Jakob Handte & Co. GmbH v Traitements Mécano-chimiques des Surfaces SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1992:176
Date08 April 1992
Celex Number61991CC0026
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-26/91
EUR-Lex - 61991C0026 - FR 61991C0026

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 8 avril 1992. - Jakob Handte & Co. GmbH contre Traitements mécano-chimiques des surfaces SA. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France. - Convention de Bruxelles - Interprétation de l'article 5, point 1 - Compétence en matière contractuelle - Chaîne de contrats - Action en responsabilité intentée par le sous-acquéreur d'une chose contre le producteur. - Affaire C-26/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-03967
édition spéciale suédoise page I-00137
édition spéciale finnoise page I-00181


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La Cour de cassation française a demandé à la Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 5, paragraphe 1, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l' exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après "convention"), telle que modifiée par le traité du 9 octobre 1978 relatif à l' adhésion du Danemark, de l' Irlande et du Royaume-Uni. En substance, la question soumise à la Cour est celle de savoir si, en l' absence de lien contractuel entre les parties, l' action en justice de l' acheteur d' un produit contre le fabricant de celui-ci doit être qualifiée de contractuelle et donc être considérée comme relevant de l' article 5, paragraphe 1, de la convention. La question se pose parce que, en droit français, l' acheteur d' un produit peut agir directement contre le fabricant sur une base contractuelle, nonobstant l' absence de tout lien contractuel direct entre eux.

2. La première partie défenderesse en cassation est la société de droit français Traitements mécano-chimiques des surfaces (ci-après "TMCS"), dont le siège social est établi à Bonneville, Haute-Savoie (France). La partie demanderesse en cassation est la société de droit allemand Jakob Handte GmbH (ci-après "Handte Allemagne"), dont le siège social est établi à Tuttlingen, Wuerttemberg (Allemagne). En 1984 et 1985, TMCS a acheté deux machines à polir les métaux à la société de droit suisse Bula et Fils, qui est la deuxième défenderesse en cassation. Elle a fait placer sur ces machines un système d' aspiration fabriqué par Handte Allemagne, mais vendu et installé par la société de droit français Handte France (ci-après "Handte France"). La relation entre Handte France et Handte Allemagne n' est pas clairement définie.

3. Les 8 et 9 avril 1987, TMCS a assigné Bula et Fils, Handte France et Handte Allemagne devant le tribunal de grande instance de Bonneville en réparation du préjudice résultant du fait que les intallations n' étaient pas conformes aux règles relatives à l' hygiène et à la sécurité du travail et qu' elles étaient impropres à l' usage auquel elles étaient destinées. Cette juridiction s' est déclarée incompétente à l' égard de la défenderesse suisse, mais a jugé qu' elle était compétente à l' égard de Handte Allemagne en vertu de l' article 5, paragraphe 1, de la convention, l' action de TMCS contre cette société étant de nature contractuelle en droit français. Par dérogation à la règle générale de compétence du paragraphe 1 de l' article 2, l' article 5, paragraphe 1, donne compétence, en matière contractuelle, au tribunal du lieu où l' obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée.

4. Le contredit formé par Handte Allemagne devant la cour d' appel de Chambéry a été rejeté par arrêt du 20 mars 1989. La société allemande s' est alors pourvue en cassation et la cour de cassation a demandé à la Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur la question de savoir:

"Si l' article 5, paragraphe 1, de la convention prévoyant une règle de compétence spéciale en matière contractuelle est applicable au litige opposant le sous-acquéreur d' une chose au fabricant, qui n' est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou d' impropriété de celle-ci à l' usage auquel elle est destinée."

5. On notera, tout d' abord, qu' une réponse à la question posée en ces termes ne tranchera pas nécessairement la question de la compétence dans le cas d' espèce. En premier lieu, pour des raisons que nous exposerons plus loin, il n' est pas possible de tenir pour acquis qu' en cas d' applicabilité de l' article 5, paragraphe 1, le tribunal de grande instance de Bonneville serait compétent pour connaître de la demande de TMCS contre Handte Allemagne en tant que tribunal du lieu d' exécution de l' obligation qui sert de base à la demande. Si, au contraire, l' article 5, paragraphe 1, n' est pas applicable, on ne peut pas présumer que Handte Allemagne devrait être attraite devant les juridictions du lieu où elle a son siège conformément à l' article 2 de la convention. En effet, il existe plusieurs autres dispositions sur lesquelles il pourrait être possible de fonder la compétence des juridictions françaises (qui ne seraient toutefois pas nécessairement celles de Bonneville). Ces dispositions sont les suivantes:

a) L' article 5, paragraphe 3, qui donne compétence en matière délictuelle ou quasi délictuelle au tribunal du lieu où le fait dommageable s' est produit.

Selon l' interprétation de la Cour cette disposition confère au demandeur un choix de juridiction; il peut introduire son action soit devant le tribunal du lieu où le dommage est survenu, soit devant celui du lieu de l' événement qui est à l' origine du dommage: arrêt du 30 novembre 1976, Bier/Mines de potasse d' Alsace (21/76, Rec. p. 1735).

b) L' article 5, paragraphe 5, qui dispose que, s' il s' agit d' une contestation relative à l' exploitation d' une succursale, d' une agence ou de tout autre établissement, le défendeur peut être attrait devant le tribunal du lieu de leur situation: sur ce chef de compétence, voir en particulier l' arrêt du 22 novembre 1978, Somafer (33/78, Rec. p. 2183), et l' arrêt du 9 décembre 1987, SAR Schotte (218/86, Rec. p. 4905).

En l' absence de toute information sur les rapports juridiques entre Handte Allemagne et Handte France, il est impossible de dire si la seconde pourrait être "une succursale, une agence ou un autre établissement" de la première.

c) L' article 6, paragraphe 1, aux termes duquel le défendeur domicilié sur le territoire d' un État contractant peut être attrait, s' il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l' un d' eux.

On peut noter que Handte Allemagne ne pourrait être attraite devant les tribunaux de Bonneville sur la base de l' article 6, paragraphe 1, que si leur compétence à l' égard de Handte France était basée sur l' article 2 de la convention (c' est-à-dire si Handte France avait son siège dans leur ressort). Si, par contre, la compétence à l' égard de Handte France était basée uniquement sur l' article 5, paragraphe 1 ou 3, il ne serait pas possible d' attraire Handte Allemagne devant les tribunaux de Bonneville sur la base de l' article 6, paragraphe 1. Bien que l' arrêt de renvoi ne précise pas le siège de Handte France, on peut noter qu' il ressort clairement de l' arrêt du 20 mars 1989 de la cour d' appel de Chambéry, qui est annexé aux observations écrites de Handte Allemagne, que cette dernière a soutenu que l' article 6, paragraphe 1, n' était pas applicable au motif que Handte France avait son siège à Strasbourg.

d) L' article 6, paragraphe 2, aux termes duquel le défendeur domicilié sur le territoire d' un État contractant peut être attrait, s' il s' agit d' une demande en garantie ou d' une demande en intervention, devant le tribunal saisi de la demande originaire, à moins qu' elle n' ait été formée que pour traduire hors de son tribunal celui qui a été appelé.

TMCS a tenté de se prévaloir de l' article 6, paragraphe 2, devant la cour d' appel, mais celle-ci ne s' est pas prononcée sur ce point.

6. Toutefois, à notre avis, la question essentielle sur laquelle la cour de cassation souhaite être éclairée est celle de savoir si, aux fins de l' application de la convention, une action de cette nature doit être traitée comme une action contractuelle, ce qui entraînerait l' applicabilité de l' article 5, paragraphe 1, de la convention, ou comme une action délictuelle ou quasi délictuelle (pour la clarté de l' exposé, nous parlerons simplement d' action "délictuelle"), ce qui entraînerait l' applicabilité de l' article 5, paragraphe 3. Les parties qui ont présenté des observations écrites devant la Cour, à savoir Handte Allemagne, le gouvernement allemand et la Commission, paraissent également avoir compris la question de cette manière.

7. Handte Allemagne reproche aux juridictions françaises d' avoir qualifié la demande de TMCS sur la base de la lex fori, ce qui a entraîné son traitement comme une action contractuelle. La demande devrait au contraire recevoir une qualification autonome, basée sur le système et les objectifs de la convention. Selon Handte Allemagne, le principal obstacle à la qualification de la demande comme contractuelle est l' absence de tout lien contractuel entre le fabricant et le sous-acquéreur. En outre, les autres systèmes juridiques des États contractants, et notamment le droit anglais, ne retiennent pas tous la qualification contractuelle adoptée par le droit français.

8. Le gouvernement allemand fait lui aussi valoir que la question de savoir si une demande est contractuelle doit être tranchée de manière autonome plutôt que sur la base de la lex fori. La qualification française n' est pas retenue par le droit allemand, qui traite la...

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