The Queen contra Secretary of State for the Home Department, ex parte Mann Singh Shingara (C-65/95) y ex parte Abbas Radiom (C-111/95).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:451
Date26 November 1996
Celex Number61995CC0065
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-111/95,C-65/95
EUR-Lex - 61995C0065 - FR 61995C0065

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 26 novembre 1996. - The Queen contre Secretary of State for the Home Department, ex parte Mann Singh Shingara (C-65/95) et ex parte Abbas Radiom (C-111/95). - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Libre circulation des personnes - Dérogations - Droit d'entrée - Voies de recours - Articles 8 et 9 de la directive 64/221/CEE. - Affaires jointes C-65/95 et C-111/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-03343


Conclusions de l'avocat général

1 La High Court of Justice (Queen's Bench Division) a posé à la Cour cinq questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (1) (ci-après la «directive»).

2 La High Court estime que la réponse à ces questions lui est nécessaire pour statuer dans les recours que MM. Shingara et Radiom ont formés contre la décision des autorités britanniques leur refusant l'entrée au Royaume-Uni pour des raisons de sécurité publique.

Les faits et la procédure dans l'affaire Radiom (tels qu'ils sont exposés dans l'ordonnance de renvoi)

3 M. Radiom, qui est un citoyen iranien marié depuis 1981 avec une citoyenne britannique, a acquis la nationalité irlandaise en mai 1982. En mai 1983, il a obtenu une carte de séjour l'autorisant à résider au Royaume-Uni pour une durée illimitée en sa qualité, non pas de ressortissant de la Communauté (dont il n'est pas établi qu'elle était connue à l'époque par les autorités du Home Office), mais bien en sa qualité d'étranger ressortissant d'un État tiers. La demande de permis de séjour avait été formulée sur la base de son mariage avec une citoyenne britannique.

4 Entre 1983 et 1989, M. Radiom a travaillé pour le service consulaire iranien, d'abord à Manchester puis à Londres. En 1989, le Royaume-Uni a rompu ses relations diplomatiques avec l'Iran et, le 9 mars 1989, M. Radiom a été informé par le Foreign Office (2) qu'il serait placé en détention et expulsé s'il ne quittait pas le Royaume-Uni dans un délai de sept jours. Il est donc parti sans attendre la mise à exécution de cette menace. Il semble qu'il lui ait été dit, à cette époque, qu'il devait être expulsé pour des raisons de sécurité nationale, mais sans autres précisions.

5 Le 2 juillet 1992, les conseils de M. Radiom ont écrit au ministère de l'Intérieur pour attirer l'attention sur le fait que M. Radiom était un ressortissant de la Communauté et pour demander quelle serait sa situation s'il retournait au Royaume-Uni pour y travailler. Le 24 septembre 1992, il leur a été répondu officiellement que l'expulsion de M. Radiom avait été décidée dans l'intérêt de la sécurité nationale (et qu'il n'existait aucun recours contre cette décision). La lettre ajoutait: «Si M. Radiom tente à présent d'entrer au Royaume-Uni, l'entrée lui sera refusée pour des raisons d'ordre public et il ne disposera pas de droit de recours. Si l'on découvre qu'il y est entré, des mesures seront prises pour le reconduire hors du territoire du Royaume-Uni et M. Radiom n'aura pas davantage de droit de recours.»

6 Après avoir reçu cette réponse, les conseils de M. Radiom ont écrit au ministère de l'Intérieur, le 13 octobre 1992, pour demander officiellement qu'un permis de séjour de ressortissant communautaire lui soit délivré et, qu'en cas de refus, les «raisons précises» leur en soient indiquées. Ils ont également demandé que leur soient précisés «les droits de recours dont disposera notre client contre ce refus conformément à l'article 9 de la directive 64/221/CEE».

7 Dans sa réponse négative du 23 novembre 1992, le ministère de l'Intérieur a rappelé que «... s'il tente, à présent, d'entrer au Royaume-Uni ou si l'on découvre qu'il y est entré, l'autorisation d'entrer lui sera refusée et/ou il sera expulsé en tant qu'étranger illégalement entré. Il n'y aura pas de droit de recours contre cette décision» (3).

8 C'est contre cette décision du 23 novembre 1992 que M. Radiom s'est pourvu devant la High Court, à laquelle il a demandé de déclarer qu'il avait droit à obtenir un titre de séjour et à exercer une voie de recours ou qu'il avait droit à ce que le ministre des Affaires étrangères consulte une autorité indépendante pour avis.

9 Devant la High Court, le représentant du ministre de l'Intérieur a exposé les raisons pour lesquelles celui-ci avait personnellement ordonné l'expulsion de M. Radiom en 1989 ainsi que les raisons pour lesquelles, après avoir personnellement réexaminé l'affaire, il maintenait sa position:

«... la décision de 1989 interdisant la présence du demandeur au Royaume-Uni a été prise sur la base d'une instruction personnellement donnée par le ministre de l'Intérieur de l'époque et motivée par le fait que la présence du demandeur sur le territoire du Royaume-Uni n'était pas conforme au bien public ni à la sûreté de l'État.

