Herst s.r.o. contra Odvolací finanční ředitelství.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:295
Date23 April 2020
Docket NumberC-401/18
Celex Number62018CJ0401
CourtCourt of Justice (European Union)
2020-04-202004C123201804010-00-AUT-DOC-FR-ARRET-C-0401-18-000000000-07_00
Arrêt du 23. 4. 2020 – Affaire C‑401/18
Herst

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

23 avril 2020 ( * )

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous b) – Acquisition intracommunautaire de biens – Article 20 – Obtention du pouvoir de disposer d’un bien comme un propriétaire – Opérations d’achat et de revente en chaîne de biens avec un transport intracommunautaire unique – Possibilité de prendre des décisions de nature à affecter la situation juridique du bien – Imputation du transport – Transport sous régime de suspension des droits d’accise – Effet dans le temps des arrêts d’interprétation »

Dans l’affaire C‑401/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský soud v Praze (cour régionale de Prague, République tchèque), par décision du 6 juin 2018, parvenue à la Cour le 18 juin 2018, dans la procédure

Herst s.r.o.

contre

Odvolací finanční ředitelství,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. S. Rodin, D. Šváby, Mme K. Jürimäe (rapporteure) et M. N. Piçarra, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Herst s.r.o., par M. J. Balada, advokát,

pour l’Odvolací finanční ředitelství, par M. T. Rozehnal, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, J. Vláčil et O. Serdula, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Salyková et L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 3 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte, principalement, sur l’interprétation de l’article 20 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Herst s.r.o. à l’Odvolací finanční ředitelství (direction des finances compétente en matière de recours, République tchèque, ci-après la « direction des finances ») au sujet de la déduction, par Herst, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) relative à des acquisitions de carburants transportés par cette société en suspension des droits d’accise depuis certains États membres vers la République tchèque.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 2 de la directive TVA prévoit, à son paragraphe 1, sous a) et b) :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

a) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

b) les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre :

i) par un assujetti agissant en tant que tel, ou par une personne morale non assujettie, lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel qui ne bénéficie pas de la franchise pour les petites entreprises prévue aux articles 282 à 292 et qui ne relève pas des dispositions prévues aux articles 33 et 36 ;

[...] »

4

Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive :

« Est considéré comme “livraison de biens”, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. »

5

L’article 20, premier alinéa, de ladite directive est libellé comme suit :

« Est considérée comme “acquisition intracommunautaire de biens” l’obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d’un bien meuble corporel expédié ou transporté à destination de l’acquéreur, par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, vers un État membre autre que celui de départ de l’expédition ou du transport du bien. »

6

L’article 138 de la même directive dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres exonèrent les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de leur territoire respectif mais dans la Communauté par le vendeur, par l’acquéreur ou pour leur compte, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens. »

Le droit tchèque

7

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), du zákon č. 235/2004 Sb., o dani z přidané hodnoty (loi no 235/2004 relative à la taxe sur la valeur ajoutée), dans sa version en vigueur au moment des faits afférents au litige au principal :

« Est soumise à la taxe la livraison de biens à titre onéreux par un assujetti dans le cadre de l’exercice d’une activité économique dont le lieu d’exécution est situé sur le territoire national. »

8

L’article 13, paragraphe 1, de cette loi prévoit :

« Aux fins de la présente loi, on entend par livraison des biens le transfert du pouvoir de disposer des biens comme un propriétaire. »

9

L’article 72 de ladite loi dispose, à son paragraphe 1, sous a) :

« Le redevable a droit à la déduction de la TVA en amont pour les prestations acquises qu’il utilise dans le cadre de ses activités économiques aux fins d’effectuer des prestations imposables de livraison de biens ou de fourniture de services dont le lieu de prestation est le territoire national. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Herst est une société établie en République tchèque qui opère dans le secteur du transport routier. Elle est également propriétaire d’un certain nombre de stations-service de distribution de carburants.

11

À la suite d’un contrôle, l’administration fiscale tchèque a constaté que Herst, durant les périodes comprises, d’une part, entre les mois de novembre 2010 et de mai 2013 ainsi que, d’autre part, entre les mois de juillet et d’août 2013, avait assuré, par ses propres moyens et à ses propres frais, le transport de carburants depuis plusieurs États membres, à savoir l’Autriche, l’Allemagne, la Slovaquie et la Slovénie, à destination de la République tchèque.

12

Dans le cadre de ces transports, Herst n’aurait pas agi uniquement comme transporteur, mais également en tant qu’acquéreur final de ces carburants, à l’issue d’une chaîne d’opérations d’achat et de revente successives.

13

Il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que lesdits carburants étaient initialement achetés par un opérateur économique établi et assujetti à la TVA en République tchèque, et que Herst assurait leur transport depuis les États membres cités au point 11 du présent arrêt jusqu’à ce premier État membre. Herst aurait ainsi procédé à autant de transports uniques de carburants, effectués sous le régime de la suspension des droits d’accise, au cours desquels ces produits étaient successivement revendus à d’autres opérateurs économiques, établis en République tchèque. Herst n’était pas rémunérée pour le transport de ces carburants, mais profitait d’une marge commerciale, constituée de la différence entre le prix d’achat et le prix de vente desdits carburants.

14

En outre, sur la base d’un contrat de vente entre Herst et cet opérateur économique, il était établi dès le début du transport que Herst ne serait juridiquement propriétaire des carburants qu’une fois ceux-ci mis en libre pratique en République tchèque.

15

Herst a fait valoir auprès de l’administration fiscale tchèque que les acquisitions des carburants qu’elle a réalisées en République tchèque constituaient des acquisitions internes. En revanche, cette administration fiscale a considéré qu’il s’agissait d’acquisitions intracommunautaires.

16

Selon ladite administration, dans le cas d’opérations en chaîne liées à un seul transport intracommunautaire, celui-ci ne peut être imputé qu’à une seule de ces opérations.

17

Ainsi, cette même administration a considéré que le lieu des acquisitions effectuées par Herst était situé non pas en République tchèque, mais dans les États membres où se trouvaient les carburants au moment de leur chargement par cette société en vue de leur transport, à ses propres frais et par ses propres moyens, à destination de la République tchèque, aux fins de sa propre activité économique.

18

Par plusieurs avis de redressement, l’administration fiscale tchèque a donc refusé à Herst le droit de déduire la TVA sur lesdites acquisitions et lui a infligé une amende.

19

Herst a introduit des recours contre ces avis de redressement devant la direction des finances, en soutenant que le lieu des acquisitions des carburants était la République tchèque, dans la mesure où les transports avaient été effectués sous le régime de la suspension des droits d’accise et que ces biens n’avaient été mis en libre pratique qu’à la suite de ces transports.

20

La direction des finances a, par une première décision, annulé les avis de redressement portant sur la période comprise entre les mois de juillet et d’août 2013, au motif que Herst avait présenté des factures qui démontraient que les autres opérateurs économiques auxquels les carburants avaient été successivement revendus avaient agi en qualité d’organisateurs de transport. Par une deuxième décision, la direction des finances a confirmé les avis de redressement relatifs à la période comprise entre les mois de février 2011 et de février 2013. Par une troisième décision, cette autorité a modifié les avis de redressement relatifs à la période comprise entre les mois de novembre 2010 et de janvier 2011 ainsi qu’à la période comprise entre les...

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