Finanzamt Saarlouis v Heinz Malburg.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date13 March 2014
62013CJ0204

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

13 mars 2014 ( *1 )

«Fiscalité — Taxe sur la valeur ajoutée — Naissance et étendue du droit à déduction — Dissolution d’une société par un associé — Acquisition d’une partie de la clientèle de cette société — Apport en nature dans une autre société — Paiement de la taxe en amont — Déduction possible»

Dans l’affaire C‑204/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 20 février 2013, parvenue à la Cour le 18 avril 2013, dans la procédure

Finanzamt Saarlouis

contre

Heinz Malburg,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. A. Borg Barthet, président de chambre, MM. S. Rodin et F. Biltgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour M. Malburg, par Me K. Koch, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme C. Soulay et M. A. Cordewener, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphes 1 et 2, ainsi que 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt Saarlouis (administration fiscale de Sarrelouis, ci-après le «Finanzamt») à M. Malburg au sujet du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») payée en amont par un associé à l’occasion de la reprise d’une partie de la clientèle lors du partage réel d’une société civile de conseil fiscal.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive prévoit:

«Sont soumises à la [TVA]:

1.

les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4

L’article 4 de la sixième directive dispose:

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[...]»

5

L’article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive se lit comme suit:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

la [TVA] due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

Le droit allemand

6

Selon l’article 1er, paragraphe 1, point 1, première phrase, de la loi de 2003 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 2003, BGBl. 2003 I, p. 2645, ci-après l’«UStG»), sont soumises à la TVA les livraisons et les prestations diverses effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise.

7

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, première phrase, de l’UStG, est entrepreneur celui qui exerce d’une façon indépendante une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle. Conformément à l’article 2, paragraphe 1, deuxième phrase, de l’UStG, l’entreprise comprend l’ensemble de l’activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle de l’entrepreneur. Selon la troisième phrase de cette même disposition, on entend par «activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle» toute activité permanente exercée en vue d’en tirer des recettes, même si l’intention lucrative fait défaut ou qu’un groupement de personnes n’exerce ses activités qu’à l’égard de ses membres.

8

L’article 15, paragraphe 1, première phrase, point 1, de l’UStG prévoit que l’entrepreneur peut déduire la taxe légalement due pour des livraisons et des prestations exécutées par un autre entrepreneur pour les besoins de son entreprise. Toutefois, conformément à l’article 15, paragraphe 2, première phrase, point 1, de l’UStG, la déduction est exclue pour les livraisons et les prestations que l’entrepreneur utilise pour réaliser des opérations exonérées.

Le litige au principal et la question préjudicielle

9

Jusqu’au 31 décembre 1994, M. Malburg détenait 60 % des parts de la société civile de droit allemand Malburg & Partner (ci-après l’«ancienne société»), les deux autres associés détenant chacun 20 % des parts. Le 31 décembre 1994, l’ancienne société a été dissoute de telle sorte que chaque associé a repris une partie de la clientèle. À compter du 1er janvier 1995, les deux autres associés ont exercé chacun séparément, à titre libéral, la profession de conseiller fiscal.

10

Le 31 décembre 1994, M. Malburg a constitué une nouvelle société civile dont il détenait 95 % des parts (ci-après la «nouvelle société»). Selon les constatations de la juridiction de première instance, qui lient la juridiction de renvoi, M. Malburg a mis la clientèle, qu’il avait acquise à la suite de la dissolution de l’ancienne société, gratuitement à la disposition de la nouvelle société afin que celle-ci l’exploite à titre professionnel.

11

Par jugement du 24 septembre 2003, la juridiction de première instance a constaté que l’ancienne société avait été dissoute au 31 décembre 1994 par voie de partage réel. Le Finanzamt a alors adressé un avis de taxation relatif au chiffre d’affaires au titre de l’année 1994 à l’ancienne société en raison de la cession de la clientèle. L’avis de taxation au titre de l’année 1994 est devenu définitif et les taxes dues ont été payées.

12

L’ancienne société, représentée par M. Malburg, a émis à l’égard de ce dernier une facture de 1548968,53 euros en date du 16 août 2004 pour le «partage réel du 31 décembre 1994» et mentionnant de façon distincte la TVA.

13

Dans sa déclaration de TVA pour le mois d’août 2004, M. Malburg a déduit les 232345,28 euros de TVA qui lui avaient été facturés au titre de l’acquisition de la clientèle. Le Finanzamt a refusé cette déduction de TVA.

14

M. Malburg a introduit une réclamation contre cette décision du Finanzamt et a déposé une déclaration annuelle de TVA pour l’année 2004 dans laquelle il a déclaré, outre la TVA payée en amont au titre de l’acquisition de la clientèle en cause, des opérations résultant des activités de gestion de la nouvelle société pour un montant de 44990 euros. Le Finanzamt a rejeté cette réclamation au motif que M. Malburg n’avait pas utilisé la clientèle en question dans sa propre entreprise. Selon le Finanzamt, l’actif économique que constitue cette clientèle a été utilisé par la nouvelle société, c’est-à-dire une entreprise distincte de celle de M. Malburg. Ce dernier ne bénéficierait donc d’aucun droit à déduction de la TVA payée en amont.

15

M. Malburg a porté l’affaire devant le Finanzgericht des Saarlandes qui a fait droit à son recours.

16

À l’appui de son recours en «Revision», le Finanzamt fait valoir que la décision du Finanzgericht des Saarlandes est contraire au droit et que les principes établis par la Cour dans son arrêt du 1er mars 2012, Polski Trawertyn (C‑280/10), ne sont pas applicables à une situation telle que celle en cause au principal dès lors qu’elle concerne non pas la déduction de la TVA payée en amont par une société en nom collectif, mais la déduction de la TVA payée en amont par un associé fondateur.

17

Saisie de l’affaire, la XIe chambre du Bundesfinanzhof indique qu’elle penche plutôt en faveur de la thèse selon laquelle M. Malburg a droit à la déduction de la TVA payée en amont sur l’acquisition de la clientèle.

18

Ainsi, en premier lieu, conformément aux dispositions de la sixième directive, telles qu’interprétées par la Cour, un...

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