Brian Francis Collins v Secretary of State for Work and Pensions.

JurisdictionEuropean Union
Date23 March 2004
CourtCourt of Justice (European Union)
Arrêt de la Cour
Affaire C-138/02


Brian Francis Collins
contre
Secretary of State for Work and Pensions



(demande de décision préjudicielle, formée par le Social Security Commissioner)

«Libre circulation des personnes – Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) – Notion de 'travailleur' – Allocation de sécurité sociale versée aux demandeurs d'emploi – Condition de résidence – Citoyenneté de l'Union européenne»

Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 10 juillet 2003
Arrêt de la Cour (assemblée plénière) du 23 mars 2004

Sommaire de l'arrêt

1.
Libre circulation des personnes – Travailleur – Notion – Ressortissant d'un État membre à la recherche d'un emploi salarié sur le territoire d'un autre État membre après y avoir travaillé 17 ans auparavant – Exclusion de la notion de travailleur au sens du titre II de la première partie du règlement nº 1612/68

(Règlement du Conseil nº 1612/68)

2.
Libre circulation des personnes – Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres – Ressortissant d'un État membre à la recherche d'un emploi salarié sur le territoire d'un autre État membre après y avoir travaillé 17 ans auparavant – Droit de séjour sur le seul fondement de la directive 68/360 – Exclusion

(Directive du Conseil 68/360, art. 4 et 8)

3.
Libre circulation des personnes – Travailleurs – Égalité de traitement – Citoyenneté européenne – Allocation de recherche d'emploi – Condition de résidence – Admissibilité – Conditions

(Traité CE, art. 6, 8 et 48, § 2 (devenus, après modification, art. 12 CE, 17 CE et 39, § 2, CE))
1.
Un ressortissant d’un État membre qui entre sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel il a travaillé dix-sept ans auparavant, dans l’intention d’y chercher un emploi salarié, et qui sollicite une allocation de recherche d’emploi, n’est pas un travailleur au sens du titre II de la première partie du règlement nº 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement nº 2434/92.
En effet, dans ce titre du règlement nº 1612/68, le terme «travailleur» vise uniquement les personnes qui ont déjà accédé au marché du travail et qui peuvent dès lors prétendre, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.
Or, faute d’un rattachement suffisamment étroit avec le marché du travail dans l’État d’accueil, la situation de cette personne doit être comparée à celle de tout ressortissant d’un État membre qui cherche un premier emploi dans un autre État membre sans y avoir encore établi un rapport de travail, et qui ne bénéficie du principe d’égalité de traitement que pour l’accès à l’emploi.
S’agissant d’une réglementation nationale subordonnant l’octroi d’une telle allocation à la qualité de travailleur au sens du règlement nº 1612/68, il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier si la notion de «travailleur» ainsi visée doit être comprise dans le sens dudit titre II.

(cf. points 29-33, disp. 1)

2.
Un ressortissant d’un État membre qui entre sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel il a travaillé dix-sept ans auparavant, dans l’intention d’y chercher un emploi salarié, ne possède pas un droit de séjour dans l’État d’accueil sur le seul fondement de la directive 68/360, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté.
En effet, la reconnaissance du droit de séjour dans un État membre visé aux articles 4 et 8 de la directive 68/360 est réservée aux ressortissants d’un État membre qui occupent déjà un emploi dans le premier État membre, à l’exclusion des demandeurs d’emploi, qui ne peuvent se prévaloir que des seules dispositions de cette directive concernant leur déplacement à l’intérieur de la Communauté.

(cf. points 43-44, disp. 2)

3.
Le droit à l’égalité de traitement prévu à l’article 48, paragraphe 2, du traité (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE), lu en combinaison avec les articles 6 et 8 du traité (devenus, après modification, articles 12 CE et 17 CE), ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui subordonne le bénéfice d’une allocation de recherche d’emploi à une condition de résidence, pour autant que cette condition peut être justifiée sur le fondement de considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national.

(cf. point 73, disp. 3)




ARRÊT DE LA COUR (assemblée plénière)
23 mars 2004(1)


«Libre circulation des personnes – Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) – Notion de ‘travailleur’ – Allocation de sécurité sociale versée aux demandeurs d'emploi – Condition de résidence – Citoyenneté de l'Union européenne»

Dans l'affaire C-138/02, ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Social Security Commissioner (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre Brian Francis Collins

et

Secretary of State for Work and Pensions, une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992 (JO L 245, p. 1), et de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13),

LA COUR (assemblée plénière),,



composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, C. Gulmann, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur) et A. Rosas, présidents de chambre, MM. A. La Pergola, J.-P. Puissochet et R. Schintgen, Mme N. Colneric et M. S. von Bahr, juges, avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

pour M. Collins, par M. R. Drabble, QC, mandaté par M. P. Eden, solicitor,
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté par Mme E. Sharpston, QC,
pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d'agent,
pour la Commission des Communautés européennes, par Mme N. Yerrell et M. D. Martin, en qualité d'agents,

ayant entendu les observations orales de M. Collins, représenté par M. R. Drabble, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme R. Caudwell, en qualité d'agent, assistée de Mme E. Sharpston, et de la Commission, représentée par Mme N. Yerrell et M. D. Martin, à l'audience du 17 juin 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 2003,

rend le présent



Arrêt

1
Par ordonnance du 28 mars 2002, parvenue à la Cour le 12 avril suivant, le Social Security Commissioner a posé, en application de l’article 234 CE, trois questions préjudicielles relatives à l’interprétation du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992 (JO L 245, p. 1, ci-après le «règlement n° 1612/68»), et de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13).
2
Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant M. Collins au Secretary of State for Work and Pensions au sujet du refus de ce dernier de lui octroyer l’allocation de recherche d’emploi prévue par la législation du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3
L’article 6, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 12, premier alinéa, CE) dispose: «Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.»
4
L’article 8 du traité CE (devenu, après modification, article 17 CE) énonce: «1. Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. 2. Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.»
5
L’article 8 A, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 18, paragraphe 1, CE) prévoit que tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par ledit traité et par les dispositions prises pour son application.
6
Aux termes de l’article 48, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE), la libre circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.
7
Conformément à l’article 48, paragraphe 3, du traité, la libre circulation des travailleurs «comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons...

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