Land Rheinland-Pfalz v Alcan Deutschland GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:433
Docket NumberC-24/95
Celex Number61995CC0024
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 November 1996
EUR-Lex - 61995C0024 - FR 61995C0024

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 12 novembre 1996. - Land Rheinland-Pfalz contre Alcan Deutschland GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Aide d'Etat - Récupération - Application du droit national - Limites. - Affaire C-24/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-01591


Conclusions de l'avocat général

1 Le Bundesverwaltungsgericht a saisi la Cour de la question de savoir si le droit communautaire commande d'écarter certaines dispositions du droit administratif national, en vertu desquelles une décision portant retrait d'une aide octroyée et ordonnant sa restitution serait illégale.

Les faits et les questions soulevées par la juridiction nationale

2 Les faits pertinents et les questions soulevées sont exposés avec toute la clarté souhaitable dans l'ordonnance de renvoi. Alcan Deutschland GmbH (ci-après «Alcan») est la filiale allemande d'une société canadienne. A partir de 1979, elle a exploité une usine d'aluminium à Ludwigshafen. En 1982, à la suite d'importantes hausses du prix de l'électricité, la société a décidé de fermer l'usine mais, par la suite, cette fermeture a été reportée lorsque le Land de Rhénanie-Palatinat a proposé à Alcan, avec l'accord du gouvernement fédéral, une aide de transition d'un montant de 8 millions de DM. L'usine a en définitive été fermée en 1987.

3 Ayant pris connaissance, par la presse, de l'aide projetée, la Commission a demandé, par un télex adressé au gouvernement fédéral le 8 mars 1983, une notification préalable de l'aide en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, en ajoutant qu'aucune aide ne devait être payée avant que la Commission ait rendu sa décision finale. Le télex a été transmis au Land par lettre du 14 mars 1983. Par décision du 9 juin 1983, le Land a néanmoins versé à Alcan la moitié de l'aide projetée, soit 4 millions de DM.

4 Le gouvernement fédéral a notifié l'aide à la Commission par une communication du 25 juillet 1983. Après avoir obtenu du gouvernement fédéral des détails supplémentaires sur l'aide, la Commission a commencé son contrôle préalable le 11 octobre 1983, en se fixant à cet effet un délai d'un mois. Par un télex du 24 novembre 1983, le gouvernement fédéral a informé la Commission que, le délai d'un mois ayant expiré, l'aide serait versée. Par lettre du 25 novembre 1983, la Commission a informé le gouvernement fédéral que l'aide qui avait déjà été versée était illégale et que le solde ne devait pas être payé avant que la Commission ait pris une décision définitive. Le Land en a été informé le 28 novembre 1983. Néanmoins, par une décision du 30 novembre 1983, il a versé à Alcan les 4 millions restants de l'aide.

5 Par décision du 14 décembre 1985 (1) destinée à la République fédérale d'Allemagne, la Commission a constaté que l'aide octroyée à Alcan était illégale, puisqu'elle avait été versée en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité, et incompatible avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité; par conséquent, elle a ordonné sa restitution.

6 Par lettres des 12 février et 21 avril 1986, le gouvernement fédéral a informé la Commission que le principe de la protection de la confiance légitime faisait obstacle au recouvrement de l'aide. Par lettre du 27 juin 1986, le commissaire compétent a répondu que, puisque le gouvernement fédéral n'avait pas avancé de propositions de solutions acceptables, telles que le remboursement de l'aide par paiements échelonnés ou sa conversion en un emprunt aux conditions du marché, il n'était pas en mesure de proposer une modification de la décision de la Commission.

7 Par requête du 30 mars 1987, la Commission a introduit un recours devant la Cour qui, par arrêt du 2 février 1989 (ci-après l'«arrêt Alcan I») (2), a jugé que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité en ne se conformant pas à la décision de la Commission.

8 A la suite de cet arrêt, le Land a arrêté, le 26 septembre 1989, une décision portant retrait des décisions ayant octroyé l'aide et demande de remboursement des 8 millions de DM. Alcan a saisi le Verwaltungsgericht, qui a annulé la décision du Land portant retrait de l'aide, au motif qu'elle était contraire à l'article 48, paragraphe 4, de la Verwaltungsverfahrensgesetz (loi portant code de procédure administrative) du Land (3). Cette disposition ne permet le retrait des actes administratifs que dans le délai d'un an à partir du moment où l'autorité a eu connaissance des faits justifiant ce retrait.

