Groupe Gascogne SA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date26 November 2013
62012CJ0058

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

26 novembre 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché des sacs industriels en matière plastique — Imputabilité à la société mère de l’infraction commise par la filiale — Prise en compte du chiffre d’affaires global du groupe pour le calcul du plafond de l’amende — Durée excessive de la procédure devant le Tribunal — Principe de protection juridictionnelle effective»

Dans l’affaire C‑58/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 27 janvier 2012,

Groupe Gascogne SA, établie à Saint-Paul-les-Dax (France), représentée par Mes P. Hubert et E. Durand, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et N. von Lingen, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, M. Safjan, présidents de chambre, MM. J. Malenovský, E. Levits, A. Ó Caoimh, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, D. Šváby et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 février 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Groupe Gascogne SA (ci-après la «requérante») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 novembre 2011, Groupe Gascogne/Commission (T‑72/06, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle et à la réformation de la décision C(2005) 4634 final de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) (ci-après la «décision litigieuse»), ou, à titre subsidiaire, l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le montant de l’amende qui lui a été infligée par cette décision.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 1/2003

2

Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), qui a remplacé le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), prévoit à son article 23, paragraphe 2, qui s’est substitué à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)

elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81 CE] ou [82 CE] […]

[…]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[…]»

La directive 83/349/CEE

3

Il ressort du considérant 1 de la septième directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l’article [44, paragraphe 2, sous g), CE], concernant les comptes consolidés (JO L 193, p. 1), telle que modifiée par la directive 2003/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2003 (JO L 178, p. 16, ci-après la «directive 83/349»), que celle-ci a notamment pour objectif de coordonner les législations nationales sur les comptes annuels de certaines formes de sociétés, en particulier les sociétés qui font partie d’ensembles d’entreprises.

4

Les entreprises soumises à l’obligation d’établir des comptes consolidés sont définies à l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la directive 83/349. Aux termes de ce paragraphe 1, il s’agit, notamment, de toute entreprise mère qui:

«a)

a la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d’une entreprise (entreprise filiale),

ou

b)

a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance d’une entreprise (entreprise filiale) et est en même temps actionnaire ou associé de cette entreprise,

ou

c)

a le droit d’exercer une influence dominante sur une entreprise (entreprise filiale) dont elle est actionnaire ou associé […]»

5

Aux termes de l’article 16, paragraphe 3, de la même directive, «[l]es comptes consolidés doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de l’ensemble des entreprises comprises dans la consolidation».

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

6

La requérante est une société anonyme de droit français qui, depuis 1994, contrôle Gascogne Sack Deutschland GmbH, anciennement dénommée Sachsa Verpackung GmbH (ci-après «Sachsa»).

7

La requérante détient directement 10 % des parts sociales de Sachsa. Sa filiale à 100 %, Gascogne Deutschland GmbH, détient les 90 % restants des parts sociales de Sachsa.

8

En 2001, British Polythene Industries plc a informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des sacs industriels.

9

Après avoir procédé à des vérifications au cours du mois de juin 2002, la Commission a engagé la procédure administrative le 29 avril 2004 et a adopté une communication des griefs à l’encontre de plusieurs sociétés, au nombre desquelles figurait, notamment, la requérante.

10

Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision litigieuse, dont l’article 1er, paragraphe 1, sous k), dispose que Sachsa et la requérante ont enfreint l’article 81 CE en participant, du 9 février 1988 au 26 juin 2002 pour la première et du 1er janvier 1994 au 26 juin 2002 pour la seconde, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays‑Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l’attribution de quotas de vente, la répartition des clients, des affaires et des commandes, la soumission concertée à certains appels d’offres et l’échange d’informations individualisées.

11

Pour ce motif, la Commission a infligé à Sachsa, à l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision litigieuse, une amende de 13,20 millions d’euros, en précisant que, sur ce montant, la requérante était tenue pour responsable conjointement et solidairement à hauteur de 9,90 millions d’euros.

L’arrêt attaqué

12

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2006, la requérante a introduit un recours contre la décision litigieuse. Elle concluait, en substance, à ce que le Tribunal annule cette décision en ce qu’elle la concernait, la réforme en ce qu’elle infligeait à Sachsa une amende supérieure à 10 % de son chiffre d’affaires ou, à titre subsidiaire, réduise le montant de l’amende infligée conjointement et solidairement à cette dernière et à elle-même.

13

À l’appui de son recours, la requérante invoquait trois moyens. Le premier moyen, présenté à titre principal, était tiré d’une violation de l’article 81 CE en ce que la Commission lui aurait de manière erronée imputé des pratiques de Sachsa à partir du 1er janvier 1994 et, partant, aurait retenu à tort sa responsabilité conjointe et solidaire s’agissant du paiement d’une partie de l’amende infligée à cette dernière. Par son deuxième moyen, présenté à titre subsidiaire, la requérante soutenait que la Commission a violé l’article 81 CE en interprétant de manière erronée la notion d’entreprise au sens de cet article et méconnu l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 en se fondant à tort, pour la détermination du plafond de l’amende, sur le chiffre d’affaires consolidé du groupe à la tête duquel elle se trouve. Le troisième moyen, présenté à titre encore plus subsidiaire, était pris d’une violation du principe de proportionnalité en ce que la Commission aurait infligé à la requérante une amende excessive.

14

Par lettre du 19 octobre 2010, la requérante a demandé la réouverture de la procédure écrite en raison de l’intervention d’un nouvel élément de droit en cours d’instance, à savoir l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et, plus particulièrement, de l’article 6 TUE, qui a élevé la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») au rang de droit primaire.

15

Lors de l’audience, qui s’est tenue le 2 février 2011, la requérante a fait valoir, outre les moyens invoqués dans sa requête, plusieurs griefs fondés sur la Charte et s’est notamment prévalue d’une violation de la présomption d’innocence consacrée par l’article 48 de celle-ci. À cet égard, le Tribunal a jugé aux points 27, 28 et 30 de l’arrêt attaqué:

«27

[...] [L]es griefs de la requérante tirés d’une violation du principe de présomption d’innocence et des droits de la défense, garantis par l’article 48 de la [C]harte, [...] s’ajoutent aux arguments développés dans le cadre des moyens invoqués au stade de la requête et ne présentent pas avec les arguments initialement développés un lien suffisamment étroit pour qu’ils puissent être considérés comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse. Ces griefs doivent donc être considérés comme étant nouveaux.

28

Il convient dès lors de déterminer si l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité sur l’Union européenne, et notamment de...

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