Sot. Lélos kai Sia EE and Others v GlaxoSmithKline AEVE Farmakeftikon Proïonton, formerly Glaxowellcome AEVE.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:180
Docket NumberC-468/06,C-478/06
Celex Number62006CC0468
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date01 April 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 1er avril 2008 (1)

Affaires jointes C‑468/06 à C‑478/06

Sot. Lélos kai Sia E. E,

Farmakemporiki AE Emporias kai Dianomis Farmakeftikon Proïónton,

Konstantinos Xydias kai Sia OE,

Ionas Stroumsas EPE

Pharmakapothiki Pharma-Group Messinias AE

K. P. Marinopoulos-AE Emporias kai Dianomis Pharmakeftikon Proïónton

Kokkoris D. Tsánas K. E. P. E.

contre

Glaxosmithkline AEVE Farmakeftikon Proїónton


[demande de décision préjudicielle présentée par le Trimeles Efeteio Athinon (Grèce)]

«Abus de position dominante – Commerce parallèle de médicaments»






Table des matières


I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

B – La législation nationale

III – Les circonstances de fait du litige au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V – Analyse des questions préjudicielles

A – Aspects préliminaires

1. Objections à l’égard de la formulation des questions

a) La position dominante

b) La satisfaction intégrale des commandes

2. Approche

B – Abus de position dominante per se à l’article 82 CE (première question préjudicielle)

1. Le refus d’approvisionnement comme acte abusif

a) Jurisprudence communautaire

b) L’élément intentionnel comme circonstance aggravante

2. La reconnaissance de l’abus per se dans le cadre de l’article 82 CE: un problème méthodologique

a) Jurisprudence de la Cour

b) Inadéquation des abus per se à l’article 82 CE

i) Raisons de nature juridique

ii) Raisons de nature économique

3. Suggestion de réponse à la première question préjudicielle

C – Éléments susceptibles de justifier un comportement normalement abusif (seconde question préjudicielle)

1. Les conditions d’un marché imparfait

a) Caractéristiques fondamentales du marché

b) Examen des causes de justification

i) La fixation des prix par les États membres

ii) L’obligation d’approvisionnement

2. La défense des intérêts commerciaux légitimes

a) Examen jurisprudentiel

b) Moyens invoqués

3. Le bilan économique positif

4. Suggestion de réponse à la seconde question préjudicielle

VI – Conclusion

I – Introduction

1. La Cour est de nouveau saisie, comme s’il s’agissait d’un boomerang, des questions préjudicielles qu’elle a rejetées comme irrecevables voici quelques années déjà (2). Une juridiction hellénique, le Trimeles Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce), souhaite obtenir une réponse à certaines questions essentielles de droit communautaire de la concurrence liées à l’abus de position dominante, prohibé par l’article 82 CE, et aux importations parallèles de médicaments depuis la Grèce à destination d’autres États membres, où le remboursement des prix payés pour les médicaments délivrés sur prescription médicale est sensiblement supérieur à celui pratiqué en Grèce.

2. La raison du rejet du renvoi préjudiciel n’a pas empêché l’avocat général désigné à cette occasion de préparer des conclusions (3) auxquelles les parties au litige pendant devant le juge de renvoi se réfèrent largement au point d’en faire presque le centre des discussions.

3. Ces circonstances m’inquiètent dans la mesure où je me sens comme Avellaneda rédigeant la deuxième partie d’un roman d’autrui, ce qui pourrait me valoir des réprimandes comme celles qu’a reçues l’auteur en cause, bien que la situation ne soit pas comparable: je suis tenu de rédiger ces conclusions et je remplis mes obligations professionnelles de bonne foi et sans l’ombre d’un ressentiment qui, semble-t-il, a inspiré le plagiat d’Avellaneda (4).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. Le traité CE contient des dispositions en matière de concurrence, qui sont fondamentales pour le fonctionnement du marché commun. Tandis que l’article 81 CE interdit les ententes entre entreprises concurrentes, le premier alinéa de l’article 82 CE prohibe l’exploitation abusive par une ou plusieurs entreprises d’une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. Dans son deuxième alinéa, il énumère de façon non exhaustive une série d’exemples typiques de ces comportements arbitraires.

5. Quelques dispositions de droit dérivé sont aussi pertinentes dans le contexte factuel du litige au principal: c’est le cas de la directive 89/105/CEE (5) qui comporte des mesures visant à harmoniser les méthodes de détermination des prix des médicaments. L’article 2 précise en ses points 1 et 2:

«Les dispositions suivantes sont applicables lorsque la commercialisation d’un médicament n’est autorisée qu’après que les autorités compétentes de l’État membre intéressé ont approuvé le prix du produit:

1) Les États membres veillent à ce qu’une décision relative au prix applicable au médicament en question soit adoptée et communiquée au demandeur dans un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la réception d’une demande présentée, conformément aux conditions fixées dans l’État membre concerné, par le titulaire d’une autorisation de commercialisation. Le demandeur fournit aux autorités compétentes les informations suffisantes […] les autorités compétentes […] prennent leur décision finale dans un délai de quatre-vingt-dix jours […] En l’absence d’une telle décision dans les délais susmentionnés, le demandeur est habilité à commercialiser le produit au prix proposé.

