Stefan Fahnenbrock and Others v Hellenische Republik.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:383
Date11 June 2015
Celex Number62013CJ0226
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-226/13
62013CJ0226

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

11 juin 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Coopération judiciaire en matière civile — Notification des actes judiciaires et extrajudiciaires — Règlement (CE) no 1393/2007 — Article 1er, paragraphe 1 — Notion de ‘matière civile ou commerciale’ — Responsabilité de l’État pour les ‘acta jure imperii’»

Dans les affaires jointes C‑226/13, C‑245/13, C‑247/13 et C‑578/13,

ayant pour objet quatre demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, dont trois introduites par le Landgericht Wiesbaden (Allemagne), par décisions des 16 et 18 avril 2013, parvenues à la Cour, respectivement, les 29 avril 2013, 2 mai 2013 ainsi que 3 mai 2013, et une introduite par le Landgericht Kiel (Allemagne), par décision du 25 octobre 2013, parvenue à la Cour le 15 novembre 2013, dans les procédures

Stefan Fahnenbrock (C‑226/13),

Holger Priestoph (C‑245/13),

Matteo Antonio Priestoph (C‑245/13),

Pia Antonia Priestoph (C‑245/13),

Rudolf Reznicek (C‑247/13),

Hans-Jürgen Kickler (C‑578/13),

Walther Wöhlk (C‑578/13),

Zahnärztekammer Schleswig-Holstein Versorgungswerk (C‑578/13)

contre

Hellenische Republik,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. S. Rodin, E. Levits, Mme M. Berger et M. F. Biltgen, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 octobre 2014,

considérant les observations présentées:

pour M. Fahnenbrock, MM. et Mme Priestoph ainsi que M. Reznicek, par Me F. Braun, Rechtsanwalt,

pour MM. Kickler et Wöhlk ainsi que la Zahnärztekammer Schleswig‑Holstein Versorgungswerk, par Me O. Hoepner, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement grec, par M. D. Kalogiros ainsi que par Mmes S. Charitaki, A. Karageorgou, S. Lekkou, M. Skorila et E. Panopoulou, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes B. Eggers et A.‑M. Rouchaud‑Joët, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, et abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil (JO L 324, p. 79).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de quatre litiges opposant, dans l’affaire C‑226/13, M. Fahnenbrock, dans l’affaire C‑245/13, MM. et Mme Priestoph, dans l’affaire C‑247/13, M. Reznicek et, dans l’affaire C‑578/13, MM. Kickler et Wöhlk ainsi que la Zahnärztekammer Schleswig‑Holstein Versorgungswerk à l’Hellenische Republik (État grec), au sujet d’actions tendant à obtenir soit une indemnité pour trouble de la possession et de la propriété, soit l’exécution contractuelle des obligations originelles venues à échéance, soit encore des dommages‑intérêts.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2, 6, 7 et 10 du règlement no 1393/2007 énoncent:

«(2)

Le bon fonctionnement du marché intérieur exige d’améliorer et d’accélérer la transmission entre les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale aux fins de signification ou de notification.

[...]

(6)

L’efficacité et la rapidité des procédures judiciaires en matière civile impliquent que la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires soit effectuée directement et par des moyens rapides entre les entités locales désignées par les États membres. [...]

(7)

La rapidité de la transmission justifie l’utilisation de tout moyen approprié, pour autant que soient respectées certaines conditions quant à la lisibilité et à la fidélité du document reçu. [...]

[...]

(10)

Afin d’assurer l’efficacité du règlement, la possibilité de refuser la signification ou la notification des actes devrait être limitée à des situations exceptionnelles.»

4

L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement en définit le champ d’application comme suit:

«Le présent règlement est applicable en matière civile et commerciale, lorsqu’un acte judiciaire ou extrajudiciaire doit être transmis d’un État membre à un autre pour y être signifié ou notifié. Il ne couvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (‘acta jure imperii’).»

5

L’article 3 dudit règlement énonce:

«Chaque État membre désigne une entité centrale chargée:

a)

de fournir des informations aux entités d’origine;

b)

de rechercher des solutions aux difficultés qui peuvent se présenter à l’occasion de la transmission des actes aux fins de signification ou de notification;

c)

de faire parvenir, dans des cas exceptionnels, à la requête de l’entité d’origine, une demande de signification ou de notification à l’entité requise compétente.

