Marks & Spencer plc v Commissioners of Customs & Excise.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:211
Date10 April 2008
Celex Number62006CJ0309
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-309/06

Affaire C-309/06

Marks & Spencer plc

contre

Commissioners of Customs & Excise

(demande de décision préjudicielle, introduite par la House of Lords)

«Fiscalité — Sixième directive TVA — Exonération avec remboursement des taxes payées au stade antérieur — Taxation erronée au taux normal — Droit au taux zéro — Droit au remboursement — Effet direct — Principes généraux du droit communautaire — Enrichissement sans cause»

Sommaire de l'arrêt

1. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Faculté pour les États membres de maintenir des exonérations avec remboursement de la taxe payée au stade antérieur

(Directive du Conseil 77/388, art. 28, § 2)

2. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Faculté pour les États membres de maintenir des exonérations avec remboursement de la taxe payée au stade antérieur

(Directive du Conseil 77/388, art. 28, § 2)

3. Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Faculté pour les États membres de maintenir des exonérations avec remboursement de la taxe payée au stade antérieur

(Directive du Conseil 77/388, art. 28, § 2)

1. Lorsqu'un État membre a maintenu dans sa législation nationale, au titre de l'article 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, tant avant qu'après l'introduction des modifications apportées à cette disposition par la directive 92/77, une exonération avec remboursement des taxes payées au stade antérieur eu égard à certaines livraisons ou prestations déterminées, un opérateur économique effectuant de telles livraisons ou prestations ne peut se prévaloir d'aucun droit, tiré du droit communautaire et pouvant être invoqué directement, à ce que ces livraisons ou ces prestations soient soumises à une taxe sur la valeur ajoutée à taux zéro.

En autorisant les États membres à appliquer des exonérations avec rembousement de la taxe payée, l'article 28, paragraphe 2, de la sixième directive prévoit une dérogation aux règles régissant le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée. Il est donc exact d'indiquer que c'est en vertu du droit communautaire que ces exonérations, dites «taxations à taux zéro», sont autorisées. Toutefois, le droit communautaire n'impose pas aux États membres de maintenir de telles exonérations. En effet, ainsi qu'il résulte du libellé même de cette disposition, dans sa version initiale, les hypothèses d'exonération existant au 31 décembre 1975 «peuvent être maintenues», ce qui signifie qu'il dépend de la seule appréciation de l'État membre concerné de conserver ou non telle ou telle législation répondant, notamment, aux critères visés à l'article 17, dernier tiret, de la deuxième directive 67/228, abrogée, selon lesquels les exonérations avec remboursement de la taxe payée pouvaient seulement être instaurées pour des raisons d'intérêt social bien définies et en faveur des consommateurs finals.

(cf. points 22-23, 28, disp. 1)

2. Lorsqu'un État membre a maintenu dans sa législation nationale, au titre de l'article 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, tant avant qu'après l'introduction des modifications apportées à cette disposition par la directive 92/77, une exonération avec remboursement des taxes payées au stade antérieur à raison de certaines livraisons ou prestations déterminées, mais qu'il a interprété sa législation nationale de façon erronée, avec pour conséquence que certaines livraisons ou prestations qui auraient dû bénéficier de l'exonération avec remboursement des taxes payées au stade antérieur, conformément à la loi nationale, ont été taxées au taux normal, les principes généraux du droit communautaire, y compris celui de la neutralité fiscale, s'appliquent de telle façon qu'ils confèrent à l'opérateur économique qui a effectué ces livraisons ou prestations un droit à récupérer les montants qui lui ont été réclamés par erreur à raison de ces mêmes livraisons ou prestations.

