Hughes de Lasteyrie du Saillant v Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:138
Docket NumberC-9/02
Celex Number62002CJ0009
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 March 2004
Arrêt de la Cour
Affaire C-9/02


Hughes de Lasteyrie du Saillant
contre
Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie



(demande de décision préjudicielle, formée par le Conseil d'État (France))

«Liberté d'établissement – Article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) – Législation fiscale – Transfert du domicile fiscal dans un autre État membre – Modalités d'imposition des plus-values de valeurs mobilières»

Conclusions de l'avocat général M. J. Mischo, présentées le 13 mars 2003
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 mars 2004

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes – Liberté d'établissement – Législation fiscale – Imposition des plus-values latentes de valeurs mobilières en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre État membre – Inadmissibilité – Justification – Absence

(Traité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE))
Le principe de la liberté d’établissement posé par l’article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE) doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre institue, à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-values latentes de droits sociaux, c’est-à-dire qui ne sont pas encore réalisées, en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet État. En effet, le contribuable désireux de transférer son domicile dans le cadre de l’exercice du droit que lui garantit la disposition précitée est soumis à un traitement désavantageux par rapport à une personne qui maintient sa résidence dans cet État, dès lors que ce contribuable devient redevable, du seul fait d’un tel transfert, d’un impôt sur un revenu qui n’est pas encore réalisé et dont il ne dispose donc pas, alors que, s’il demeurait dans cet État, les plus-values ne seraient imposables que lorsque et dans la mesure où elles ont été effectivement réalisées. L’objectif de prévenir l’évasion fiscale ne peut justifier cette différence de traitement, dans la mesure où une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale ne saurait être fondée sur la circonstance que le domicile d’une personne physique a été transféré dans un autre État membre.

(cf. points 38, 46, 50-51, 58, 69 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
11 mars 2004(1)


«Liberté d'établissement – Article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) – Législation fiscale – Transfert du domicile fiscal dans un autre État membre – Modalités d'imposition des plus-values de valeurs mobilières»

Dans l'affaire C-9/02, ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Conseil d'État (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre Hughes de Lasteyrie du Saillant

et

Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE),

LA COUR (cinquième chambre),,



composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), faisant fonction de président de la cinquième chambre, A. La Pergola et S. von Bahr, juges, avocat général: M. J. Mischo,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

pour M. de Lasteyrie du Saillant, par Me E. Ginter, avocat,
pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, F. Alabrune et P. Boussaroque, en qualité d'agents,
pour le gouvernement danois, par M. J. Bering Liisberg, en qualité d'agent,
pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing et M. Lumma, en qualité d'agents,
pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster, en qualité d'agent,
pour le gouvernement portugais, par MM. L. Fernandes et A. Seiça Neves, en qualité d'agents,
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et C. Giolito, en qualité d'agents,

ayant entendu les observations orales de M. de Lasteyrie du Saillant, représenté par Mes E. Ginter et B. Michaud, avocat, du gouvernement français, représenté par MM. P. Boussaroque et J.-L. Gautier, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par Mme S. Terstal, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par MM. R. Lyal et C. Giolito, à l'audience du 13 février 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 mars 2003,

rend le présent



Arrêt

1
Par décision du 14 décembre 2001, parvenue à la Cour le 14 janvier 2002, le Conseil d’État a posé, en vertu de l’article 234 CE, une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE).
2
Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant M. de Lasteyrie du Saillant (ci-après M. «de Lasteyrie») au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie au sujet d’une imposition assise sur des plus-values mobilières non encore réalisées, laquelle est due en cas de transfert du domicile fiscal d’un contribuable hors de France.
Le cadre juridique
3
L’article 24 de la loi n° 98-1266, du 30 décembre 1998, portant loi de finances pour 1999 (JORF du 31 décembre 1998, p. 20050), dans sa rédaction en vigueur à la date du décret n° 99-590, du 6 juillet 1999, portant application de l’article 24 de la loi de finances pour 1999 relatif aux modalités d’imposition de certaines plus-values de valeurs mobilières en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (JORF du 13 juillet 1999, p. 10407), dispose: «I. […] II. Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 167 bis ainsi rédigé: ‘Art. 167 bis. I. - 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l’article 160. 2. La plus-value constatée est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux à la date du transfert du domicile hors de France, déterminée suivant les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis, et leur prix d’acquisition par le contribuable ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. Les pertes constatées ne sont pas imputables sur les plus-values de même nature effectivement réalisées par ailleurs. 3. La plus-value constatée est déclarée dans les conditions prévues au 2 de l’article 167. II. - 1. Le paiement de l’impôt afférent à la plus-value constatée peut être différé jusqu’au moment où s’opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l’annulation des droits sociaux concernés. Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Le sursis de paiement prévu au présent article a pour effet de suspendre la prescription de l’action en recouvrement jusqu’à la date de l’événement entraînant son expiration. Il est assimilé au sursis de paiement prévu à l’article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l’application des articles L. 208, L. 255 et L. 279 du même livre. Pour l’imputation ou la restitution de l’avoir fiscal, des crédits d’impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires, il est fait abstraction de l’impôt pour lequel un sursis de paiement est demandé en application du présent article. 2. Les contribuables qui bénéficient du sursis de paiement en application du présent article sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l’article 170. Le montant cumulé des impôts en sursis de paiement est indiqué sur cette déclaration à laquelle est joint un état établi sur une formule délivrée par l’administration faisant apparaître le montant de l’impôt afférent aux titres concernés pour lequel le sursis de paiement n’est pas expiré ainsi que, le cas échéant, la nature et la date de l’événement entraînant l’expiration du sursis. 3. Sous réserve du 4, lorsque le contribuable bénéficie du sursis de paiement, l’impôt dû en application du présent article est acquitté avant le 1er mars de l’année suivant celle de l’expiration du sursis. Toutefois, l’impôt dont le paiement a été différé n’est exigible que dans la limite de son montant assis sur la différence entre le prix en cas de cession ou de rachat, ou la valeur dans les autres cas, des titres concernés à la date de l’événement entraînant l’expiration du sursis, d’une part, et leur prix ou valeur d’acquisition retenu pour l’application du 2 du I, d’autre part. Le surplus est dégrevé d’office. Dans ce cas, le contribuable fournit, à l’appui de la déclaration mentionnée au 2, les éléments de calcul retenus. L’impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l’impôt sur le revenu établi en France à condition d’être comparable à cet impôt. 4. Le défaut de production de la déclaration et de l’état mentionnés au 2 ou l’omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l’exigibilité immédiate de l’impôt en sursis de paiement. III. À l’expiration d’un délai de cinq ans suivant la date du départ ou à la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile en...

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