Commission of the European Communities v Federal Republic of Germany.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:253
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-441/02
Date27 April 2006
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62002CJ0441

Affaire C-441/02

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d'Allemagne

«Manquement d'État — Articles 8 A et 48 du traité CE (devenus, après modification, articles 18 CE et 39 CE) — Directives 64/221/CEE, 73/148/CEE et 90/364/CEE — Règlement (CEE) nº 1612/68 — Libre circulation des ressortissants des États membres — Ordre public — Droit au respect de la vie familiale — Législation nationale en matière d'interdiction de séjour et d'éloignement — Pratique administrative — Condamnation pénale — Expulsion»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 2 juin 2005

Arrêt de la Cour (première chambre) du 27 avril 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Preuve du manquement — Charge incombant à la Commission

(Art. 226 CE)

2. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse

(Art. 226 CE)

3. Libre circulation des personnes — Dérogations — Raisons d'ordre public

(Art. 39 CE; directives du Conseil 64/221, art. 3, et 73/148, art. 10)

1. Dans le cadre d'une procédure en manquement, il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué et d'apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur une présomption quelconque.

S'agissant en particulier d'un grief concernant la mise en oeuvre d'une disposition nationale, la démonstration d'un manquement d'État nécessite la production d'éléments de preuve d'une nature particulière par rapport à ceux habituellement pris en compte dans le cadre d'un recours en manquement visant uniquement le contenu d'une disposition nationale. Dans ces conditions, le manquement ne peut être établi que grâce à une démonstration suffisamment documentée et circonstanciée de la pratique reprochée à l'administration et/ou aux juridictions nationales et imputable à l'État membre concerné.

En outre, si un comportement étatique consistant dans une pratique administrative contraire aux exigences du droit communautaire peut être de nature à constituer un manquement au sens de l'article 226 CE, il faut que cette pratique administrative présente un certain degré de constance et de généralité.

(cf. points 48-50)

2. La lettre de mise en demeure adressée par la Commission à l'État membre puis l'avis motivé émis par la Commission au titre de l'article 226 CE délimitent l'objet du litige qui ne peut plus, dès lors, être étendu. Par conséquent, l'avis motivé et le recours de la Commission doivent reposer sur les mêmes griefs que ceux de la lettre de mise en demeure qui engage la procédure précontentieuse.

Cependant il ne saurait être exigé en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre l'énoncé des griefs dans la lettre de mise en demeure, le dispositif de l'avis motivé et les conclusions de la requête, dès lors que l'objet du litige n'a pas été étendu ou modifié mais, au contraire, simplement restreint.

(cf. points 59-61)

3. Le recours par une autorité nationale à la notion d'ordre public, en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des personnes, suppose, en tout état de cause, l'existence, en dehors du trouble social que constitue toute infraction à la loi, d'une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société.

Manque à cet égard aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE, 3 de la directive 64/221, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, et 10 de la directive 73/148, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l'intérieur de la Communauté en matière d'établissement et de prestation de services, un État membre qui prévoit que, s'agissant des ressortissants communautaires disposant d'un titre de séjour à durée illimitée, seuls de «graves» motifs d'ordre public peuvent justifier une expulsion. Une telle législation nationale suscite en effet un doute en ce qui concerne la prise en considération correcte des exigences du droit communautaire à l'égard des ressortissants communautaires disposant d'un titre de séjour à durée limitée.

(cf. points 34, 70, 72, 126 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

27 avril 2006 (*)

«Manquement d’État – Articles 8 A et 48 du traité CE (devenus, après modification, articles 18 CE et 39 CE) – Directives 64/221/CEE, 73/148/CEE et 90/364/CEE – Règlement (CEE) n° 1612/68 – Libre circulation des ressortissants des États membres – Ordre public – Droit au respect de la vie familiale – Législation nationale en matière d’interdiction de séjour et d’éloignement – Pratique administrative – Condamnation pénale – Expulsion»

Dans l’affaire C-441/02,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 5 décembre 2002,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. O’Reilly et M. W. Bogensberger, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

République italienne, représentée par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,

partie intervenante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par M. W.-D. Plessing, puis par Mme A. Tiemann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Schiemann, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), K. Lenaerts et E. Juhász, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

– en n’ayant pas établi de manière suffisamment claire dans sa législation que des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union ne doivent pas être fondées sur une base qui prévoit obligatoirement ou dans son principe l’expulsion en cas d’existence d’une condamnation pénale passée en force de chose jugée ou en ayant fondé des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union sur cette base imprécise;

– en n’ayant pas transposé de manière suffisamment claire dans l’article 12, paragraphe 1, de la loi relative à l’entrée et au séjour des ressortissants des États membres de la Communauté européenne (Gesetz über Einreise und Aufenthalt von Staatsangehörigen der Mitgliedstaaten der Europäischen Wirtschaftsgemeinschaft, BGBl. 1980 I, p. 116), du 21 janvier 1980 (ci‑après l’«Aufenthaltsgesetz/EWG»), les conditions posées par le droit communautaire en matière de restriction à la libre circulation ou en ayant fondé des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union sur cette base imprécise;

– en n’ayant pas établi de manière suffisamment claire dans sa législation que des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union ne doivent pas être fondées sur une base ayant des buts de prévention générale ou en ayant motivé des décisions d’expulsion à l’encontre de tels citoyens par la volonté de dissuader d’autres étrangers;

– en ayant pris des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union qui ne respectent pas un rapport approprié entre, d’une part, le droit fondamental au respect de la vie familiale et, d’autre part, le maintien de l’ordre public, et

– en ayant ordonné l’exécution immédiate des décisions d’expulsion à l’encontre de citoyens de l’Union sans qu’il s’agisse de cas d’urgence,

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE et 39 CE, du droit fondamental au respect de la vie familiale en tant que principe du droit communautaire, ainsi qu’en vertu des articles 3 et 9 de la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 1964, 56, p. 850), 1er du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), 1er, 4, 5, 8 et 10 de la directive 73/148/CEE du Conseil, du 21 mai 1973, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services (JO L 172, p. 14), ainsi que 1er et 2 de la directive 90/364/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour (JO L 180, p. 26).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 64/221:

«1. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet.

2. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures.»

3 L’article 9 de ladite directive prévoit:

«1. En l’absence de possibilités de recours juridictionnels ou si ces recours ne portent que sur la légalité de la décision ou s’ils n’ont pas effet suspensif, la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d’éloignement du territoire d’un porteur d’un titre de séjour n’est prise par l’autorité administrative, à moins d’urgence, qu’après avis donné par une autorité compétente du pays d’accueil devant laquelle l’intéressé doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense et se faire assister ou représenter dans les conditions de procédure prévues par la législation nationale.

Cette autorité doit être différente de celle qualifiée pour prendre la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision...

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