Alessandra Venturini v ASL Varese and Others (C-159/12), Maria Rosa Gramegna v ASL Lodi and Others (C-160/12) and Anna Muzzio v ASL Pavia and Others (C-161/12).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:529
Date05 September 2013
Celex Number62012CC0159
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-161/12,C-159/12
62012CC0159

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 5 septembre 2013 ( 1 )

Affaires jointes C‑159/12 à C‑161/12

Alessandra Venturini

contre

ASL Varese e.a. (C‑159/12),

Maria Rosa Gramegna

contre

ASL Lodi e.a. (C‑160/12)

et

Anna Muzzio

contre

ASL Pavia e.a. (C‑161/12)

[demandes de décision préjudicielle présentées par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie)]

«Liberté d’établissement — Recevabilité — Faits de la procédure au principal cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre — Santé publique — Législation nationale restreignant la vente de médicaments soumis à ordonnance et dont le coût est entièrement supporté par le client — Parapharmacies»

1.

Mmes Venturini, Gramegna et Muzzio, requérantes au principal, sont des pharmaciennes habilitées, membres de l’Ordine dei Farmacisti di Milano (ordre des pharmaciens de Milan) et propriétaires de points de vente au détail dénommés «parapharmacies».

2.

En substance, elles font valoir devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie) que, en les empêchant de vendre des médicaments soumis à prescription médicale, mais dont le coût est entièrement supporté non par le système de santé national, mais par le client, la réglementation nationale (ci‑après la «législation en cause») restreindrait illicitement la liberté d’établissement prévue à l’article 49 TFUE.

3.

Les requérantes au principal sont toutes des ressortissantes italiennes, déjà établies en Italie, et leur action en justice est dirigée contre la législation italienne. Aucune ne semble avoir fait usage d’une des libertés prévues par le traité FUE dans les situations en cause dans les procédures au principal.

4.

Du point de vue des faits, les situations respectives des requérantes au principal sont donc cantonnées à l’intérieur d’un État membre et aucun élément transfrontalier ne peut être décelé dans les affaires soumises à la juridiction de renvoi.

5.

Dans ces circonstances, la Cour de justice a-t-elle qualité pour répondre à la question préjudicielle soulevée par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia au sujet de l’interprétation de l’article 49 TFUE?

6.

Telle est, selon moi, la question centrale, que j’aborderai donc en premier lieu dans mes conclusions. Dans la seconde partie de celles-ci, après avoir proposé que les demandes de décision préjudicielle soient traitées comme étant recevables, j’exposerai la raison pour laquelle je ne suis pas d’accord avec les requérantes au principal en ce qui concerne la prétendue incompatibilité de la législation en cause avec l’article 49 TFUE.

I – Le cadre juridique

7.

En Italie, la loi no 468, du 22 mai 1913, a fait de la fourniture de services pharmaceutiques une «activité de base de l’État», qui ne pouvait être exercée que par des pharmacies municipales ou par des pharmacies privées pourvues d’une concession délivrée par le gouvernement. Un instrument administratif a été mis en place pour contrôler la distribution: la «pianta organica», une sorte de grille territoriale destinée à garantir la distribution équilibrée des médicaments sur tout le territoire national. Un point important est qu’un décret royal ultérieur, le décret no 1265, du 27 juillet 1934, a réservé la vente des médicaments aux seules pharmacies (article 122).

8.

À un stade ultérieur, la loi no 537, du 24 décembre 1993, a établi une nouvelle classification des médicaments sur la base des catégories suivantes: la «catégorie A», pour les médicaments essentiels et les médicaments pour les maladies chroniques; la «catégorie B», pour les médicaments (autres que ceux relevant de la catégorie A) présentant un intérêt thérapeutique particulier, et la «catégorie C», pour des médicaments autres que ceux relevant des catégories A ou B. Aux termes de l’article 8, paragraphe 14, de cette loi no 537, les médicaments relevant des catégories A ou B sont entièrement pris en charge par le Servizio sanitario nazionale (SSN) (Service de santé national), tandis que le coût des médicaments de la catégorie C reste entièrement à la charge du client.

9.

Par la suite, l’article 85, paragraphe 1, de la loi no 388, du 23 décembre 2000, a aboli la catégorie B, cependant que l’article 1er de la loi no 311, du 30 décembre 2004, créait une nouvelle catégorie de médicaments, la catégorie C‑bis, pour des médicaments non soumis à ordonnance et qui, à la différence des produits ressortissant à d’autres catégories, peuvent faire l’objet d’une publicité (ils sont généralement qualifiés de «médicaments de comptoir»). À l’instar des médicaments de la catégorie C, le coût des médicaments de la catégorie C‑bis reste à la charge du client.

