Afton Chemical Limited v Secretary of State for Transport.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:419
Docket NumberC-343/09
Celex Number62009CJ0343
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 July 2010

Affaire C-343/09

Afton Chemical Limited

contre

Secretary of State for Transport

(demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Administrative Court))

«Renvoi préjudiciel — Validité — Directive 2009/30/CE — Article 1er, paragraphe 8 — Directive 98/70/CE — Article 8 bis — Pollution atmosphérique — Carburants — Utilisation d’additifs métalliques dans les carburants — Teneur limite en méthylcyclopentadiényle manganèse tricarbonyle (MMT) — Étiquetage — Étude d’impact — Erreur manifeste d’appréciation — Principe de précaution — Proportionnalité — Égalité de traitement — Sécurité juridique — Recevabilité»

Sommaire de l'arrêt

1. Exception d'illégalité — Caractère incident

(Art. 230, al. 4, CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2009/30, art. 1er, § 8)

2. Rapprochement des législations — Carburants — Directive 2009/30

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2009/30, art. 1er, § 8)

3. Rapprochement des législations — Carburants — Directive 2009/30

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2009/30, art. 1er, § 8)

4. Rapprochement des législations — Carburants — Directive 2009/30

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2009/30, art. 1er, § 8)

1. Une société productrice de méthylcyclopentadiényle manganèse tricarbonyle (MMT) ne peut pas être considérée comme étant sans aucun doute individuellement concernée, au sens de l’article 230 CE, quatrième alinéa, CE, par l'article 1er, paragraphe 8, de la directive 2009/30, modifiant la directive 98/70 en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, modifiant la directive 1999/32 en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12, qui limite la présence de l'additif MMT dans les carburants, dès lors que cet article 1er, paragraphe 8, ne la vise pas spécifiquement et ne la concerne qu’en sa qualité objective de producteur d'un tel additif au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant actuellement ou potentiellement dans une situation identique. La possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droits auxquels s’applique cette mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause. Par ailleurs, partant, une telle société productrice n'est pas indéniablement recevable à agir en annulation sur le fondement de l’article 230 CE à l’encontre de l'article 1er, paragraphe 8, précité, et elle est en droit d’invoquer, dans le cadre du recours formé en vertu du droit national, l’invalidité de ces dispositions, alors même qu’elle n’a pas introduit de recours en annulation à l’encontre de ces dernières devant la juridiction communautaire dans le délai prévu à l’article 230 CE.

(cf. points 20, 23-25)

2. Dans un cadre technique complexe à caractère évolutif tel que celui des additifs pour carburants, le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’il adopte, tandis que le contrôle du juge communautaire doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si le législateur n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge communautaire ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle du législateur à qui le traité a conféré cette tâche. Ce large pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de son exercice, s’applique non pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les institutions communautaires, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant la Cour que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir.

Ainsi, lorsque, au cours du processus législatif d'adoption de la directive 2009/30, modifiant la directive 98/70 en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, modifiant la directive 1999/32 en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12, la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen a organisé des ateliers généraux et spécifiques et lorsqu'il ressort du dossier que, pour exercer leur pouvoir d'appréciation, le Parlement, le Conseil et la Commission ont pris en compte les données scientifiques disponibles qui portent tant sur les effets du méthylcyclopentadiényle manganèse tricarbonyle (MMT) à l'égard de la santé humaine que de l'environnement et de son incidence sur les véhicules, le Parlement et le Conseil n'ont commis aucune erreur manifeste d'appréciation en décidant de fixer, à l'article 1er, paragraphe 8, de la directive 2009/30, une teneur limite en MMT dans les carburants.

(cf. points 28, 33-34, 36, 41-42)

3. L’article 1er, paragraphe 8, de la directive 2009/30, modifiant la directive 98/70 en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, modifiant la directive 1999/32 en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12, en tant qu’il introduit un article 8 bis, paragraphe 2, dans la directive 98/70 et limite la présence de méthylcyclopentadiényle manganèse tricarbonyle (MMT) dans les carburants n’est pas invalide en raison de la violation du principe de précaution et du principe de proportionnalité, ni en raison de la violation du principe d'égalité de traitement et du principe de la sécurité juridique.

S'agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, en effet, il y a lieu de reconnaître au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation dans un domaine qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure. A cet égard, la fixation d’une limite à la présence du MMT dans les carburants qui permet de réduire d’autant les quantités de cette substance pouvant potentiellement causer des dommages à la santé n’est pas manifestement inappropriée pour atteindre les objectifs de protection de la santé et de l’environnement poursuivis par le législateur de l’Union. En outre, eu égard aux risques sur la santé et aux dommages sur les moteurs des véhicules ainsi qu’aux difficultés d’élaboration de méthodes d’essai, une mesure restrictive telle qu’une limitation de la présence du MMT dans les carburants ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour satisfaire aux objectifs de la directive 2009/30.