Les États fédéraux, les États dans lesquels plusieurs systèmes juridiques sont en vigueur et les États ayant des unités territoriales autonomes ont la faculté de désigner plusieurs entités centrales.»

6

L’article 4, paragraphe 1, du même règlement prévoit:

«Les actes judiciaires sont transmis directement et dans les meilleurs délais entre les entités désignées en vertu de l’article 2.»

7

L’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1393/2007 dispose:

«Si la demande de signification ou de notification ne rentre manifestement pas dans le champ d’application du présent règlement ou si le non‑respect des conditions de forme imposées rend impossible la signification ou la notification, la demande et les actes transmis sont retournés, dès leur réception, à l’entité d’origine, accompagnés de l’avis de retour dont le formulaire type figure à l’annexe I.»

Le droit grec

8

La loi no 4050/2012, du 23 février 2012, intitulée «Règles relatives à la modification des titres, à l’émission ou à la garantie de l’État grec avec l’accord des porteurs d’obligations» (FEK A’ 36/23.2.2012) fixe les modalités de la restructuration des obligations de l’État grec. Il résulte des décisions de renvoi que cette loi prévoit, pour l’essentiel, la soumission d’une offre de restructuration aux détenteurs de certaines obligations d’État grecques et l’introduction d’une clause de restructuration également connue sous la dénomination «CAC» («collective action clause») permettant de modifier les conditions d’émissions initiales des titres au moyen de décisions adoptées à la majorité qualifiée du capital restant dû et s’imposant aussi à la minorité.

9

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de cette loi, la modification des titres visés nécessite la réunion d’un quorum représentant 50 % du total de l’encours des obligations concernées, ainsi qu’une majorité qualifiée correspondant aux deux tiers du capital participant.

10

L’article 1er, paragraphe 9, de ladite loi prévoit une clause de restructuration selon laquelle la décision, adoptée par les détenteurs d’obligations, d’accepter ou de refuser l’offre de restructuration soumise par l’État grec s’applique erga omnes est contraignante pour l’ensemble des créanciers obligataires concernés et abroge toute loi générale ou particulière, toute décision administrative et tout contrat qui s’y opposerait.

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

11

Les requérants au principal, tous domiciliés en Allemagne, ont acquis des obligations de l’Hellenische Republik, qui ont été déposées sur leurs comptes titres gérés par des banques.

12

À la suite de l’adoption de la loi no 4050/2012, l’Hellenische Republik a, au mois de février 2012, proposé aux requérants au principal une offre d’échange d’emprunts prévoyant, notamment, un échange des obligations d’État grecques contre de nouvelles obligations d’État d’une valeur nominale sensiblement réduite. Afin de rendre effectif cet échange, une acceptation expresse de la part des créanciers privés était prévue.

13

Bien qu’aucun des requérants au principal n’ait fourni une telle acceptation, l’Hellenische Republik a néanmoins, au mois de mars 2012, procédé à l’échange proposé et, malgré les réclamations de ces requérants, n’a pas rendu à ces derniers la possession des titres déposés sur leurs comptes titres. Entre-temps, les obligations en cause dans l’affaire C‑578/13 étaient venues à échéance.

14

Dans ces circonstances, les requérants au principal ont introduit devant les juridictions de renvoi et contre l’Hellenische Republikdes recours tendant à obtenir soit une indemnité pour trouble de la possession et de la propriété, soit l’exécution contractuelle des obligations originelles venues à échéance, soit encore des dommages-intérêts.

15

Dans le cadre de la procédure de notification de ces recours à l’Hellenische Republik, en tant que partie défenderesse, la question s’est posée de savoir si, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1393/2007, ces mêmes recours concernaient la matière civile ou commerciale ou bien avaient pour objet un acte ou une omission d’un État commis dans l’exercice de la puissance publique.

16

En particulier, dans les litiges en cause dans les affaires C‑226/13 et C‑247/13, le Landgericht Wiesbaden a requis du Bundesamt für Justiz...

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