T-Mobile Netherlands BV, KPN Mobile NV, Orange Nederland NV and Vodafone Libertel NV v Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date04 June 2009

Affaire C-8/08

T-Mobile Netherlands BV e.a.

contre

Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le College van Beroep voor het bedrijfsleven)

«Demande de décision préjudicielle — Article 81, paragraphe 1, CE — Notion de 'pratique concertée' — Lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le marché — Appréciation selon les règles du droit national — Caractère suffisant d'une unique réunion ou nécessité d'une concertation durable et régulière»

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Notion — Objet ou effet anticoncurrentiel — Critères d'appréciation — Application des mêmes critères à un accord, une décision ou une pratique concertée

(Art. 81, § 1, CE)

2. Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation — Objet anticoncurrentiel — Constatation suffisante

(Art. 81, § 1, CE)

3. Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Notion — Objet anticoncurrentiel — Critères d'appréciation

(Art. 81, § 1, CE)

4. Concurrence — Règles communautaires — Caractère d'ordre public — Application d'office par les juridictions nationales

(Art. 81 CE)

5. Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Notion — Nécessité d'un lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le marché — Présomption d'existence de ce lien de causalité — Obligation des juridictions nationales d'appliquer cette présomption

(Art. 81, § 1, CE)

6. Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Notion — Nécessité d'un lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le marché — Présomption d'existence de ce lien de causalité

(Art. 81, § 1, CE)

1. Les notions d'accord, de décisions d'associations d'entreprises et de pratique concertée appréhendent, du point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent. Dès lors, les critères permettant d'apprécier si un comportement a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sont applicables qu'il s'agisse d'un accord, d'une décision ou d'une pratique concertée.

(cf. points 23-24)

2. Pour apprécier si une pratique concertée est prohibée par l'article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est superflue lorsqu'il apparaît que celle-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. La distinction entre infractions par objet et infractions par effet tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner les effets d'une pratique concertée dès lors que l'objet anticoncurrentiel de cette dernière est établi.

(cf. points 29-30)

3. Une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s'insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun. Il n'est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu'il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation.

L'échange d'informations entre concurrents poursuit un objet anticoncurrentiel lorsqu'il est susceptible d'éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées, notamment relatives à la date, à l'ampleur et aux modalités de l'adaptation que les entreprises concernées doivent mettre en oeuvre, y compris lorsque l'adaptation concerne la réduction de la rémunération versée à des intermédiaires et non les prix à la consommation.

(cf. points 27-28, 30-31, 35-36, 39, 41, 43, disp. 1)

4. L'article 81 CE produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendre des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Il constitue une disposition d'ordre public, indispensable à l'accomplissement des missions confiées à la Communauté européenne, qui doit être appliquée d'office par les juridictions nationales.

Lors de l'application de l'article 81 CE, l'interprétation qui en est donnée par la Cour de justice est contraignante pour l'ensemble des juridictions nationales des États membres.

(cf. points 49-50)

5. Dans le cadre de l'examen du lien de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché des entreprises participant à celle-ci, lien exigé pour établir l'existence d'une pratique concertée au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, le juge national est tenu, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe à ces dernières de rapporter, d'appliquer la présomption de causalité selon laquelle lesdites entreprises, lorsqu'elles demeurent actives sur ce marché, tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents. Cette présomption fait partie intégrante du droit communautaire applicable.

(cf. points 51-53, disp. 2)

6. Aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, pour autant que l'entreprise participant à la concertation demeure active sur le marché considéré, la présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement de cette entreprise sur ce marché est applicable même si la concertation n'est fondée que sur une seule réunion des entreprises concernées.

En effet, ce qui importe n'est pas tant le nombre de réunions entre les entreprises concernées que le fait de savoir si le ou les contacts qui ont eu lieu ont offert à ces dernières la possibilité de tenir compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché considéré et de substituer sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Dès lors qu'il peut être établi que ces entreprises ont abouti à une concertation et qu'elles sont restées actives sur ce marché, il est justifié d'exiger que celles-ci rapportent la preuve que cette concertation n'a pas eu d'influence sur leur comportement sur ledit marché.

(cf. points 61-62, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

4 juin 2009 (*)

«Demande de décision préjudicielle – Article 81, paragraphe 1, CE – Notion de ‘pratique concertée’ – Lien de causalité entre la concertation et le comportement des entreprises sur le marché – Appréciation selon les règles du droit national – Caractère suffisant d’une unique réunion ou nécessité d’une concertation durable et régulière»

Dans l’affaire C‑8/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas), par décision du 31 décembre 2007, parvenue à la Cour le 9 janvier 2008, dans la procédure

T-Mobile Netherlands BV,

KPN Mobile NV,

Orange Nederland NV,

Vodafone Libertel NV

contre

Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka (rapporteur) et U. Lõhmus, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 janvier 2009,

considérant les observations présentées:

– pour T-Mobile Netherlands BV, par Mes I. VerLoren van Themaat et V. H. Affourtit, advocaten,

– pour KPN Mobile NV, par Mes B. J. H. Braeken et P. Glazener, advocaten,

– pour Vodafone Libertel BV, par Me G. van der Klis, advocaat,

– pour le Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit, par Mme A. Prompers, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels ainsi que par MM. Y. de Vries et M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. A. Bouquet et S. Noë, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 février 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 81, paragraphe 1, CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant T‑Mobile Netherlands BV (ci-après «T-Mobile»), KPN Mobile NV (ci-après «KPN»), Orange Nederland NV (ci-après «Orange») et Vodafone Libertel NV (ci-après «Vodafone») au Raad van bestuur van de Nederlandse Mededingingsautoriteit (Autorité chargée de la concurrence aux Pays-Bas, ci-après la «NMa») au sujet d’amendes que cette dernière a infligées à ces entreprises pour avoir enfreint les articles 81 CE et 6, paragraphe 1, de la loi sur la concurrence (Mededingingswet), dans sa version résultant de la loi modifiant la loi sur la concurrence (Wet houdende wijziging van de Mededingingswet), du 9 décembre 2004 (ci-après la «Mw»).

I – Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Le cinquième considérant du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1, p. 1), énonce:

«Afin d’assurer le respect effectif des règles communautaires de concurrence et, dans le même temps, le respect des droits fondamentaux de la défense, le présent règlement doit régir la charge de la preuve pour l’application des articles 81 et 82 du traité [CE]. […] Le présent règlement ne porte atteinte ni aux règles nationales sur le niveau de preuve requis ni à l’obligation qu’ont les autorités de concurrence et les juridictions des États membres d’établir les faits pertinents d’une affaire, pour autant que ces règles et obligations soient compatibles avec les principes généraux du...

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