2) Si les autorités compétentes décident de ne pas autoriser la commercialisation du médicament en question au prix proposé par le demandeur, la décision comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables. […]»

6. Bien qu’il n’affecte pas ratione temporis les circonstances de fait examinées devant le juge de renvoi, il convient de mentionner, compte tenu des éventuelles répercussions pour l’avenir de l’arrêt que prononcera la Cour, le deuxième alinéa de l’article 81 de la directive 2001/83/CE (6), qui a dérogé à la directive 92/25/CEE (7) et est libellé comme suit:

«Le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament ainsi que les distributeurs de ce médicament mis sur le marché de façon effective dans un État membre assurent, dans la limite de leur responsabilité respective, un approvisionnement approprié et continu de ce médicament pour les pharmacies et les personnes autorisées à délivrer des médicaments de manière à couvrir les besoins des patients de l’État membre concerné.

7. Le troisième alinéa du même article 81 insiste pour que les modalités de mise en œuvre dudit article soient justifiées par des raisons de protection de la santé publique et proportionnées par rapport à l’objectif de cette protection, «dans le respect des règles du traité, et notamment de celles relatives à la libre circulation des marchandises et à la concurrence».

B – La législation nationale

8. L’article 2 de la loi n° 703/1977, relative au contrôle des monopoles et des oligopoles ainsi qu’à la protection de la libre concurrence (ci-après la «loi grecque de protection de la concurrence»), correspond en substance aux dispositions de l’article 82 CE.

9. En vertu de l’article 29, deuxième alinéa, de la loi nº 1316/1983, qui a amendé l’article 8 du décret législatif n° 96/1973, tout titulaire d’une autorisation de mise en circulation de produits pharmaceutiques a l’obligation d’approvisionner régulièrement le marché avec les médicaments qu’il produit ou importe.

10. La législation grecque subordonne l’activité des grossistes en produits pharmaceutiques à une autorisation, tout en les obligeant à couvrir à suffisance les besoins d’une zone géographique déterminée.

III – Les circonstances de fait du litige au principal et les questions préjudicielles

11. La société de recherche et de fabrication de produits pharmaceutiques GlaxoSmithKline plc, qui est établie au Royaume-Uni, s’occupe de la distribution et du stockage de ses préparations en Grèce à travers sa filiale GSK AEVE (ci‑après «GSK» désigne les deux sociétés conjointement), qui possède l’autorisation de la société mère de les commercialiser sur le territoire hellénique. Elle vend ainsi ses produits sous les marques «Imigran» pour la migraine, «Lamictal» pour l’épilepsie et «Serevent» pour l’asthme, qui sont tous délivrés moyennant ordonnance médicale obligatoire, GSK étant titulaire des brevets.

12. Les requérantes dans les litiges au principal ont acheté depuis plusieurs années comme grossistes les médicaments précités sous leurs différentes formes pour approvisionner par la suite à la fois le marché grec et celui d’autres pays, en particulier l’Allemagne et le Royaume-Uni.

13. Invoquant une pénurie des trois médicaments précités, pour laquelle elle a décliné toute responsabilité, GSK a modifié son système de distribution en Grèce à la fin du mois d’octobre 2000. Elle n’a pas honoré les commandes des requérantes depuis le 6 novembre de cette année, mais a approvisionné les hôpitaux et les pharmacies par l’intermédiaire de la société Farmacenter AE.

14. En février 2001, GSK a repris le cours normal de ses approvisionnements en fournissant aux grossistes, fût-ce en quantités limitées, les médicaments Imigran, Lamictal et Serevent, mais elle a abandonné sa collaboration avec Farmacenter AE. Cette décision de GSK a suscité la colère des requérantes qui ont introduit deux recours, l’un administratif et l’autre civil.

15. GSK a engagé la voie administrative en demandant à l’Epitropi Antagonismou (commission hellénique de la concurrence) une attestation négative portant sur les modifications de sa politique de distribution de médicaments; à leur tour, les requérantes dans les litiges au principal, certaines associations helléniques de pharmaciens et d’autres grossistes ont demandé à ce qu’une enquête soit ouverte à propos des mêmes faits et que GSK soit condamnée pour abus de position dominante au sens de l’article 2 de la loi grecque de protection de la concurrence et de l’article 82 CE.

16. Dans une décision portant mesures provisoires...

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