En effet, le maintien d'exonérations ou de taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée inférieurs au taux minimal prévu par la sixième directive n'est admissible que s'il ne méconnaît pas, notamment, le principe de neutralité fiscale inhérent audit système. Les principes gouvernant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dont celui de neutralité fiscale, trouvent à s'appliquer même dans le cas prévu à l'article 28, paragraphe 2, de la sixième directive et peuvent, le cas échéant, être invoqués par un assujetti à l'encontre d'une disposition nationale, ou de l'application de celle-ci, qui méconnaîtrait ces principes. À cet égard, le droit d'obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit communautaire est la conséquence et le complément de droits directement conférés aux justiciables par le droit communautaire. Ce principe s'applique également aux taxes perçues en violation d'une législation nationale autorisée en vertu de l'article 28, paragraphe 2, de la sixième directive.

(cf. points 33-36, disp. 2)

3. Bien que les principes d'égalité de traitement et de neutralité fiscale s’appliquent par principe dans une situation dans laquelle un État membre a taxé par erreur certaines livraisons ou prestations qui auraient dû bénéficier d'une exonération que ledit État membre a maintenu dans sa législation nationale, au titre de l’article 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, et dans laquelle l'opérateur économique concerné demande de récupérer les montants indûment versés, la violation desdits principes n’est pas constituée du seul fait qu'un refus de remboursement aurait été fondé sur l'enrichissement sans cause de l'assujetti concerné.

En revanche, le principe de neutralité fiscale s'oppose à ce que la notion d'enrichissement sans cause soit opposée uniquement à des assujettis tels que les «payment traders» (assujettis pour lesquels, au titre d'un exercice comptable donné, la taxe collectée en aval excède la taxe payée en amont) et non à des assujettis tels que les «repayment traders» (assujettis dont la situation est l'inverse de la précédente), pour autant que ces assujettis ont commercialisé des marchandises semblables, ce qu'il appartient au juge national de vérifier.

En outre, le principe général d'égalité de traitement, dont la violation peut se trouver caractérisée, en matière fiscale, par des discriminations affectant des opérateurs économiques qui ne sont pas forcément concurrents, mais se trouvent néanmoins dans une situation comparable sous d'autres rapports, s'oppose à une discrimination entre les «payment traders» et les «repayment traders», laquelle n'est pas objectivement justifiée.

Cette constatation n'est pas affectée par la preuve de l'absence de perte ou de désavantages financiers subis par l'opérateur économique s'étant vu refuser le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée indûment perçue.

Enfin, il incombe au juge national de tirer lui-même les conséquences éventuelles pour le passé de la violation du principe d'égalité mentionnée ci-dessus, selon les règles relatives aux effets dans le temps du droit national applicable, dans le respect du droit communautaire et, notamment, du principe d'égalité de traitement ainsi que du principe en vertu duquel il doit veiller à ce que les mesures de réparation qu'il accorde ne soient pas contraires au droit communautaire.

(cf. points 54, 57, 64, disp. 3-5)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 avril 2008 (*)

«Fiscalité – Sixième directive TVA – Exonération avec remboursement des taxes payées au stade antérieur – Taxation erronée au taux normal – Droit au taux zéro – Droit au remboursement – Effet direct – Principes généraux du droit communautaire – Enrichissement sans cause»

Dans l’affaire C‑309/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la House of Lords (Royaume-Uni), par décision du 12 juillet 2006, parvenue à la Cour le 17 juillet 2006, dans la procédure

Marks & Spencer plc

contre

Commissioners of Customs & Excise,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. U. Lõhmus, J. Klučka, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 octobre 2007,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 décembre 2007,

considérant les observations présentées:

– pour Marks & Spencer plc, par M. D. Milne, QC, M. A. Hitchmough, barrister, Me D. Waelbroeck, avocat et M. D. Slater, solicitor,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Bryanston-Cross, en qualité d’agent, assistée de MM. K. Lasok, QC, et P. Mantle, barrister,

– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de Mme G. Clohessy, SC, et M. N. O’Hanlon, BL,

– pour le gouvernement chypriote, par Mme E. Simeonidou, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 28, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la...

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