Ensuite, en ce qui concerne le principe de précaution, lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée d'un risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, ledit principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives, sous réserve qu’elles soient non discriminatoires et objectives. Or, la teneur limite en MMT dans les carburants imposée par l'article 1er, paragraphe 8, de la directive 2009/30 n’est pas discriminatoire, puisqu’elle s’applique à l’ensemble de l’Union et à tous les producteurs et importateurs de MMT. De plus, eu égard aux incertitudes portant tant sur les dommages causés par l’utilisation de MMT que sur les risques engendrés pour l’utilisateur de MMT, la fixation des teneurs limites en MMT dans les carburants n’apparaît pas manifestement disproportionnée au regard des intérêts économiques des producteurs de MMT, en vue d’assurer un niveau élevé de protection de la santé et de l’environnement.

En outre, s'agissant du principe d'égalité de traitement, les autres additifs métalliques basés sur le manganèse, qui ne sont pas visés par la restriction imposée au MMT, ne sont ni utilisés ni importés dans l’Union. Il en résulte que le MMT n’est pas dans une situation comparable à celle des autres additifs métalliques basés sur le manganèse et le législateur de l’Union n’était dès lors pas tenu de définir des limites pour lesdits additifs.

Enfin, aucune violation du principe de sécurité juridique ne saurait être constatée dès lors qu'aucune ambiguïté ne résulte de la rédaction de l'article 8 bis, paragraphe 2, de la directive 98/70 sur le lien entre la teneur limite en MMT dans les carburants et...

To continue reading

Request your trial
33 practice notes
  • Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 4 December 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • December 4, 2018
    ...Imperial Tobacco (C‑491/01, EU:C:2002:741); of 3 June 2008, Intertanko and Others (C‑308/06, EU:C:2008:312); of 8 July 2010, Afton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419); of 4 May 2016, Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2016:324), and Philip Morris Brands and Others (C‑547/14, EU:C:2016:325); and of 7......
  • Opinion of Advocate General Sharpston in Blaise and Others
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • March 12, 2019
    ...EU:C:2010:803, paragraphs 71 to 72. 34 Article 13(2) of the PPP Regulation. 35 See, inter alia, judgments of 8 July 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, paragraph 38; of 22 December 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, paragraphs 55 to 56; of 21 D......
  • United Kingdom v Parliament and Council
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • November 20, 2014
    ...et autres, C-408/95, EU:C:1997:532, points 37 à 39; et Commission/Conseil, 355/87, EU:C:1989:220, points 42 à 44. 65 – Arrêt Afton Chemical, C-343/09, EU:C:2010:419, points 30 et 57. 66 – Ibidem, point 33. 67 – Ibidem, point 34. 68 – En ce sens, ibidem, points 35 à 41. 69 – Arrêts Vodafone ......
  • Conclusiones de la Abogado General Sra. J. Kokott, presentadas el 13 de junio de 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 13, 2019
    ...PPU, EU:C:2016:84, point 54), du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50), du 8 juillet 2010, Afton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419, point 45) et du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter (265/87, EU:C:1989:303, point 81 Arrêts du 21 décembre 2011, Commission/P......
  • Request a trial to view additional results
49 cases
  • República de Polonia contra Parlamento Europeo y Consejo de la Unión Europea.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • March 13, 2019
    ...de impacto, sino también cualquier otra fuente de información (véanse, por analogía, las sentencias de 8 de julio de 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, apartados 36, 37 y 40, y de 4 de mayo de 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, apartados 64 a 32 Para adoptar la Directiva......
  • Arctic Paper Grycksbo AB contre Commission européenne.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • July 26, 2023
    ...della situazione che tale atto era inteso a disciplinare (v., in questo senso, sentenze dell’8 luglio 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, punti 33 e 34, e del 30 aprile 2015, Polynt e Sitre/ECHA, T‑134/13, non pubblicata, EU:T:2015:254, punto 53 e giurisprudenza ivi 132 Spetta qu......
  • Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation v Compagnie des pêches de Saint-Malo.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • September 17, 2020
    ...este sentido, las sentencias de 18 de julio de 2007, Lucchini, C‑119/05, EU:C:2007:434, apartado 56; de 8 de julio de 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, apartados 19 a 25, y de 25 de julio de 2018, Georgsmarienhütte y otros, C‑135/16, EU:C:2018:582, apartado 32 Ahora bien, a est......
  • Bayer CropScience AG and Bayer AG v European Commission.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • May 6, 2021
    ...et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 45 et jurisprudence 167 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 22 à 24 du présent arrêt et du règlement litigieux lui-mê......
  • Request a trial to view additional results
1 books & journal articles
  • A taste of its own medicine: Assessing the impact of the EU Better Regulation Agenda
    • European Union
    • Wiley European Law Journal No. 26-1-2, March 2020
    • March 1, 2020
    ...A Critical Assessment (Hart Publishing, 2018), 63.57Under I.2.58Case C-342/09, Afton Chemical v. Secretary of State for Transport, ECLI:EU:C:2010:419, para. 57.59N. Countouris and R. Horton, ‘TheTemporary Agency Work Directive: Another Broken Promise?’(2009) 38 Industrial Law Journal, 329–3......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT