Asociación Nacional de Empresas Forestales (Asemfo) v Transformación Agraria SA (Tragsa) and Administración del Estado.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:619
Docket NumberC-295/05
Celex Number62005CC0295
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 September 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. GEELHOED

présentées le 28 septembre 2006 (1)

Affaire C-295/05

Asociación Nacional de Empresas Forestales (Asemfo)

contre

Transformación Agraria SA

et

Administración del Estado

[demande de décision préjudicielle présentée par la chambre du contentieux administratif du Tribunal Supremo (Espagne)]

«Interprétation de l’article 86, paragraphe 1, CE et des directives 93/36/CEE, 93/37/CEE, 97/53/CE, 2001/78/CE et 2004/18/CE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, de travaux et de services – Compatibilité d’une réglementation nationale qui soumet une entreprise publique à un régime lui permettant d’exécuter des marchés de travaux publics en dehors du régime général de passation des marchés publics par appels d’offres»





I – Introduction

1. Cette affaire concerne la compatibilité avec le droit communautaire, en particulier avec les directives communautaires sur les marchés publics (2) et avec les articles 12 CE, 43 CE, 46 CE et 86, paragraphe 1, CE, d’un régime légal national applicable à une entreprise publique organisée suivant les règles du droit privé qui, conformément à ce régime légal, est un «instrument propre», c’est-à-dire un service instrumental propre de l’administration compétente, mais qui peut, par ailleurs, également exercer des activités au profit d’autres administrations que celle à laquelle elle est soumise en tant que service instrumental ainsi qu’au profit d’entreprises et d’organisations privées. L’administration compétente peut en outre charger cette personne juridique d’effectuer d’autres prestations que celles qui sont prévues dans la description légale de ses missions.

2. Les questions se sont posées à la juridiction de renvoi à l’occasion d’une plainte que l’Asociación Nacional de Empresas Forestales (Asemfo) a déposée devant elle contre Tragsa. Asemfo accuse Tragsa d’enfreindre la loi espagnole de protection de la concurrence en ce qu’elle ne suit pas les procédures de passation des marchés prévues par la législation espagnole, se rendant ainsi coupable d’un abus de position dominante sur les marchés de travaux et de services dans le domaine de l’exploitation forestière. Le Tribunal Supremo a été saisi d’un pourvoi en cassation formé par Asemfo contre l’arrêt que la Chambre du contentieux administratif de l’Audiencia Nacional avait rendu dans cette affaire. Il a estimé devoir adresser une demande préjudicielle à la Cour.

II – Le cadre juridique

A – La législation et la réglementation nationales

3. Pour bien comprendre les implications pratiques et juridiques des questions adressées à la Cour, il est nécessaire de résumer, de manière moins succincte que d’habitude, les règles – en soi détaillées et complexes – de la législation et de la réglementation nationales applicables à Tragsa.

4. Tragsa a été créée le 4 mai 1977 sur la base du décret royal n° 379/1977, du 21 juin 1977, approuvant sa constitution en entreprise publique (3). Juridiquement, cette personne morale est partiellement soumise au régime général applicable aux sociétés de droit privé et partiellement aux règles générales de droit qui régissent les entreprises publiques. Son objet social, initialement décrit à l’article 2 du décret royal susvisé, a ensuite été élargi par les décrets royaux n° 424/1984, du 8 février 1984, et n° 1422/1985, du 17 juillet 1985. Ses principales activités actuelles comprennent la réalisation de tous types d’activités, de travaux ou d’ouvrages, prestations de services, études, plans et projets en matière d’agriculture, de sylviculture, de développement rural, de protection et d’amélioration de l’environnement, d’aquaculture et de pêche ainsi que de conservation de la nature.

5. Il découle de l’article 88 de la loi espagnole n° 66/1997 du 30 décembre 1997, sur les mesures fiscales, administratives et d’ordre social que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la loi générale sur le budget, Tragsa est une société publique qui fournit des services essentiels en matière de développement rural et de protection de l’environnement. Elle est un «instrument propre et un service technique de l’administration» qui est tenu de réaliser, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses filiales, les travaux que lui confient l’administration générale de l’État, les communautés autonomes et les organismes publics qui en dépendent.

6. En dernier lieu, le régime juridique de Tragsa a été établi par le décret royal n° 371/1999, du 5 mai 1999, réglementant le régime de l’entreprise de transformation agricole, société anonyme (Tragsa).