10.

Le décret-loi no 223, du 4 juillet 2006, ultérieurement converti en loi par la loi no 248, du 4 août 2006 (dit «décret Bersani»), permettait l’ouverture de nouveaux points de vente, différents des pharmacies. Ces points de vente – généralement dénommés «parapharmacies» – sont autorisés à écouler des médicaments de comptoir («catégorie C‑bis»). Plus récemment, le décret-loi no 201, du 6 décembre 2011, aujourd’hui converti en loi no 214, du 22 décembre 2011, a encore étendu les catégories de médicaments qui peuvent être vendues par des parapharmacies, lesquelles peuvent ainsi désormais proposer au public certains médicaments de la catégorie C pour lesquels aucune ordonnance n’est requise.

II – Les faits, les procédures au principal et la question préjudicielle

11.

Le 30 juin 2012, les requérantes au principal ont, chacune pour sa part, saisi l’Azienda sanitaria locale (ASL) (agence sanitaire locale) compétente ainsi que les municipalités concernées, le ministero della Salute (ministère de la Santé) et l’Agenzia italiana del farmaco (agence italienne du médicament), d’une demande d’autorisation de vendre au public des médicaments soumis à prescription médicale, mais dont le coût est entièrement supporté par le client, ainsi que de vendre au public toutes les spécialités pharmaceutiques à usage vétérinaire soumises à prescription médicale et dont le coût est entièrement supporté par le client.

12.

Les 15 et 17 août 2011 respectivement, les ASL compétentes ont rejeté toutes ces demandes au motif que, selon la législation nationale en vigueur, les médicaments en question ne pouvaient être vendus qu’en pharmacie. Des refus similaires ont été opposés par le ministère de la Santé les 16 et 18 août 2011 respectivement. Dans la suite des présentes conclusions, ces décisions seront collectivement dénommées les «décisions en cause».

13.

Les requérantes au principal ont contesté les décisions en cause devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia en faisant valoir que la législation italienne sur laquelle elles étaient basées était incompatible avec le droit de l’Union.

14.

Dans le cadre de ces procédures, le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia, éprouvant certains doutes quant à la compatibilité de la législation en cause avec le traité, a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Les principes de liberté d’établissement, de non-discrimination et de protection de la concurrence visés aux articles 49 TFUE et suivants font-ils obstacle à une législation nationale qui ne permet pas à un pharmacien, habilité et inscrit à l’ordre professionnel correspondant mais non titulaire d’une officine incluse dans le tableau, de pouvoir distribuer au détail, dans la parapharmacie dont il est titulaire, également les médicaments soumis à une prescription médicale dite ‘ordonnance blanche’, c’est-à-dire qui ne sont pas à la charge du Service national de santé et entièrement payés par l’acheteur, en instaurant également dans ce secteur une interdiction de vente de certaines catégories de médicaments et une limitation du nombre des établissements commerciaux qui peuvent être créés sur le territoire national?»

15.

Des observations écrites ont été présentées par Mme Venturini, par Federfarma, par les gouvernements italien, espagnol et portugais, ainsi que par la Commission européenne. Au cours de l’audience du 15 mai 2013, des observations orales ont été présentées au nom de Mme Venturini, de Federfarma, du gouvernement espagnol et de la Commission. Malgré la complexité de la législation nationale en cause et le fait que ses observations écrites ont été particulièrement succinctes, l’on peut regretter que le gouvernement italien ne soit pas intervenu à l’audience.

III – Analyse

A – Sur la recevabilité

16.

Dans ses observations écrites et lors de l’audience, Federfarma a contesté la recevabilité de la question préjudicielle. Elle a essentiellement fait valoir que, en l’absence d’élément transfrontalier, la question déférée par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia est dépourvue de point de rattachement avec le droit de l’Union et revêt donc un caractère hypothétique. En particulier, Federfarma s’est appuyée sur les conclusions tirées par la Cour dans l’arrêt Sbarigia ( 2 ).

17.

À l’audience, Mme Venturini a souligné que, même s’il n’y avait pas de véritable élément transfrontalier dans l’affaire soumise à la juridiction de renvoi, la législation en cause pouvait restreindre significativement la possibilité pour les opérateurs basés dans d’autres États membres de s’établir en Italie. La question devait donc être traitée comme recevable. La Commission a également contesté l’argumentation que Federfarma avait fondée avant tout sur l’arrêt Blanco Pérez et Chao Gómez ( 3 ), où les circonstances de fait étaient en substance identiques à celles des cas...

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