussi fondamentalement de l' idée que le juge national peut suspendre l' exécution d' un acte administratif "sans que celui-ci doive attendre l' issue d' une procédure de renvoi préjudiciel au titre de l' article 177 qui confirme ses doutes quant à la validité de l' acte communautaire à la base de l' acte administratif en cause" ( 5 ).

15 . A l' appui de cette opinion, la Commission avance d' abord que le tribunal ne constate pas l' existence ou la non-existence d' un droit, mais reporte seulement la mise en oeuvre d' un acte administratif . Bien que les conditions d' un tel rétablissement du "statu quo ante" varient selon les différents États membres, dans toutes ces procédures le juge ne se prononce pas sur la validité ou l' invalidité de l' acte administratif, mais uniquement sur la question de savoir si des intérêts particuliers qui méritent d' être protégés l' emportent sur l' intérêt public à ce que l' acte soit exécuté avant la décision du tribunal au fond .

16 . D' autre part, du fait des longs délais qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre la procédure de l' article 177, ne serait-ce qu' en raison de la participation que prévoit l' article 20 du statut de la Cour de justice, l' urgence qui caractérise généralement la mesure provisoire plaide contre la mise en oeuvre préalable de la procédure de renvoi préjudiciel .

17 . La Commission pose toutefois la question de savoir si certaines circonstances découlant du droit communautaire doivent être réunies pour permettre la suspension de l' exécution . On pourrait penser à des critères résultant de l' article 83 du règlement de procédure de la Cour, à savoir "éviter un préjudice grave et irréparable" ou l' introduction du recours principal simultanément à la demande de référé . Bien que ce dernier critère soit en général rempli lorsqu' est ordonné le sursis à exécution d' un acte administratif, la Commission considère qu' il n' est pas justifié...

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