... La raison pour laquelle cette décision a été adoptée en 1989 était que le demandeur était connu pour prôner la violence contre les opposants au régime de Khomeiny en Iran et que l'on savait également qu'il était impliqué dans des activités de collecte de renseignements sur des opposants iraniens au Royaume-Uni. A cette époque, le régime iranien pratiquait une politique d'assassinat des opposants. Ces assassinats continuent, dans toute l'Europe et ailleurs. La décision prise en 1989 était exclusivement fondée sur le comportement personnel du demandeur. Il serait contraire à la sûreté du Royaume de divulguer davantage d'informations concernant les motifs de cette décision.

Le ministre a personnellement réexaminé la possibilité de rapporter l'arrêté d'expulsion à la lumière de la demande de contrôle juridictionnel, mais, compte tenu du passé du demandeur et des renseignements dont il dispose actuellement, selon lesquels le demandeur continue à soutenir et à oeuvrer en faveur des objectifs des autorités iraniennes, il a estimé qu'il ne serait pas dans l'intérêt de la sûreté de l'État de révoquer cet arrêté.»

Les faits et la procédure dans l'affaire Shingara (tels qu'ils sont exposés dans l'ordonnance de renvoi)

10 M. Shingara, qui est d'origine indienne, possède la nationalité française. Le 29 mars 1991, il a essayé d'entrer au Royaume-Uni mais il s'est vu refuser l'autorisation d'entrée par décision personnelle du ministre de l'Intérieur, à l'estime duquel l'autoriser à pénétrer au Royaume-Uni «serait contraire à l'ordre public et à la sécurité publique».

11 Le texte de la communication officielle de cette interdiction d'entrée indiquait en outre que «vous ne possédez pas de droit de recours contre le refus d'autorisation d'entrée, car cette décision a été prise conformément à des instructions personnellement données par le ministre pour la raison précédemment indiquée». Ce sont les mêmes termes qui sont utilisés dans une autre communication, émanant, celle-là, du ministère de l'Intérieur et datée du 26 avril 1991, communication avisant également M. Shingara qu'il ne disposait d'aucune voie de recours à l'encontre de la décision.

12 Le 10 novembre 1992, les conseils de M. Shingara ont écrit au ministère de l'Intérieur et fait observer que «conformément à l'article 9, paragraphe 2, de la directive 64/221/CEE, M. Singh Shingara aurait dû pouvoir soumettre son cas à l'examen d'une autorité administrative et présenter en personne ses moyens de défense (à moins qu'il n'ait été démontré que des raisons de sûreté de l'État s'opposaient à sa présence).

Nous sommes donc dans l'obligation de vous demander de prendre immédiatement des mesures pour qu'un recours soit organisé; à défaut, nous nous verrons dans l'obligation de demander un contrôle juridictionnel.»

13 Dans sa réponse du 18 mai 1993, le ministère de l'Intérieur a confirmé qu'il n'existait aucune possibilité de recours.

14 M. Shingara n'a effectivement pas intenté le moindre recours. Au lieu de cela, le 15 juillet 1993, il s'est présenté au port de Douvre avec son épouse et ses enfants et il a été admis sur le territoire après avoir produit sa carte d'identité française. Il n'a pas signalé aux fonctionnaires du service de l'immigration qu'il avait antérieurement essuyé un refus d'autorisation d'entrée et n'a donc pas soufflé mot des raisons pour lesquelles il en avait été ainsi.

15 Le 22 juillet 1993, il a été arrêté à Birmingham et placé en détention en tant qu'étranger illégalement entré sur le territoire. Dans l'avis qui lui a été délivré à cette occasion, on peut lire que «... Je suis convaincu que vous avez pénétré illégalement sur le territoire, au sens de l'article 33, paragraphe 1, de l'Immigration Act de 1971 ... J'ai l'intention de donner des instructions pour votre expulsion du Royaume-Uni en temps utile; des précisions vous seront fournies par voie séparée».

16 Le 30 juillet 1993, le juge a autorisé l'introduction d'une demande de contrôle juridictionnel (judicial review) visant à contester la détention de M. Shingara. Le même jour, celui-ci a été relâché et est retourné en France.

17 Devant la High Court, M. Shingara conteste la décision du 22 juillet 1993 de le traiter comme un étranger illégalement entré sur le territoire, de le placer en détention, de l'expulser du Royaume-Uni et d'interdire son entrée et sa présence. Il souhaite voir casser cette décision et demande au juge de déclarer qu'il a droit à un recours contre son exclusion ou à un examen de son cas par une autorité indépendante en application de l'article 9, paragraphe 2, de la directive.

18 Le représentant du ministre de l'Intérieur a exposé à la High Court les raisons pour lesquelles la décision de 1991 avait été adoptée: «... Selon le ministre, le demandeur était impliqué...

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