Altmark Trans GmbH and Regierungspräsidium Magdeburg v Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, and Oberbundesanwalt beim Bundesverwaltungsgericht.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:188
Docket NumberC-280/00
Celex Number62000CC0280
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 March 2002
EUR-Lex - 62000C0280 - FR 62000C0280

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 19 mars 2002. - Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg contre Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH, en présence de Oberbundesanwalt beim Bundesverwaltungsgericht. - Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Règlement (CEE) nº 1191/69 - Exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains et régionaux - Subventions publiques - Notion d'aide d'État - Compensation représentant la contrepartie d'obligations de service public. - Affaire C-280/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-07747


Conclusions de l'avocat général

1. Par ordonnance du 18 juin 2002, la Cour a ordonné la réouverture de la procédure orale dans la présente affaire.

2. Dans cette ordonnance, la Cour constate que l'arrêt du 22 novembre 2001, Ferring , a été rendu après le dépôt des observations orales des parties et peut avoir une incidence sur la réponse à donner aux questions préjudicielles posées par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne). La Cour souligne également que l'arrêt Ferring fait l'objet d'une discussion dans les conclusions que nous avons présentées le 19 mars 2002 dans la présente affaire ainsi que dans les conclusions présentées par l'avocat général Jacobs dans l'affaire GEMO .

3. La Cour a donc organisé une nouvelle audience pour inviter les parties au principal, les États membres, la Commission et le Conseil à prendre position sur la portée de l'arrêt Ferring. Elle a demandé aux intervenants de se prononcer sur le point de savoir si - et selon quels critères - un avantage financier accordé par les autorités d'un État membre pour compenser le coût des obligations de service public qu'elles imposent à une entreprise doit être qualifié d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE).

4. La question du régime communautaire applicable au financement des services publics fait l'objet de plusieurs prises de position sur le plan politique . Elle fait également l'objet d'un débat parmi les avocats généraux de la Cour ainsi qu'en doctrine . Ces différentes prises de position sont connues, de sorte qu'il est inutile de les rappeler. En revanche, avant de compléter nos conclusions du 19 mars 2002, nous présenterons brièvement les thèses exposées par les parties intervenantes.

I - Les thèses exposées par les parties intervenantes

5. Outre les parties au principal, six États membres sont intervenus lors de l'audience de réouverture. Il s'agit de la République fédérale d'Allemagne, du royaume de Danemark, du royaume d'Espagne, de la République française, du royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. La Commission a également présenté des observations. En revanche, le Conseil n'est pas intervenu.

6. Les débats menés devant la Cour permettent de regrouper les intervenants en deux catégories distinctes.

7. Le premier groupe d'intervenants est composé d'Altmark Trans GmbH, du Regierungspräsidium Magdeburg, de la République fédérale d'Allemagne, de la République française et du royaume d'Espagne. Ces intervenants proposent à la Cour de confirmer l'approche compensatoire dégagée par l'arrêt Ferring. En vertu de cette approche, le financement étatique des services publics ne constitue une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité que si, et dans la mesure où, les avantages conférés par les autorités publiques excèdent le coût engendré par la prestation des obligations de service public.

8. À l'appui de leur thèse, ces intervenants avancent essentiellement trois séries d'arguments, qui peuvent être résumés comme suit :

- en vertu de la jurisprudence, lorsque l'État achète des biens (par exemple des ordinateurs) ou des services (par exemple des services de nettoyage), on est en présence d'une aide uniquement si, et dans la mesure où, la rémunération versée par l'État excède le prix du marché. Le même principe devrait s'appliquer lorsque l'État acquiert des services qui sont directement mis à la disposition de la collectivité (à savoir des services publics);

- la notion d'aide figurant à l'article 92, paragraphe 1, du traité ne s'applique qu'aux mesures qui procurent un avantage financier à certaines entreprises. Or, une mesure étatique qui se limite à compenser le coût lié à la prestation d'obligations de service public ne procurerait aucun avantage réel à l'entreprise bénéficiaire. Elle ne constituerait donc pas une aide;

- en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE), les États membres sont obligés de notifier leurs projets d'aides et de suspendre le versement de l'aide jusqu'à ce que la Commission ait donné son autorisation. Ces obligations seraient de nature à paralyser le fonctionnement des services d'intérêt général dans les États membres.