7. Tragsa est tenue de réaliser les travaux et activités qui lui sont confiés par l’administration. Cette obligation concerne exclusivement les commandes qui lui sont confiées, en sa qualité de moyen instrumental propre et de service technique de l’administration, dans les domaines qui constituent son objet social (article 3, paragraphe 2, du décret royal n° 371/1999). Tragsa doit en outre accorder la priorité aux activités urgentes ou d’exception découlant de catastrophes et de calamités (article 3, paragraphe 3, du décret royal). Elle ne peut pas refuser les commandes ni négocier leurs délais d’exécution. Elle réalise les travaux qui lui sont confiés en suivant les instructions qu’elle reçoit (article 5, paragraphe 3, du décret royal).

8. Le décret établit que les relations de Tragsa avec les administrations publiques sont de nature instrumentale et non contractuelle et ont, de ce fait, à tous égards, un caractère interne, dépendant et subordonné (article 3, paragraphe 6, du décret royal).

9. En ce qui concerne le régime financier auquel Tragsa est soumise, celle-ci perçoit une rémunération en application du système tarifaire défini à l’article 4 du décret royal n° 371/1999. Les tarifs sont fixés par un comité interministériel sur la base, notamment, des informations que Tragsa fournit à propos de ses coûts.

10. Tragsa peut demander la collaboration d’entreprises privées (article 6 du décret royal n° 371/1999). Il existe diverses limitations à cette forme de coopération avec le secteur privé. Il ne peut s’agir que de travaux portant sur des biens meubles ou la fabrication de biens meubles, la valeur des contrats ne pouvant pas dépasser un certain montant. Les principes qui régissent la passation des marchés publics en matière de publicité et de concurrence doivent être appliqués lors de la sélection des entreprises partenaires.

11. Cependant, il est important de rappeler que Tragsa peut également agir en tant qu’entreprise, même à l’égard de l’administration, sans devoir assumer la qualité de «moyen instrumental propre et service technique de l’administration». En pareils cas, ses activités sont, conformément à l’article 1er du décret royal n° 371/1999, régies par les règles d’application générale aux sociétés marchandes.

12. Le contexte administratif dans lequel Tragsa opère a été profondément modifié au cours des années 80 du siècle dernier, en suite de l’entrée en vigueur de la Constitution de 1978, qui a transféré les compétences en matière d’agriculture et de protection de l’environnement du pouvoir central aux Communautés autonomes ou aux régions (ci-après: «les régions»). Le transfert d’une fonction administrative impliquait de transférer conjointement les moyens nécessaires à son plein exercice. C’est pourquoi Tragsa s’est mise à la disposition des régions dès avant l’entrée en vigueur du traité CE pour le Royaume d’Espagne.

13. Les compétences publiques que le pouvoir central exerçait à l’égard de Tragsa ont été transférées aux régions au moyen d’accords de droit public conclus individuellement par chacune des régions avec Tragsa. Ces accords précisent le régime d’utilisation de Tragsa en tant qu’organe instrumental «propre» de la région autonome concernée. La plupart des régions autonomes ont conclu de pareils accords avec Tragsa, bien que quatre d’entre elles seulement aient pris des participations et soient devenues actionnaires.

14. Conformément à la législation et à la réglementation espagnoles en vigueur, une région ne doit pas nécessairement être actionnaire de Tragsa pour pouvoir bénéficier des services assurés par celle-ci: elle fonctionne en tant qu’organe instrumental «propre» des régions et le fait d’en être actionnaire ou non est, en principe, dépourvu de pertinence, comme le confirme la loi n° 66/1997, aux termes de laquelle les régions peuvent prendre des participations dans Tragsa: elles ne sont donc pas tenues de le faire.

15. Il est également utile, pour apprécier les questions adressées à la Cour, d’exposer encore quelques dispositions de la législation espagnole relative aux marchés publics. Elles déterminent notamment le cadre juridique dans lequel Tragsa a opéré, et continue à le faire, sur la base de son statut légal d’entreprise publique.

L’article 60 de la loi sur les marchés publics, dont les dispositions ont été approuvées par le décret royal n° 923/1965, du 8 avril 1965, dispose que:

«Seuls pourront être exécutés directement par l’administration les travaux à effectuer dans l’une des circonstances suivantes:

1. lorsque l’administration dispose de fabriques, arsenaux, ateliers ou services techniques ou industriels appropriés à la réalisation des travaux projetés, auquel cas ce système d’exécution doit normalement être utilisé».

L’article 153 de la loi n° 13/1995, du 18 mai 1995, relative aux marchés passés par les administrations publiques prévoit que:

«1. L’administration peut effectuer des travaux par l’intermédiaire de ses propres services et de ses moyens personnels ou réels ou avec la coopération d’entreprises privées, à condition, dans ce dernier cas, que le montant des travaux soit inférieur à 681 655 208 ESP, à l’exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que l’une des circonstances suivantes est présente:

a) lorsque l’administration dispose de fabriques, arsenaux...

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