Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme Ltd y Merck Sharp & Dohme International Services BV contra Primecrown Ltd, Ketan Himatlal Mehta, Bharat Himatlal Mehta y Necessity Supplies Ltd y Beecham Group plc contra Europharm of Worthing Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:468
Docket NumberC-267/95,C-268/95
Celex Number61995CJ0267
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 December 1996
EUR-Lex - 61995J0267 - FR 61995J0267

Arrêt de la Cour du 5 décembre 1996. - Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme Ltd et Merck Sharp & Dohme International Services BV contre Primecrown Ltd, Ketan Himatlal Mehta, Bharat Himatlal Mehta et Necessity Supplies Ltd et Beecham Group plc contre Europharm of Worthing Ltd. - Demandes de décision préjudicielle: High Court of Justice, Chancery Division, Patents Court - Royaume-Uni. - Acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal - Interprétation des articles 47 et 209 - Fin de la période transitoire - Articles 30 et 36 du traité CE - Importations parallèles de produits pharmaceutiques non brevetables. - Affaires jointes C-267/95 et C-268/95.

Recueil de jurisprudence 1996 page I-06285


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Adhésion de nouveaux États membres aux Communautés ° Espagne ° Portugal ° Libre circulation des marchandises ° Propriété industrielle et commerciale ° Droit de brevet ° Produits pharmaceutiques ° Droit durant une période transitoire du titulaire d' un brevet pour un produit pharmaceutique d' empêcher l' importation et la commercialisation des produits mis dans le commerce en Espagne ou au Portugal par lui-même ou avec son consentement ° Dates d' expiration des périodes transitoires respectives

(Acte d' adhésion de 1985, art. 47 et 209)

2. Libre circulation des marchandises ° Propriété industrielle et commerciale ° Droit de brevet ° Protection ° Limites ° Principes posés par l' arrêt du 14 juillet 1981, 187/80 ° Produit pharmaceutique couvert par un brevet dans un État membre commercialisé par le titulaire du brevet pour la première fois dans un autre État membre après l' adhésion de ce dernier aux Communautés mais avant l' ouverture de la possibilité de l' y faire breveter ° Législation de l' État membre ayant délivré le brevet accordant au titulaire de celui-ci le droit de s' opposer à l' importation par un tiers de ce produit dans cet État ° Inadmissibilité ° Justification tirée de l' obligation juridique pour le titulaire du brevet de commercialiser le produit dans l' État membre d' exportation ° Admissibilité ° Justification tirée d' une obligation morale d' approvisionner le marché dudit État ou du contrôle des prix imposé par ce dernier ° Inadmissibilité

(Traité CE, art. 30 et 36)

Sommaire

1. Les périodes transitoires prévues aux articles 47 et 209 de l' acte relatif aux conditions d' adhésion du royaume d' Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités, d' après lesquels le titulaire d' un brevet pour un produit pharmaceutique peut, jusqu' à la fin de la troisième année après l' introduction dans ces nouveaux États membres de la brevetabilité de ce type de produits, invoquer le droit que lui confère ce brevet en vue d' empêcher l' importation et la commercialisation de produits pharmaceutiques mis dans le commerce soit en Espagne soit au Portugal par lui-même ou avec son consentement, ont expiré, respectivement, pour le royaume d' Espagne, le 6 octobre 1995, et, pour la République portugaise, le 31 décembre 1994.

En effet, les articles précités, parce qu' ils introduisent une dérogation au principe de la libre circulation des marchandises, doivent faire l' objet d' une interprétation stricte, laquelle conduit, en l' espèce, à faire expirer la période transitoire le plus tôt possible, c' est-à-dire trois ans exactement après l' introduction de la brevetabilité, et non pas trois ans après la fin de l' année civile au cours de laquelle elle est intervenue. Or, la brevetabilité a été introduite le 7 octobre 1992 en Espagne et le 1er janvier 1992 au Portugal.

2. Les articles 30 et 36 du traité font obstacle à l' application d' une législation nationale qui accorde au titulaire d' un brevet relatif à un produit pharmaceutique le droit de s' opposer à l' importation par un tiers de ce produit en provenance d' un autre État membre lorsque le titulaire a commercialisé le produit pour la première fois dans cet État après l' adhésion de ce dernier à la Communauté européenne, mais à une date à laquelle le produit ne pouvait pas être protégé par un brevet dans cet État, à moins que le titulaire du brevet ne puisse apporter la preuve qu' il est soumis à une obligation juridique réelle et actuelle de commercialiser le produit dans ledit État membre.

