Cadbury Schweppes plc and Cadbury Schweppes Overseas Ltd v Commissioners of Inland Revenue.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:278
Date02 May 2006
Celex Number62004CC0196
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-196/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉger

présentées le 2 mai 2006 (1)

Affaire C-196/04

Cadbury Schweppes plc,

Cadbury Schweppes Overseas Ltd

contre

Commissioners of Inland Revenue

[demande de décision préjudicielle formée par les Special Commissioners (Royaume‑Uni)]

«Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Loi sur les sociétés étrangères contrôlées – Attribution à la société mère des bénéfices de sa filiale établie dans un autre État membre dès que ces bénéfices sont réalisés – Entrave – Justification – Lutte contre l’évasion fiscale»





1. La présente procédure préjudicielle a pour objet d’apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d’une législation nationale telle que la législation du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord relative aux «sociétés étrangères contrôlées» (2).

2. Cette législation a pour objet de lutter contre l’évasion fiscale. Elle vise, en effet, à combattre la pratique consistant pour une société résidente au Royaume‑Uni à transférer ses bénéfices imposables à une société sous son contrôle et implantée dans un autre État, qui applique un taux d’imposition beaucoup plus faible que celui en vigueur au Royaume‑Uni.

3. La législation en cause a donc vocation à s’appliquer lorsque les bénéfices obtenus par une SEC d’une société résidente fiscale au Royaume‑Uni se trouvent soumis à une imposition très inférieure à celle en vigueur dans cet État membre. Ladite législation prévoit que, par dérogation au régime de droit commun et sauf si l’une des exceptions visées est satisfaite, ces bénéfices sont inclus dans l’assiette imposable de la société mère dès qu’ils sont réalisés.

4. Comme l’ont indiqué les nombreux États membres qui sont intervenus dans le cadre de la présente procédure, plusieurs d’entre eux ont adopté une législation de ce type. L’adoption d’une telle législation a été recommandée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dans le but, notamment, de lutter contre la concurrence fiscale dommageable (3). Selon une étude publiée par cette organisation en 1996, si les législations sur les SEC en vigueur dans les États qui sont membres de celle-ci varient dans leur contenu, elles ont pour point commun de prévoir la taxation dans le chef des actionnaires résidents de tout ou partie des bénéfices de la SEC quand ils ne sont pas distribués (4).

5. C’est la première fois que la Cour est invitée à examiner la compatibilité d’une telle législation avec le droit communautaire.

6. Le droit dérivé ne nous paraît pas contenir de dispositions pertinentes pour cet examen. En ce qui concerne, d’une part, la lutte contre l’évasion fiscale, l’action engagée au niveau communautaire en cette matière demeure très limitée. Dans la mesure où la fiscalité directe continue de relever de la compétence des États membres et où, par conséquent, les régimes d’imposition varient au sein de l’Union européenne, il paraît logique que les mesures destinées à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales soient également propres à chaque État. Si, dans sa résolution du 10 février 1975 (5), le Conseil de l’Union européenne a affirmé son intention de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, il a cantonné les actions envisagées au niveau communautaire à l’amélioration de la coopération entre les administrations des différents États membres afin de permettre l’établissement correct de l’impôt (6).

7. En ce qui concerne, d’autre part, les dispositions de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (7), elles ne sont pas pertinentes en l’espèce, puisqu’elles tendent uniquement à l’instauration d’un régime commun en ce qui concerne l’imposition des bénéfices distribués par une filiale. Ces dispositions ne portent pas sur un système tel que celui prévu par la législation du Royaume‑Uni sur les SEC, consistant à attribuer à la société mère les bénéfices de sa filiale étrangère, dès qu’ils sont réalisés.

8. C’est donc avec les règles du traité CE relatives aux libertés de circulation que les Special Commissioners (Royaume-Uni) demandent à la Cour d’examiner la compatibilité de la législation en cause. La juridiction de renvoi cherche ainsi à savoir si cette législation constitue une discrimination ou une restriction à l’exercice de ces libertés de circulation et, le cas échéant, si elle peut être justifiée au titre de la lutte contre l’évasion fiscale.

9. Avant de procéder à cette analyse, il convient de présenter le contenu de la législation nationale en cause ainsi que les faits à l’origine du litige au principal.

I – La législation nationale

10. Selon la législation fiscale du Royaume‑Uni, une société résidente dans cet État membre au sens de cette législation, c’est-à-dire une société de droit britannique ou dont les organes centraux de gestion ou de contrôle se trouvent dans ledit État, est soumise à l’impôt des sociétés sur son bénéfice mondial. Elle est ainsi imposée sur les bénéfices obtenus en dehors du Royaume‑Uni par l’intermédiaire d’un établissement permanent, tel qu’une succursale ou une agence. Elle est également imposée sur les dividendes qui lui sont distribués par une société étrangère dans laquelle elle détient une participation.

