Criminal proceedings against R.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62009CJ0285 |
ECLI | ECLI:EU:C:2010:742 |
Docket Number | C-285/09 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 07 December 2010 |
Affaire C-285/09
Procédure pénale
contre
R.
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof)
«Sixième directive TVA — Article 28 quater, A, sous a) — Fraude à la TVA — Refus d’exonération de la TVA à l’occasion de livraisons intracommunautaires de biens — Participation active du vendeur à la fraude — Compétences des États membres dans le cadre de la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Régime transitoire de taxation des échanges entre les États membres
(Directive du Conseil 77/388, art. 28 quater, A)
Lorsqu'une livraison intracommunautaire de biens a effectivement eu lieu, mais que, à l’occasion de celle-ci, le fournisseur a dissimulé l’identité du véritable acquéreur afin de permettre à ce dernier d’éluder le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, l’État membre de départ de la livraison intracommunautaire peut, sur le fondement des compétences qui lui appartiennent en vertu du premier membre de phrase de l’article 28 quater, A, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 2000/65, refuser le bénéfice de l’exonération au titre de cette opération.
À cet égard, la présentation de fausses factures ou de fausses déclarations, ainsi que toute autre manipulation de preuves, est susceptible d’empêcher l’exacte perception de la taxe et, par conséquent, de compromettre le bon fonctionnement du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée. Or, de tels agissements revêtent une gravité d’autant plus grande lorsqu’ils sont commis dans le cadre du régime transitoire de taxation des opérations intracommunautaires, lequel fonctionne sur la base des preuves fournies par les assujettis. Partant, le droit de l’Union n’empêche pas les États membres de considérer l’établissement de factures irrégulières comme relevant d’une fraude fiscale et de refuser, dans un tel cas, l’octroi de l’exonération.
Toutefois, s’agissant de cas particuliers dans lesquels il y a des raisons sérieuses de supposer que l’acquisition intracommunautaire correspondant à la livraison en cause pourrait échapper au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée dans l’État membre de destination, et ce malgré l’assistance mutuelle et la coopération administrative entre les autorités fiscales des États membres concernés, l’État membre de départ est, en principe, tenu de refuser l’exonération au bénéfice du fournisseur de biens et d’obliger ce dernier à acquitter la taxe a posteriori afin d’éviter que l’opération en cause n’échappe à toute taxation. En effet, conformément au principe fondamental du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, cette taxe s’applique à chaque transaction de production ou de distribution, déduction faite de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.
(cf. points 48-49, 52, 55 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
7 décembre 2010 (*)
«Sixième directive TVA – Article 28 quater, A, sous a) – Fraude à la TVA – Refus d’exonération de la TVA à l’occasion de livraisons intracommunautaires de biens – Participation active du vendeur à la fraude – Compétences des États membres dans le cadre de la lutte contre la fraude, l’évasion fiscale et les abus éventuels»
Dans l’affaire C‑285/09,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 7 juillet 2009, parvenue à la Cour le 24 juillet 2009, dans la procédure pénale contre
R.,
en présence de:
Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof,
Finanzamt Karlsruhe-Durlach,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot et A. Arabadjiev, présidents de chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, U. Lõhmus (rapporteur), T. von Danwitz et Mme C. Toader, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: M. K. Malacek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mai 2010,
considérant les observations présentées:
– pour M. R., par Mes A. Parsch, D. Sauer, F. Kreilein, C. Prinz et K.-F. Zapf, Rechtsanwälte,
– pour le Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof, par Mme M. Harms et M. K. Lohse, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,
– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. B. Doherty, barrister,
– pour le gouvernement grec, par M. G. Kanellopoulos ainsi que par Mmes Z. Chatzipavlou et V. Karra, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 juin 2010,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 28 quater, A, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 2000/65/CE du Conseil, du 17 octobre 2000 (JO L 269, p. 44, ci-après la «sixième directive»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige relatif aux poursuites pénales engagées contre M. R. à raison de la fraude fiscale qui lui est reprochée en matière de perception de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).
Le cadre juridique
La sixième directive
3 L’article 2 de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel, ainsi que les importations de biens.
4 La sixième directive comporte un titre XVI bis, intitulé «Régime transitoire de taxation des échanges entre les États membres», qui a été introduit dans celle-ci par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l’abolition des frontières fiscales, la directive 77/388 (JO L 376, p. 1), et qui comprend notamment les articles 28 bis à 28 quindecies.
5 Aux termes de l’article 28 bis, paragraphe 1, sous a), premier alinéa, de la sixième directive:
«Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:
a) les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel, ou par une personne morale non assujettie, lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel, qui ne bénéficie pas de la franchise de taxe prévue à l’article 24 et qui ne relève pas des dispositions prévues à l’article 8 paragraphe 1 point a) deuxième phrase ou à l’article 28 ter titre B paragraphe 1.»
6 Le droit à l’exonération des livraisons intracommunautaires de biens est prévu à l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive, lequel est libellé comme suit:
«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-après et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les États membres exonèrent:
a) les livraisons de biens, au sens de l’article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l’acquéreur ou pour leur compte, en dehors du territoire visé à l’article 3 mais à l’intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens.»
La réglementation nationale
7 Aux termes de l’article 370, paragraphe 1, du code des impôts de 1977 (Abgabenordnung 1977, BGBl. 1976 I, p. 613, et 1977 I, p. 269):
«(1) Est condamné à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans ou à une amende pénale quiconque
1. fait aux autorités fiscales […] des déclarations inexactes ou incomplètes sur des faits présentant une pertinence aux fins de la taxation,
[…]
et ce faisant réduit sa charge fiscale ou obtient pour lui-même ou pour des tiers des avantages fiscaux indus.»
8 Selon la juridiction de renvoi, l’article 370 du code des impôts de 1977 contient une incrimination par renvoi, puisqu’il n’énonce pas lui-même l’ensemble des éléments constitutifs du fait punissable. Il est complété par les dispositions du droit fiscal matériel qui définissent les faits pertinents aux fins de l’imposition et les conditions d’exigibilité d’un impôt. Partant, l’exigibilité de l’impôt est une condition pour que la fraude soit punissable.
9 En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1999 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 1999, BGBl. 1999 I, p. 1270, ci-après l’«UStG»), les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à...
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