United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:431
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-84/94
Date12 November 1996
Celex Number61994CJ0084
EUR-Lex - 61994J0084 - FR 61994J0084

Arrêt de la Cour du 12 novembre 1996. - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Conseil de l'Union européenne. - Directive 93/104/CE du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Recours en annulation. - Affaire C-84/94.

Recueil de jurisprudence 1996 page I-05755


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Politique sociale ° Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ° Directive 93/104 concernant certains aspects de l' aménagement du temps de travail ° Base juridique ° Article 118 A du traité ° Limites ° Fixation au dimanche du jour de repos hebdomadaire ° Annulation de l' article 5, deuxième alinéa, de la directive

(Traité CE, art. 100, 100 A et 118 A; directive du Conseil 93/104, art. 5, al. 2)

2. Actes des institutions ° Choix de la base juridique ° Critères ° Pratique d' une institution ° Défaut de pertinence au regard des règles du traité

3. Traité CE ° Article 235 ° Portée

4. Droit communautaire ° Principes ° Proportionnalité ° Portée ° Violation par la directive 93/104 concernant certains aspects de l' aménagement du temps de travail ° Absence

(Directive du Conseil 93/104)

5. Recours en annulation ° Moyens ° Détournement de pouvoir ° Notion ° Directive du Conseil 93/104 ° Légalité

(Directive du Conseil 93/104)

6. Actes des institutions ° Motivation ° Obligation ° Portée

(Traité CE, art. 190)

Sommaire

1. L' article 118 A du traité constitue la base juridique adéquate pour l' adoption par la Communauté de mesures ayant pour objet principal la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et ce nonobstant les incidences accessoires que de telles mesures peuvent avoir sur l' établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Il constitue en effet, dès lors qu' il s' agit d' assurer cette protection, une disposition plus spécifique que les articles 100 et 100 A du traité, dont l' existence n' a pas pour conséquence de restreindre son domaine d' application, et doit faire l' objet d' une interprétation large quant au champ qu' il ouvre à l' action du législateur communautaire en matière de santé et de sécurité des travailleurs. Cette action peut comporter des mesures de portée générale, et non pas seulement des mesures propres à certaines catégories de travailleurs, dont le caractère doit être celui de prescription minimale uniquement en ce sens que les États membres conservent la liberté d' édicter des règles encore plus protectrices.

C' est pourquoi, au vu tant de son contenu que de son objet, la directive 93/104 concernant certains aspects de l' aménagement du temps de travail pouvait, sauf pour les dispositions de son article 5, deuxième alinéa, privilégiant le dimanche comme jour de repos hebdomadaire, qui doit en conséquence être annulé, être adoptée sur le fondement de l' article 118 A.

2. Dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d' un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l' acte.

Une simple pratique du Conseil n' est pas susceptible de déroger aux règles du traité et ne peut, par conséquent, créer un précédent liant les institutions lorsque, préalablement à l' adoption d' une mesure, il leur appartient de déterminer la base juridique correcte à cet effet.

3. L' article 235 du traité ne peut servir de base juridique à un acte que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte.

4. L' adoption par le Conseil de la directive 93/104 concernant certains aspects de l' aménagement du temps de travail n' a pas constitué une violation du principe de proportionnalité.

En effet, le contrôle limité qu' exerce le juge sur l' exercice par le Conseil du large pouvoir d' appréciation qu' il détient dans le domaine de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, où interviennent des choix de politique sociale et des appréciations complexes, n' a fait apparaître ni que les mesures que comporte la directive, à l' exception de celle contenue à l' article 5, deuxième alinéa, ne seraient pas aptes à réaliser l' objectif de sécurité et de santé des travailleurs visé, ni que ces mesures, caractérisées par une souplesse certaine, iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif.

5. Un acte d' une institution communautaire est entaché de détournement de pouvoir s' il a été adopté dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d' atteindre des fins autres que celles excipées ou d' éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l' espèce.

Tel n' est pas le cas de la directive du Conseil 93/104 concernant certains aspects de l' aménagement du temps de travail, dès lors qu' il n' est pas établi qu' elle a été adoptée dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d' atteindre un objectif différent de celui de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs prévu par l' article 118 A du traité qui en constitue la base juridique.

6. S' il est vrai que la motivation exigée par l' article 190 du traité doit faire apparaître d' une façon claire et non équivoque le raisonnement de l' autorité communautaire, auteur de l' acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d' exercer son contrôle, il n' est toutefois pas exigé qu' elle spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents.

Il est, à cet égard, inutile d' exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques que l' acte contesté a opérés lorsque ce dernier fait ressortir l' essentiel de l' objectif poursuivi par l' institution.

Parties

Dans l' affaire C-84/94,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, représenté par M. John E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d' agent, assisté de M. Michael J. Beloff, QC, et Mme Eleanor Sharpston, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie requérante,

contre

Conseil de l' Union européenne, représenté par M. Antonio Sacchettini, directeur au service juridique, Mmes Jill Aussant, conseiller juridique, et Sophia Kyriakopoulou, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume d' Espagne, représenté par MM. Alberto Navarro González, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et Miguel Bravo-Ferrer Delgado, abogado del Estado, du service juridique de l' État, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade d' Espagne, 4-6, boulevard Emmanuel Servais,

par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Nicholas Khan, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

et par

Royaume de Belgique, représenté par M. Jan Devadder, directeur d' administration au service juridique du ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de Belgique, 4, rue des Girondins,

parties intervenantes,

ayant pour objet l' annulation de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l' aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18) et, à titre subsidiaire, des dispositions de l' article 4, de l' article 5, premier et deuxième alinéas, de l' article 6, paragraphe 2, et de l' article 7 de cette directive,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), J. L. Murray et L. Sevón, présidents de chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 16 janvier 1996,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 12 mars 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 8 mars 1994, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord a, en vertu de l' article 173 du traité CE, demandé l' annulation de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l' aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18, ci-après la "directive") et, à titre subsidiaire, des dispositions de l' article 4, de l' article 5, premier et deuxième alinéas, de l' article 6, paragraphe 2, et de l' article 7 de la directive.

2 La directive a été adoptée sur le fondement de l' article 118 A du traité CE, aux termes duquel:

"1. Les États membres s' attachent à promouvoir l' amélioration, notamment du milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs et se fixent pour objectif l' harmonisation, dans le progrès, des conditions existant dans ce domaine.

2. Pour contribuer à la réalisation de l' objectif prévu au paragraphe 1, le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l' article 189 C et après consultation du Comité économique et social, arrête par voie de directive les prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres.

Ces directives évitent d' imposer des contraintes administratives, financières...

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