9. Le second groupe d'intervenants est composé du royaume de Danemark, du royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Ces intervenants proposent à la Cour d'adopter l'approche développée par l'avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l'affaire GEMO (ci-après l'«approche quid pro quo»).

10. En vertu de cette approche, la Cour opérerait une distinction entre deux catégories de situations. Ainsi, lorsqu'il existerait un lien direct et manifeste entre le financement étatique et les obligations de service public clairement définies, les sommes versées par l'État ne constitueraient pas une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En revanche, lorsqu'un tel lien ferait défaut ou lorsque les obligations de service public ne seraient pas clairement définies, les sommes versées par les autorités publiques constitueraient des aides au sens de cette disposition.

11. La Commission, quant à elle, n'a pas pris position sur la question. On notera cependant que, dans les affaires Ferring et GEMO , elle s'était prononcée en faveur de l'approche aide d'État . En vertu de cette approche, le financement étatique des services publics constitue une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Cette aide peut cependant être justifiée sur la base de l'article 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 2, CE) .

II - L'analyse

12. Dans les conclusions que nous avons présentées le 19 mars 2002, nous nous sommes prononcé en faveur de l'approche aide d'État. Il peut être utile d'indiquer d'emblée que les arguments présentés par les parties intervenantes ne sont pas de nature à modifier notre position.

13. En l'espèce, nous nous limiterons donc à examiner les nouvelles questions que posent les thèses des parties intervenantes. Ces questions portent sur:

- le critère de l'investisseur privé en économie de marché;

- la notion d'«avantage» dans l'article 92, paragraphe 1, du traité;

- les obligations procédurales prévues à l'article 93, paragraphe 3, du traité, et

- l'approche quid pro quo.

14. En revanche, nous ne reviendrons pas sur les arguments que nous avons développés dans nos précédentes conclusions. Nous prions donc la Cour de bien vouloir s'y reporter.

A - Sur le critère de l'investisseur privé en économie de marché

15. Le premier groupe d'intervenants rappelle que, selon la jurisprudence, toute intervention étatique ne constitue pas une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Ainsi, lorsque l'État achète des biens (par exemple des ordinateurs) ou des services (par exemple des services de nettoyage), on est en présence d'une aide uniquement si, et dans la mesure où, la rémunération versée par l'État excède le prix du marché.

16. Ces parties intervenantes estiment que le même principe doit s'appliquer dans le domaine des services publics. Selon elles, le financement de l'État ne doit être qualifié d'aide que si, et dans la mesure où, les avantages conférés par les autorités publiques excèdent le coût supporté pour la prestation des obligations de service public (c'est-à-dire le prix normal des services offerts) .

17. La thèse des parties intervenantes revient, en substance, à transposer le critère de l'investisseur privé dans le domaine du financement étatique des services publics.

18. On sait que, à l'origine, le critère de l'opérateur privé a été développé par la Commission pour savoir si une prise de participation de l'État dans le capital d'une entreprise constitue une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1 . En vertu de ce critère, la Commission considère qu'une telle intervention n'est pas une aide lorsque les autorités publiques l'effectuent dans les mêmes conditions qu'un investisseur privé opérant dans des conditions normales d'une économie de marché . La Cour a repris ce critère dans sa jurisprudence et l'a ensuite appliqué à d'autres types de mesures étatiques. En vue d'apprécier si la mesure contient un élément d'aide, la Cour examine donc si un opérateur privé, d'une taille comparable à celle des organismes publics, aurait réalisé l'opération en cause aux mêmes conditions.

19. Contrairement aux parties intervenantes, nous pensons que ce critère ne saurait être appliqué au financement étatique des services publics.

20. En effet, il ressort de la jurisprudence que, dans le domaine des aides d'État, la Cour opère une distinction entre deux catégories de situations: celles où l'intervention de l'État présente un caractère économique et celles où l'intervention de l'État relève des actes de puissance publique.

21. La Cour n'applique le critère de l'opérateur privé que dans la première catégorie de situations. Ces situations couvrent les cas où les...

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