Åklagaren v Hans Åkerberg Fransson.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date26 February 2013
62010CJ0617

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

26 février 2013 ( *1 )

«Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Champ d’application — Article 51 — Mise en œuvre du droit de l’Union — Répression de comportements attentatoires à une ressource propre de l’Union — Article 50 — Principe ne bis in idem — Système national impliquant deux procédures séparées, administrative et pénale, pour sanctionner un même comportement fautif — Compatibilité»

Dans l’affaire C‑617/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Haparanda tingsrätt (Suède), par décision du 23 décembre 2010, parvenue à la Cour le 27 décembre 2010, dans la procédure

Åklagaren

contre

Hans Åkerberg Fransson,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. A. Tizzano, M. Ilešič, G. Arestis, J. Malenovský, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, J.-C. Bonichot, Mme C. Toader, MM. J.-J. Kasel et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 janvier 2012,

considérant les observations présentées:

pour M. Åkerberg Fransson, par Me J. Sterner, advokat, et M. U. Bernitz, professor,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk et S. Johannesson, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, en qualité d’agent,

pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. M. McDowell, SC,

pour le gouvernement grec, par Mmes K. Paraskevopoulou et Z. Chatzipavlou, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par Mme N. Rouam, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. J. Langer, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe ne bis in idem en droit de l’Union.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Åklagaren (ministère public) à M. Åkerberg Fransson, au sujet des poursuites diligentées par le ministère public pour fraude fiscale aggravée.

Le cadre juridique

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

3

L’article 4 du protocole no 7 annexé à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Strasbourg le 22 novembre 1984 (ci-après le «protocole no 7 à la CEDH»), intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois», dispose ce qui suit:

«1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

3. Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la ‘CEDH’)].»

Le droit de l’Union

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

4

L’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), intitulé «Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction», est rédigé comme suit:

«Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.»

5

L’article 51 de la Charte définit le champ d’application de celle-ci dans les termes suivants:

«1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités.

2. La présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités.»

La sixième directive 77/388/CEE

6

L’article 22 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), dans sa version résultant de l’article 28 nonies de celle-ci, dispose:

«[...]

a)

Tout assujetti dépose une déclaration dans le délai qui aura été fixé par les États membres. [...]

[...]

8. Les États membres ont la faculté de prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude [...]»

[...]

Le droit suédois

7

L’article 2 de la loi 1971:69 relative aux infractions fiscales [skattebrottslagen (1971:69), ci-après la «skattebrottslagen»] est libellé en ces termes:

«Quiconque communique volontairement, autrement que par oral, une information inexacte à une autorité ou qui s’abstient de produire une déclaration, un document justificatif ou toute autre pièce demandée et qui fait ainsi naître un risque de soustraction à l’impôt, d’établissement d’un crédit d’impôt ou de remboursement indus en sa faveur ou en faveur d’un tiers, se rend coupable de fraude fiscale passible d’un emprisonnement de deux ans au plus.»

8

Selon l’article 4 de la skattebrottslagen:

«Si l’infraction visée à l’article 2 est jugée grave, il y a délit de fraude fiscale aggravée passible d’un emprisonnement de six mois au moins et de six ans au plus.

La gravité de l’infraction s’apprécie notamment au regard de l’importance des montants en jeu, de l’usage de faux documents, de faux en écritures, du fait que les agissements s’inscrivent dans le cadre d’une activité criminelle de grande envergure ou systématique, ou, plus généralement, présente un caractère particulièrement grave.»

9

La loi 1990:324 relative à l’impôt sur les revenus [taxeringslagen (1990:324), ci-après la «taxeringslagen»] prévoit, sous le chapitre 5, article 1er, de celle-ci:

«Si, au cours de la procédure, le contribuable communique autrement que par oral une information inexacte pour la détermination du montant de l’impôt, une sanction fiscale (majoration d’impôt) est infligée. Il en va de même si le contribuable communique une telle information dans le cadre d’une procédure contentieuse et que ladite information a été rejetée après examen au fond.

Une information est réputée inexacte s’il est manifeste qu’elle est fausse ou si le contribuable a omis de communiquer une information obligatoire nécessaire à la détermination du montant de l’impôt. Une information n’est cependant pas inexacte si, ensemble les autres pièces communiquées, il y a des éléments suffisants pour rendre une juste décision. Une information n’est pas non plus réputée inexacte si elle est si manifestement erronée qu’elle ne peut servir à fonder une décision.»

10

Le chapitre 5, article 4, de la taxeringslagen dispose:

«En cas de communication d’une information inexacte, la sanction fiscale est de quarante pour cent du montant de l’impôt visé au chapitre 1, article 1er, premier alinéa, points 1) à 5), qui n’aurait pas été mis à la charge du contribuable ou de son conjoint si ladite information avait été accueillie. En matière de taxe sur la valeur ajoutée, la sanction fiscale est de vingt pour cent du montant de la taxe dont l’assujetti aurait dû s’acquitter.

La sanction fiscale est de dix pour cent ou, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de cinq pour cent, si l’information inexacte a été rectifiée ou aurait pu l’être au vu des pièces auxquelles la skatteverket [(administration fiscale)] a normalement accès et dont elle a disposé avant la fin du mois de novembre de l’exercice fiscal en question.»

11

Selon le chapitre 5, article 14, de la taxeringslagen:

«Le contribuable est exempté en tout ou en partie de la sanction fiscale si l’erreur ou l’omission est excusable ou s’il paraît déraisonnable de lui infliger le montant total de ladite sanction. Si une exemption partielle est accordée, le montant de la sanction fiscale est réduit à la moitié ou au quart.

[...]

Lors de l’appréciation de la question du caractère déraisonnable d’infliger le montant total de la sanction fiscale, il est notamment tenu compte des éléments suivants:

[...]

3)

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