11. Afin d’éviter que ces bénéfices d’origine étrangère fassent l’objet d’une double imposition, la législation fiscale du Royaume‑Uni prévoit que la société résidente se voit octroyer un crédit d’impôt à concurrence de l’impôt étranger qui a été acquitté.

12. Une société mère résidente au Royaume‑Uni n’est pas imposée sur les bénéfices de ses filiales lorsqu’ils sont réalisés. En ce qui concerne les bénéfices obtenus par une filiale établie au Royaume‑Uni, ils ne sont pas non plus imposés lorsqu’ils sont distribués sous forme de dividendes à la société mère résidente dans cet État.

13. La législation du Royaume‑Uni sur les SEC apporte une exception à la règle selon laquelle une société mère résidente dans cet État membre n’est pas imposée sur les bénéfices obtenus par une filiale établie à l’étranger, lorsqu’ils sont réalisés.

14. Cette législation figure aux articles 747 à 756 et aux annexes 24 à 26 de la loi de 1988 relative à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés (Income and Corporation Taxes Act 1988). En vertu de cette législation, une filiale étrangère, dans laquelle, selon la version applicable à l’époque des faits, la société mère détient une part de plus de 50 %, est traitée comme une entité transparente. Ainsi, les bénéfices réalisés par cette filiale étrangère sont attribués à la société mère au Royaume‑Uni et inclus dans l’assiette imposable de celle-ci, bien qu’ils n’aient pas été perçus par cette dernière. Ils sont imposés moyennant un crédit d’impôt au titre de l’impôt acquitté par la filiale dans l’État d’établissement. Si ces mêmes bénéfices sont versés ensuite sous forme de dividendes à la société mère, l’impôt payé par celle-ci au Royaume‑Uni au titre des bénéfices de sa filiale est assimilé à un impôt additionnel payé par la filiale à l’État d’établissement et il donne lieu à un crédit sur l’impôt payable au titre des dividendes.

15. La législation sur les SEC a vocation à s’appliquer lorsque la filiale établie dans un autre État que le Royaume‑Uni est soumise dans cet autre État à un «niveau inférieur d’imposition». Il y a «niveau inférieur d’imposition» pour tout exercice comptable au cours duquel l’impôt payé par la filiale étrangère est inférieur aux trois quarts du montant de l’impôt qui aurait été payé au Royaume‑Uni si les bénéfices de la filiale avaient été imposés dans cet État membre.

16. La législation sur les SEC prévoit cependant un certain nombre d’exceptions qui ont varié dans le temps. Selon la version de cette législation applicable à l’époque des faits du litige au principal, elle ne trouvait pas à s’appliquer si l’une des conditions suivantes était remplie:

1) La filiale étrangère respecte une «politique de distribution acceptable». Cela signifie qu’un pourcentage déterminé (90 % en 1996) des bénéfices de la filiale est distribué dans les 18 mois et imposé au nom d’une société résidente au Royaume‑Uni.

2) La filiale étrangère exerce des «activités exonérées». Il s’agit des activités visées dans la législation, telles que certaines activités commerciales exercées par un établissement commercial.

3) La filiale étrangère respecte la «condition de la cotation publique». Cela signifie que 35 % des droits de vote sont détenus par le public, que la filiale est inscrite à la cote et que ses titres font l’objet d’opérations dans le cadre d’une bourse d’actions reconnue.

4) Le bénéfice imposable de la société ne dépasse pas 50 000 GBP.

5) L’établissement et l’activité de la filiale étrangère satisfont au «test du mobile». Ce test comporte deux éléments et le contribuable doit démontrer qu’il se conforme à chacun d’eux.

– Le premier élément porte sur les transactions passées entre la SEC et sa société mère. Ainsi, si les transactions que reflètent les bénéfices de la filiale pour l’exercice en cause produisent une diminution de l’imposition au Royaume-Uni (il s’agit d’une diminution en comparaison avec l’impôt qui aurait été dû au Royaume‑Uni si ces transactions n’avaient pas été effectuées) et que celle-ci va au-delà d’un montant minimal, le contribuable doit démontrer que la diminution de l’impôt au Royaume‑Uni n’était pas l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux de ces transactions.

– Le second élément a trait à l’implantation de la SEC. Le contribuable doit démontrer que la raison principale ou l’une des raisons principales de l’existence de la filiale n’était pas, pour l’exercice concerné, l’obtention d’une diminution de l’impôt au Royaume‑Uni par la voie d’une distraction de bénéfices. Selon la loi, il y a distraction de bénéfices si, raisonnablement, il est...

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