9 Débouté en appel par l'Oberverwaltungsgericht, le Land s'est pourvu devant le Bundesverwaltungsgericht, qui a déféré l'affaire à la Cour. Le Bundesverwaltungsgericht a jugé, comme les juridictions inférieures, que la décision du Land était contraire à l'article 48, paragraphe 4, de la Verwaltungsverfahrensgesetz, en estimant que le délai d'un an a commencé à courir au plus tard en juillet 1986, lorsque le Land a été informé de la lettre du commissaire compétent, du 27 juin 1986. Il estime, de plus, que la décision de retrait peut être illégale au regard du droit allemand pour deux autres motifs. En premier lieu, il semble probable que le Land a usé du pouvoir discrétionnaire de retirer les décisions octroyant des aides, que lui confère l'article 48, paragraphe 1, de la Verwaltungsverfahrensgesetz, de manière contraire au principe de la bonne foi puisque c'est le Land qui a été responsable, à l'origine, de l'illégalité des décisions octroyant l'aide. A cet égard, le Bundesverwaltungsgericht relève l'argument d'Alcan selon lequel le Land savait parfaitement, dès mars 1983, que la légalité de l'aide était douteuse et n'en a pas informé Alcan pour que celle-ci ne soit pas dissuadée de continuer à exploiter l'usine; le Land ne nie pas qu'il n'a pas informé Alcan du télex de la Commission du 8 mars 1983 demandant qu'aucune aide ne soit versée. En deuxième lieu, le Bundesverwaltungsgericht estime qu'Alcan peut invoquer l'article 818, paragraphe 3, du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil, applicable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, de la Verwaltungsverfahrensgesetz), qui s'oppose à la restitution lorsque l'enrichissement résultant d'un acte administratif illégal a cessé d'exister. Alcan soutient qu'il en est ainsi en l'espèce puisque, par la suite, elle a fermé l'usine en question après avoir subi de nouvelles pertes. Il semble cependant que, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, septième phrase, de la Verwaltungsverfahrensgesetz, cet argument ne pourrait être invoqué si Alcan connaissait les circonstances en raison desquelles la décision octroyant l'aide était illégale, ou si elle les ignorait par suite d'une grave négligence de sa part.

10 Le Bundesverwaltungsgericht soulève la question de savoir si le droit communautaire commande néanmoins que l'aide soit restituée et il a donc soumis à la Cour, pour une décision à titre préjudiciel, les questions suivantes:

«1) L'autorité compétente est-elle tenue, en vertu du principe selon lequel le droit national doit être appliqué de manière à ne pas rendre pratiquement impossible la récupération exigée par le droit communautaire et à prendre pleinement en considération l'intérêt communautaire, de retirer, conformément à une décision définitive de restitution de la Commission, la décision d'octroi de l'aide en cause, même lorsqu'elle a laissé expirer le délai prévu à cet effet dans l'intérêt de la sécurité juridique par le droit national?

2) Dans l'hypothèse où la première question appellerait une réponse positive,

l'autorité compétente est-elle tenue, en vertu du principe susmentionné, de retirer, conformément à une décision définitive de restitution de la Commission, la décision d'octroi de l'aide en cause, même lorsque l'autorité compétente est à ce point responsable de l'illégalité de la décision que son retrait apparaît, à l'égard du bénéficiaire de l'aide, comme contraire à la bonne foi?

3) Dans l'hypothèse où les première et deuxième questions appelleraient une réponse positive,

l'autorité compétente est-elle tenue, en vertu du principe susmentionné, d'exiger, conformément à une décision définitive de restitution de la Commission, le remboursement de l'aide octroyée, même lorsque le droit national l'exclut en raison de la disparition de l'enrichissement, en l'absence de mauvaise foi du bénéficiaire de l'aide?»

11 Seule Alcan propose que les questions reçoivent une réponse négative. Le Land, les gouvernements français, allemand et autrichien, et la Commission, suggèrent que la Cour apporte une réponse affirmative aux trois questions.

Les dispositions pertinentes du droit communautaire et la jurisprudence applicable

12 Avant de nous pencher sur ces questions, il est utile de rappeler quelques-uns des principes de base applicables en la matière. En vertu de l'article 93, paragraphe 3, première phrase, du traité, tout État membre est tenu d'informer la Commission en temps utile, pour qu'elle puisse présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si, après un contrôle préalable, la Commission estime que le projet n'est pas compatible avec...

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