Salah Oulane v Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:653
Date21 October 2004
Celex Number62003CC0215
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-215/03
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 21 octobre 2004(1)



Affaire C-215/03

Salah Oulane
contre
Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie



[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank ’s-Gravenhage (Pays-Bas)]

«Libre prestation des services – Droit de séjour – Touriste ressortissant d'un autre État membre – Obligation de présenter une carte d'identité ou un passeport en cours de validité – Discrimination en raison de la nationalité – Mesure de détention aux fins de refoulement»






1. La présente affaire pose le problème du lien existant entre le droit d’un ressortissant d’un État membre de séjourner dans un autre État membre et la preuve qu’il doit apporter quant à sa nationalité. Ainsi, la Cour est invitée à déterminer si le droit de séjour d’une telle personne peut être subordonné à la production d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité et si, en cas de non-respect de cette obligation, un ressortissant communautaire peut faire l’objet d’une mesure de détention aux fins de refoulement. I – Cadre juridique A – Le droit communautaire 2. La directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services (2) , détermine les modalités pratiques de mise en œuvre des articles du traité relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. Adoptée sur la base des articles 54, paragraphe 2 (devenu, après modification, article 54, paragraphe 2, du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 44, paragraphe 2, CE), et 63, paragraphe 2 (devenu article 63, paragraphe 2, du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 52, paragraphe 2, CE), du traité CEE, l’un de ses objectifs est que le prestataire et le destinataire de services soient assurés d’un droit de séjour dont la durée correspond à celle de la prestation. 3. Ainsi, l'article 4, paragraphe 2, de la directive 73/148 dispose: «Pour les prestataires et les destinataires de services, le droit de séjour correspond à la durée de la prestation. Si cette durée est supérieure à trois mois, l’État membre où s’effectue la prestation délivre un titre de séjour pour constater ce droit. Si cette durée est inférieure ou égale à trois mois, la carte d’identité ou le passeport sous le couvert duquel l’intéressé a pénétré sur le territoire couvre son séjour. L’État membre peut toutefois imposer à l’intéressé de signaler sa présence sur le territoire.» B – La réglementation nationale 4. La Vreemdelingenwet du 23 novembre 2000 (ci-après la «loi sur les étrangers de 2000») prévoit, à son article 50, que les personnes soupçonnées de séjour irrégulier peuvent être arrêtées dans le but que soient constatés leur identité, leur nationalité et leur statut sur le plan du droit de séjour. Si l’identité de la personne arrêtée ne peut être immédiatement établie, elle peut être transférée en un lieu prévu pour une audition et y être maintenue pour une durée maximale de six heures, durée qui peut être prolongée de quarante-huit heures au maximum s’il peut encore être présumé que la personne arrêtée n’est pas en situation de séjour régulier. 5. Cette loi prévoit également, à son article 59, que, si l’intérêt de l’ordre public ou de la sécurité nationale l’exige, l’étranger qui n’est pas en séjour régulier peut être placé en détention en vue de son expulsion. 6. En outre, le Vreemdelingenbesluit du 23 novembre 2000 (arrêté sur les étrangers, portant exécution de la loi du même jour) contient des dispositions qui s’appliquent aux ressortissants d’autres États membres que les Pays-Bas. Il énonce à son article 8:13, paragraphe 1, qu’«il ne sera pas procédé à l’expulsion d’un ressortissant communautaire aussi longtemps qu’il n’est pas apparu que cette personne ne dispose pas d’un droit de séjour ou que son droit de séjour s’est éteint». 7. Enfin, la Vreemdelingencirculaire 2000 (circulaire sur les étrangers) prévoit que l’étranger qui séjourne aux Pays-Bas et invoque des droits tirés du traité CE, mais n’a pas présenté de carte d’identité ou de passeport en cours de validité, «est mis en mesure de présenter ce document». Pour ce faire, un délai de deux semaines lui est accordé. II – Les faits et la procédure du litige au principal 8. Le 2 décembre 2001, M. Salah Oulane, soupçonné d’une tentative de vol, a été interpellé aux Pays-Bas par les forces de l’ordre et retenu dans un lieu prévu à cet effet. Aucune poursuite pénale n’ayant été déclenchée contre lui, il a été relâché le 3 décembre 2001. 