Ireland v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:558
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 October 2008
Docket NumberC-301/06
Celex Number62006CC0301
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 14 octobre 2008 (1)

Affaire C‑301/06

Irlande

contre

Parlement européen,

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation – Directive 2006/24/CE – Communications électroniques – Conservation de données – Choix de la base juridique – Article 95 CE – Titre VI du traité UE»





1. Le contentieux relatif au choix de la base juridique a récemment donné lieu à plusieurs arrêts dans lesquels la Cour a dû faire le partage entre les domaines relevant respectivement des compétences de la Communauté européenne et de celles de l’Union européenne (2).

2. La répartition des compétences au sein d’une structure constitutionnelle comprenant trois piliers, à savoir un pilier communautaire et deux piliers dont la dimension intergouvernementale est plus marquée, est génératrice de ce type de contentieux dans lequel la Cour a la délicate et complexe mission de tracer la ligne de démarcation entre les domaines d’actions appartenant au législateur communautaire et ceux attribués au législateur de l’Union.

3. Dans la présente affaire, la Cour est invitée à préciser la frontière entre le pilier communautaire et le troisième pilier, c’est‑à‑dire le titre VI du traité UE, relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

4. Par son recours, l’Irlande demande à la Cour d’annuler la directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive 2002/58/CE (3), au motif qu’elle n’a pas été adoptée sur le fondement d’une base juridique appropriée.

5. L’Irlande, soutenue par la République slovaque, considère, en effet, que la seule base juridique pouvant valablement fonder les mesures contenues dans la directive 2006/24 figure non pas à l’article 95 CE, mais au sein du titre VI du traité UE consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, en particulier aux articles 30 UE, 31, paragraphe 1, sous c), UE et 34, paragraphe 2, sous b), UE.

6. Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous estimons que c’est à bon droit que le législateur communautaire a choisi d’adopter la directive 2006/24 sur le fondement de l’article 95 CE.

I – Le cadre juridique

7. Aux termes de l’article 47 UE:

«Sous réserve des dispositions portant modification du traité instituant la Communauté économique européenne en vue d’établir la Communauté européenne, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier et du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique et des présentes dispositions finales, aucune disposition du présent traité n’affecte les traités instituant les Communautés européennes ni les traités et actes subséquents qui les ont modifiés ou complétés.»

8. L’article 95, paragraphe 1, CE dispose:

«Par dérogation à l’article 94 et sauf si le présent traité en dispose autrement, les dispositions suivantes s’appliquent pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 14. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.»

9. C’est sur le fondement de l’article 95 CE qu’ont été adoptées les trois directives suivantes:

– la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (4);

– la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (5), et

– la directive 2006/24.

A – La directive 95/46

10. La directive 95/46 établit des normes relatives au traitement des données à caractère personnel afin de protéger les libertés et les droits fondamentaux des personnes physiques, notamment leur vie privée, tout en assurant la libre circulation de ces données dans la Communauté.

11. L’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46 prévoit une limite au champ d’application matériel de celle‑ci dans la mesure où il dispose:

«La présente directive ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel:

– mis en œuvre pour l’exercice d’activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit communautaire, telles que celles prévues aux titres V et VI du traité sur l’Union européenne, et, en tout état de cause, aux traitements ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l’État (y compris le bien-être économique de l’État lorsque ces traitements sont liés à des questions de sûreté de l’État) et les activités de l’État relatives à des domaines du droit pénal,

[…]»

12. Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 95/46, intitulé «Exceptions et limitations»:

«Les États membres peuvent prendre des mesures législatives visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus à l’article 6, paragraphe 1, à l’article 10, à l’article 11, paragraphe 1, et aux articles 12 et 21, lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder:

a) la sûreté de l’État;

b) la défense;

c) la sécurité publique;

d) la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou de manquements à la déontologie dans le cas des professions réglementées;

e) un intérêt économique ou financier important d’un État membre ou de l’Union européenne, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal;

f) une mission de contrôle, d’inspection ou de réglementation relevant, même à titre occasionnel, de l’exercice de l’autorité publique, dans les cas visés aux points c), d) et e);

g) la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui.»

B – La directive 2002/58

13. La directive 2002/58 a été adoptée en vue de compléter la directive 95/46 par des dispositions spécifiques au secteur des communications électroniques.

14. Comme le précise l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/58:

«La présente directive harmonise les dispositions des États membres nécessaires pour assurer un niveau équivalent de protection des droits et libertés fondamentaux, et en particulier du droit à la vie privée, en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel dans le secteur des communications électroniques, ainsi que la libre circulation de ces données et des équipements et des services de communications électroniques dans la Communauté.»

15. À l’instar de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46, l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2002/58 instaure une limite au champ d’application de cette dernière lorsqu’il prévoit:

«La présente directive ne s’applique pas aux activités qui ne relèvent pas du traité instituant la Communauté européenne, telles que celles visées [aux] titres V et VI du traité sur l’Union européenne, et, en tout état de cause, aux activités concernant la sécurité publique, la défense, la sûreté de l’État (y compris la prospérité économique de l’État lorsqu’il s’agit d’activités liées à la sûreté de l’État) ou aux activités de l’État dans des domaines relevant du droit pénal.»

16. Les articles 5, 6 et 9 de la directive 2002/58 définissent les règles applicables au traitement, par les fournisseurs de réseaux et de services, de données relatives au trafic et de données de localisation générées par l’utilisation de services de communications électroniques. Ces données doivent être effacées ou rendues anonymes lorsqu’elles ne sont plus nécessaires à la transmission d’une communication, sauf les données requises pour établir les factures et les paiements pour interconnexion. En outre, moyennant l’accord de l’intéressé, certaines données peuvent également être traitées à des fins commerciales ou de fourniture de services à valeur ajoutée.

17. En particulier, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2002/58 dispose:

«Les données relatives au trafic concernant les abonnés et les utilisateurs traitées et stockées par le fournisseur d’un réseau public de communications ou d’un service de communications électroniques accessibles au public doivent être effacées ou rendues anonymes lorsqu’elles ne sont plus nécessaires à la transmission d’une communication sans préjudice des paragraphes 2, 3 et 5, du présent article ainsi que de l’article 15, paragraphe 1.»

18. Selon l’article 15, paragraphe 1, de cette même directive:

«Les États membres peuvent adopter des mesures législatives visant à limiter la portée des droits et des obligations prévus aux articles 5 et 6, à l’article 8, paragraphes 1, 2, 3 et 4, et à l’article 9 de la présente directive lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire, appropriée et proportionnée, au sein d’une société démocratique, pour sauvegarder la sécurité nationale – c’est‑à‑dire la sûreté de l’État – la défense et la sécurité publique, ou assurer la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou d’utilisations non autorisées du système de communications électroniques, comme le prévoit l’article 13, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE. À cette fin, les États membres peuvent, entre autres, adopter des mesures législatives prévoyant la conservation de données pendant une durée limitée lorsque cela est justifié par un des motifs énoncés dans le présent paragraphe. Toutes les mesures visées dans le présent paragraphe sont prises dans le respect des principes...

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