Milkiyas Addis contra Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:579
Celex Number62017CJ0517
Date16 July 2020
Docket NumberC-517/17
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 juillet 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique d’asile – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Articles 14 et 34 – Obligation de donner au demandeur d’une protection internationale la possibilité d’avoir un entretien personnel avant l’adoption d’une décision d’irrecevabilité – Violation de l’obligation lors de la procédure en première instance – Conséquences »

Dans l’affaire C‑517/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), par décision du 27 juin 2017, parvenue à la Cour le 28 août 2017, dans la procédure

Milkiyas Addis

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász, M. Ilešič (rapporteur) et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 janvier 2020,

considérant les observations présentées :

– pour M. Addis, par Me K. Müller, Rechtsanwältin,

– pour la Bundesrepublik Deutschland, par MM. M. Henning et A. Horlamus, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, initialement par MM. J. Möller, T. Henze et R. Kanitz, puis par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs, C. Van Lul et C. Pochet ainsi que par M. F. Bernard, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme A. Brabcová, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement français, par M. D. Colas ainsi que par Mmes E. de Moustier et E. Armoët, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Tornyai ainsi que par Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et C. S. Schillemans, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. C. Ladenburger et Mme M. Condou-Durande, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13), et de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60, ci-après la « directive procédures »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Milkiyas Addis à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne) au sujet de la légalité d’une décision du Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, Allemagne) (ci-après l’« Office ») refusant à l’intéressé le bénéfice du droit d’asile.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2005/85

3 Selon son article 1er, la directive 2005/85 avait pour objet d’établir des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié.

4 L’article 12 de cette directive, intitulé « Entretien personnel », prévoyait :

« 1. Avant que l’autorité responsable de la détermination ne se prononce, la possibilité est donnée au demandeur d’asile d’avoir un entretien personnel sur sa demande avec une personne compétente en vertu du droit national pour mener cet entretien.

[...]

2. L’entretien personnel peut ne pas avoir lieu lorsque :

a) l’autorité responsable de la détermination est en mesure de prendre une décision positive sur la base des éléments de preuve disponibles, ou

b) l’autorité compétente a déjà eu une réunion avec le demandeur afin de l’aider à remplir sa demande et à fournir les informations essentielles concernant ladite demande, [...] ou

c) l’autorité responsable de la détermination, sur la base d’un examen exhaustif des informations fournies par le demandeur, considère la demande comme infondée dans les cas où les circonstances prévues à l’article 23, paragraphe 4, points a), c), g), h) et j), s’appliquent.

3. L’entretien personnel peut également ne pas avoir lieu lorsqu’il n’est pas raisonnablement possible d’y procéder, en particulier lorsque l’autorité compétente estime que le demandeur n’est pas en état ou en mesure d’être interrogé en raison de circonstances durables indépendantes de sa volonté. En cas de doute, les États membres peuvent exiger un certificat attestant de son état de santé physique ou psychique.

Lorsque l’État membre n’offre pas au demandeur la possibilité d’un entretien personnel en application du présent paragraphe, ou, le cas échéant, à la personne à charge, des efforts raisonnables sont déployés pour permettre au demandeur ou à la personne à charge de fournir davantage d’informations.

4. L’absence d’entretien personnel conformément au présent article n’empêche pas l’autorité responsable de la détermination de se prononcer sur une demande d’asile.

5. L’absence d’entretien personnel en application du paragraphe 2, point b) ou c), ou du paragraphe 3, n’influe pas dans un sens défavorable sur la décision de l’autorité responsable de la détermination.

6. Indépendamment de l’article 20, paragraphe 1, lorsqu’ils se prononcent sur la demande d’asile, les États membres peuvent tenir compte du fait que le demandeur ne s’est pas présenté à l’entretien personnel, sauf s’il avait de bonnes raisons de ne pas se présenter. »

5 L’article 25 de ladite directive, intitulé « Demandes irrecevables », disposait, à son paragraphe 2 :

« Les États membres peuvent considérer une demande comme irrecevable en vertu du présent article lorsque :

a) le statut de réfugié a été accordé par un autre État membre ;

[...] »

La directive procédures

6 La directive procédures a procédé à la refonte de la directive 2005/85.

7 Les considérants 16, 18, 22, 29 et 32 de la directive procédures sont libellés comme suit :

« (16) Il est essentiel que, pour toutes les demandes de protection internationale, les décisions soient prises sur la base des faits et, en première instance, par des autorités dont le personnel possède les connaissances voulues ou a reçu la formation nécessaire en ce qui concerne les questions relatives à la protection internationale.

[...]

(18) Il est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif.

[...]

(22) Il est également dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs de garantir une détermination correcte des besoins de protection internationale dès la première instance. [...]

[...]

(29) Des garanties procédurales spéciales peuvent s’avérer nécessaires pour certains demandeurs du fait notamment de leur âge, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, d’un handicap, d’une maladie grave, de troubles mentaux, ou de conséquences de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle. Les États membres devraient s’efforcer d’identifier les demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales avant qu’une décision ne soit prise en première instance. [...]

[...]

(32) Afin d’assurer une égalité réelle entre les demandeurs femmes et hommes, il convient que les procédures d’examen tiennent compte des spécificités de genre. Il importe notamment que les entretiens personnels soient organisés de telle sorte que les demandeurs femmes et hommes qui ont subi des persécutions fondées sur le genre puissent faire part de leurs expériences. [...] »

8 Aux termes de l’article 1er de la directive procédures, celle-ci a pour objet d’établir des procédures communes d’octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).

9 L’article 2 de la directive procédures prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b) “demande de protection internationale” ou “demande”, la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la directive [2011/95] et pouvant faire l’objet d’une demande séparée ;

[...]

f) “autorité responsable de la détermination”, tout organe quasi juridictionnel ou administratif d’un État membre, responsable de l’examen des demandes de protection internationale et compétent pour se prononcer en première instance sur ces demandes ;

[...] »

10 L’article 4 de la directive procédures, intitulé « Autorités responsables », dispose :

« 1. Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. Les États membres veillent à ce que cette autorité dispose des moyens appropriés, y compris un personnel compétent en nombre suffisant, pour accomplir ses tâches conformément à la présente...

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