9. Immédiatement après, M. Oulane a été interpellé au titre de la loi sur les étrangers de 2000 dans le cadre d’un contrôle intérieur des étrangers. N’ayant pu établir sur le champ son identité, il a été retenu pour être auditionné. Puis, il a fait l’objet d’une mesure de détention en vue de son expulsion en vertu de la même loi. 10. Lors des auditions, M. Oulane a précisé sa date de naissance et a déclaré posséder la nationalité française. Il a également indiqué qu’il séjournait depuis trois mois environ aux Pays-Bas pour des vacances. Il a déclaré ne pas détenir à ce moment un passeport ou un autre document d’identité, ne pas avoir aux Pays-Bas de résidence fixe, ne pas avoir d’argent et ne pas s’être présenté auprès du service des étrangers. 11. Par courrier du 4 décembre 2001, M. Oulane a saisi le Rechtbank ’s-Gravenhage d’un recours par lequel il demandait la levée de la mesure de détention aux fins de refoulement ainsi que l’octroi de dommages et intérêts. 12. Le 7 décembre 2001, M. Oulane a finalement présenté aux autorités néerlandaises une carte d’identité française. 13. Le 10 décembre 2001, soit le huitième jour de la détention, les autorités néerlandaises ont levé la détention aux fins de refoulement. 14. Cette première demande en dommages et intérêts engagée devant le juge national constitue l’une des deux phases du litige que ce dernier est amené à trancher. 15. En effet, d’autres circonstances ont conduit à l’engagement par M. Oulane d’une seconde procédure juridictionnelle. 16. Le 27 juillet 2002, celui-ci a été arrêté dans un tunnel à marchandises de la gare de Rotterdam-Central par la police ferroviaire pour infraction à l’article 7 de l’Algemeen reglement vervoer (règlement général sur les transports), au motif qu’il se trouvait sans autorisation dans un lieu interdit au public. Aucune poursuite pénale n’ayant été engagée contre lui, M. Oulane a été relâché deux heures plus tard. 17. De nouveau interpellé au titre de la loi sur les étrangers de 2000, il a une fois encore été retenu pour être auditionné. Puis, il a fait l’objet d’une nouvelle mesure de détention en vue de son expulsion en vertu de la même loi. 18. Lors de son audition, M. Oulane a notamment déclaré ne pas être en possession de documents d’identité et que son passeport avait été volé. Il a, en outre, indiqué se trouver aux Pays-Bas depuis 18 jours et ne pas y avoir de résidence ou de domicile fixe. Il a par ailleurs communiqué l’adresse de sa mère ainsi que son numéro de téléphone en France. 19. Au cours de cette détention, il est établi que les autorités disposaient de la copie de la carte nationale d’identité de M. Oulane. 20. Par courrier du 29 juillet 2002, M. Oulane a saisi le Rechtbank ’s-Gravenhage d’un recours par lequel il demandait la levée de la mesure de détention aux fins de refoulement ainsi que l’octroi de dommages et intérêts. 21. Par courrier reçu le 29 juillet 2002 au greffe de ce tribunal, les autorités néerlandaises l’ont informé de la levée de la mesure de détention. 22. Enfin, le 2 août 2002, M. Oulane a été expulsé vers la France. III – Le renvoi préjudiciel 23. Dans sa demande de décision préjudicielle, le Rechtbank ’s-Gravenhage indique qu’il est régulièrement confronté au problème que soulève l’application de la loi sur les étrangers de 2000 à des personnes qui déclarent détenir un droit de séjour tiré du droit communautaire sans pouvoir toutefois présenter immédiatement une carte d’identité ou un passeport valide. 24. La juridiction de renvoi doit trancher, dans les deux procédures engagées devant elle, la question de savoir si des dommages et intérêts sont dus au demandeur au titre des périodes de détention aux fins de refoulement. Elle est ainsi conduite à déterminer si la détention de M. Oulane était légale ou non durant ces périodes. 25. Pour ce faire, elle cherche à savoir si le droit communautaire s’oppose au prononcé par les autorités d’un État membre d’une mesure de détention aux fins de refoulement à l’encontre d’un particulier séjournant dans cet État lorsqu’il a la qualité de ressortissant d’un autre État membre sans toutefois pouvoir en justifier immédiatement par la présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité. 26. C’est pourquoi elle pose à la Cour les questions préjudicielles suivantes: «Concernant la première procédure:
1)
À la suite de la suppression des contrôles aux frontières intérieures, la disposition de l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 73/148/CEE […] doit-elle être comprise en ce sens que le droit de séjour reconnu à une personne qui déclare être ressortissante d’un autre État membre et touriste ne doit être reconnu par les autorités de l’État membre dans lequel cette personne invoque son droit de séjour qu’à partir du moment où elle produit une carte d’identité ou un passeport valide?
2a)
En cas de réponse affirmative à la première question, l’état actuel du droit communautaire, en...

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