En effet, d' après l' arrêt du 14 juillet 1981, Merck, 187/80, dont ni le raisonnement ni les principes qu' il affirme en matière d' importation parallèle de produits couverts par un brevet ne sont remis en cause par les évolutions législatives ultérieures, qui ont vu la généralisation de la brevetabilité des médicaments au niveau des droits nationaux et l' octroi d' une protection renforcée aux titulaires de brevets de produits pharmaceutiques au niveau du droit communautaire, la substance du droit de brevet réside essentiellement dans l' octroi à l' inventeur d' un droit exclusif de première mise en circulation du produit. Ce droit, en réservant à l' inventeur le monopole d' exploitation de son produit, lui permet d' obtenir la récompense de son effort créateur, sans cependant lui garantir en toutes circonstances l' obtention de celle-ci. Il appartient au titulaire du brevet de décider, en toute connaissance de cause, des conditions dans lesquelles il commercialise son produit et de choisir de l' écouler ou non dans un État membre où la protection par brevet n' existe pas légalement pour le produit en cause, mais, une fois son choix opéré, il doit en accepter les conséquences en ce qui concerne la libre circulation du produit à l' intérieur du marché commun, principe fondamental qui fait partie des données juridiques et économiques dont le détenteur du brevet doit tenir compte pour déterminer les modalités d' application de son droit d' exclusivité.

Ce n' est que si le titulaire d' un brevet est juridiquement contraint, en vertu soit du droit national, soit du droit communautaire, de commercialiser ses produits dans un État membre, qu' il ne saurait être réputé avoir consenti à la commercialisation au sens de la jurisprudence Merck et est, dès lors, en droit de s' opposer à l' importation et à la commercialisation de ces produits dans l' État où le produit est protégé.

En revanche, une telle dérogation au principe de la libre circulation des marchandises ne saurait être justifiée par le fait que le titulaire du brevet s' estimerait tenu par une obligation morale de satisfaire la demande qui se manifeste pour son produit dans un État membre, même si celui-ci n' admet pas la brevetabilité des médicaments, car pareille obligation peut se révéler difficile à appréhender et à distinguer des considérations commerciales. Elle ne saurait l' être davantage par le fait que ledit titulaire n' a pas pu décider librement du prix de commercialisation de son produit en raison de l' existence d' un contrôle des prix imposé par les autorités publiques, car les distorsions de concurrence que peuvent provoquer de tels contrôles dans les échanges entre États membres doivent trouver leur solution à travers des mesures arrêtées par les institutions communautaires et non pas à travers des mesures nationales unilatérales incompatibles avec les règles relatives à la libre circulation des marchandises.

Parties

Dans les affaires jointes C-267/95 et C-268/95,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par la High Court of Justice, Chancery Division, Patents Court (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Merck & Co. Inc.,

Merck Sharp & Dohme Ltd,

Merck Sharp & Dohme International Services BV

et

Primecrown Ltd,

Ketan Himatlal Mehta,

Bharat Himatlal Mehta,

Necessity Supplies Ltd,

et entre

Beecham Group plc

et

Europharm of Worthing Ltd,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 47 et 209 de l' acte relatif aux conditions d' adhésion du royaume d' Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23), ainsi que des articles 30 et 36 du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini, J. L. Murray et L. Sevón, présidents de chambre, C. N. Kakouris, C. Gulmann (rapporteur), D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

° pour Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme Ltd et Merck Sharp & Dohme International Services BV, par M. Romano Subiotto, solicitor, et Mes Dirk Vandermeersch, avocat au barreau de Bruxelles, et Mario Siragusa, avocat au barreau de Rome,

° pour Beecham Group plc, par MM. David Kitchin, QC, et Justin Turner, barrister, mandatés par MM. Mark Hodgson, Tony Woodgate, Ciaran Walker et Lyndall Squire, solicitors,

° pour Primecrown Ltd, Ketan Himatlal Mehta, Bharat Himatlal Mehta et Necessity Supplies Ltd, par MM. Martin Howe et Nicholas Shea, barristers, mandatés par R. R. Sanghvi & Co., solicitors,

° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mlle Lindsey Nicoll, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agent, assistée de MM. Geoffrey Hobbs, QC, et Michael Silverleaf, barrister,

° pour le gouvernement belge, par M. Jan Devadder, directeur d' administration au service juridique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent,

° pour le gouvernement hellénique, par M. Vasileios Kontolaimos, conseiller juridique adjoint auprès du Conseil juridique de l' État, et Mmes Kyriaki Grigoriou, mandataire judiciaire auprès du même Conseil, et Lydia Pnevmatikoy, collaboratrice scientifique spécialisée au service spécial du contentieux communautaire du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement espagnol, par M. Alberto José Navarro González, directeur général de la...

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