Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung (ISE) mbH contra Stadt Köln.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:395
Date28 May 2020
Docket NumberC-796/18
Celex Number62018CJ0796
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0796

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

28 mai 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Directive 2014/24/UE – Article 2, paragraphe 1, point 5 – Article 12, paragraphe 4 – Article 18, paragraphe 1 – Notion de “contrat à titre onéreux” – Contrat entre deux pouvoirs adjudicateurs poursuivant un objectif commun d’intérêt public – Mise à disposition d’un logiciel destiné à coordonner les interventions des pompiers – Absence de contrepartie pécuniaire – Lien avec un accord de coopération prévoyant la mise à disposition mutuelle et à titre gratuit de modules supplémentaires de ce logiciel – Principe d’égalité de traitement – Interdiction de placer une entreprise privée dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents »

Dans l’affaire C‑796/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne), par décision du 28 novembre 2018, parvenue à la Cour le 19 décembre 2018, dans la procédure

Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung (ISE) mbH

contre

Stadt Köln,

en présence de :

Land Berlin,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la quatrième chambre, MM. S. Rodin, D. Šváby (rapporteur) et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 novembre 2019,

considérant les observations présentées :

pour Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung (ISE) mbH, par Me Bernhard Stolz, Rechtsanwalt,

pour la Stadt Köln, par Mes K. van de Sande et U. Jasper, Rechtsanwältinnen,

pour le gouvernement autrichien, par Mme J. Schmoll ainsi que par MM. G. Hesse et M. Fruhmann, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme L. Haasbeek ainsi que par MM. M. Noll-Ehlers et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, point 5, et de l’article 12, paragraphe 4, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung (ISE) mbH à la Stadt Köln (ville de Cologne, Allemagne) au sujet de deux contrats conclus entre la ville de Cologne et le Land Berlin (Land de Berlin, Allemagne) et prévoyant, respectivement, la mise à disposition gratuite, au bénéfice de cette ville, d’un logiciel de gestion des interventions des pompiers et une coopération en vue de développer ledit logiciel.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 31 et 33 de la directive 2014/24 énoncent :

« (31)

Il existe une importante insécurité juridique quant à la question de savoir dans quelle mesure les règles sur la passation des marchés publics devraient s’appliquer aux marchés conclus entre entités appartenant au secteur public. La jurisprudence applicable de la [Cour] fait l’objet d’interprétations divergentes entre États membres et même entre pouvoirs adjudicateurs. Il est dès lors nécessaire de préciser dans quels cas les marchés conclus au sein du secteur public ne sont pas soumis à l’application des règles relatives à la passation des marchés publics.

Ces précisions devraient s’appuyer sur les principes énoncés dans la jurisprudence pertinente de la [Cour]. La seule circonstance que les deux parties à un accord sont elles-mêmes des pouvoirs publics n’exclut pas en soi l’application des règles relatives à la passation des marchés publics. L’application de ces règles ne devrait toutefois pas interférer avec la liberté des pouvoirs publics d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées en utilisant leurs propres ressources, ce qui inclut la possibilité de coopérer avec d’autres pouvoirs publics.

Il convient de veiller à ce qu’aucune coopération public-public ainsi exclue n’entraîne de distorsion de concurrence à l’égard des opérateurs économiques privés dans la mesure où cela place un prestataire de services privé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.

[...]

(33)

Les pouvoirs adjudicateurs devraient pouvoir choisir de fournir conjointement leurs services publics par la voie de la coopération, sans être contraints de recourir à une forme juridique particulière. Cette coopération pourrait porter sur tous les types d’activités liées à l’exécution de services et à l’exercice de responsabilités confiées aux pouvoirs adjudicateurs participants ou assumées par eux, telles que des missions obligatoires ou volontaires relevant d’autorités locales ou régionales ou des services confiés à des organismes particuliers par le droit public. Les services fournis par les différents pouvoirs adjudicateurs participants ne doivent pas nécessairement être identiques ; ils pourraient également être complémentaires.

Les marchés concernant la fourniture conjointe de services publics ne devraient pas être soumis à l’application des règles établies dans la présente directive, à condition qu’ils soient conclus exclusivement entre pouvoirs adjudicateurs, que la mise en œuvre de cette coopération n’obéisse qu’à des considérations d’intérêt public et qu’aucun prestataire privé de services ne soit placé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.

Pour que ces conditions soient remplies, il convient que la coopération soit fondée sur le concept de coopération. Cette coopération n’exige pas que tous les pouvoirs participants se chargent de l’exécution des principales obligations contractuelles, tant que l’engagement a été pris de coopérer à l’exécution du service public en question. En outre, la mise en œuvre de la coopération, y compris tout transfert financier entre les pouvoirs adjudicateurs participants, ne devrait obéir qu’à des considérations d’intérêt public. »

4

Intitulé « Objet et champ d’application », l’article 1er de cette directive dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive établit les règles applicables aux procédures de passation de marchés par des pouvoirs adjudicateurs en ce qui concerne les marchés publics, ainsi que les concours, dont la valeur estimée atteint ou dépasse les seuils établis à l’article 4. »

5

L’article 2, paragraphe 1, point 5, de ladite directive définit les « marchés publics » comme « des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services ».

6

Intitulé « Marchés publics passés entre entités appartenant au secteur public », l’article 12 de la directive 2014/24 prévoit, à son paragraphe 4 :

« Un marché conclu exclusivement entre deux pouvoirs adjudicateurs ou plus ne relève pas du champ d’application de la présente directive, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

a)

le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants dans le but de garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ;

b)

la mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt public ; et

c)

les pouvoirs adjudicateurs participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par la coopération ».

7

L’article 18 de cette directive, qui énonce les « [p]rincipes de la passation de marchés », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.

Un marché ne peut être conçu dans l’intention de le soustraire au champ d’application de la présente directive ou de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques. »

Le droit allemand

8

L’article 103, paragraphe 1, du Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (loi contre les restrictions de concurrence), du 26 juin 2013 (BGBl. 2013 I, p. 1750), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi contre les restrictions de concurrence »), dispose que les marchés publics sont des contrats à titre onéreux conclus entre pouvoirs adjudicateurs et entreprises ayant pour objet la fourniture de produits, l’exécution de travaux ou la prestation de services.

9

Conformément à l’article 106, paragraphe 1, première phrase, de cette loi, les instances de contrôle des procédures de passation de marchés peuvent être saisies en cas d’attribution de marchés publics dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée est égale ou supérieure aux seuils fixés.

10

L’article 108, paragraphe 6, de ladite loi prévoit que le recours aux instances de contrôle des procédures de passation de marchés n’est pas ouvert pour les marchés conclus entre deux pouvoirs adjudicateurs ou plus, lorsque :

« 1. le marché établit ou met en œuvre une coopération entre les pouvoirs adjudicateurs participants afin de garantir que les services...

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