Tetra Pak Rausing SA v Commission of the European Communities.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:T:1990:41 |
Court | General Court (European Union) |
Date | 10 July 1990 |
Docket Number | T-51/89 |
Celex Number | 61989TJ0051 |
Procedure Type | Recurso de anulación - infundado |
Arrêt du Tribunal de première instance du 10 juillet 1990. - Tetra Pak Rausing SA contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence - Relation entre les articles 85 et 86 - Bénéfice d'une exemption par catégorie et applicabilité de l'article 86. - Affaire T-51/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page II-00309
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1 . Concurrence - Position dominante - Abus - Notion - Acquisition d' une licence exclusive de brevet par une entreprise en position dominante - Critères d' appréciation
( Traité CEE, art . 86 )
2 . Concurrence - Position dominante - Abus - Interdiction - Exemption au titre de l' article 85, paragraphe 3 - Absence d' effet exonératoire
( Traité CEE, art . 85, § 3, et 86 )
3 . Concurrence - Position dominante - Abus - Interdiction - Prise en compte d' une exemption au titre de l' article 85, paragraphe 3 - Distinction entre exemption individuelle et exemption par catégorie
( Traité CEE, art . 85, § 3, et 86 )
4 . Concurrence - Position dominante - Abus - Interdiction - Sécurité juridique assurée par une exemption par catégorie au titre de l' article 85, paragraphe 3 - Limites - Impunité pour les infractions relevant de l' article 86 - Absence
( Traité CEE, art . 85, § 3, et 86 )
5 . Concurrence - Position dominante - Abus - Interdiction - Effet direct - Application par le juge national - Exemption au titre de l' article 85, paragraphe 3 - Absence d' incidence
( Traité CEE, art . 85, § 3, et 86 )
Sommaire
1 . La simple acquisition d' une licence exclusive de brevet par une entreprise en position dominante n' est pas en soi constitutive d' un abus au sens de l' article 86 du traité . En effet, aux fins de l' application de cette disposition, doivent être prises en considération les circonstances entourant une telle acquisition et en particulier ses effets sur la structure de la concurrence sur le marché en cause .
L' acquisition par une entreprise en position dominante d' une licence exclusive de brevet portant sur un nouveau procédé industriel constitue un abus de position dominante, dès lors qu' elle a pour effet de renforcer la position, déjà très forte, de l' entreprise concernée sur un marché où la concurrence est très fortement réduite et d' empêcher, ou du moins de retarder considérablement, l' entrée d' un nouveau concurrent sur ce marché, une telle acquisition ayant pour effet d' exclure en pratique toute la concurrence sur le marché en cause .
2 . Il résulte, tant du libellé de l' article 85, paragraphe 3, du traité que de l' économie respective des articles 85 et 86, que l' octroi d' une exemption, soit individuelle, soit par catégorie, au titre de l' article 85, paragraphe 3, ne saurait en aucun cas valoir également exonération de l' interdiction énoncée à l' article 86 . En effet, alors que la mise en oeuvre de l' article 85 procède d' une démarche en deux étapes, à savoir la constatation de l' existence d' une infraction à l' article 85, paragraphe 1, puis, le cas échéant, l' exonération de l' interdiction ainsi édictée si l' entente répond néanmoins aux conditions énoncées au paragraphe 3, l' article 86 exclut, en raison de la nature même de son objet, à savoir un abus, toute possibilité d' exception à l' interdiction .
D' ailleurs, au regard des principes régissant la hiérarchie des normes, l' octroi d' une exemption au moyen d' un acte de droit dérivé ne pourrait, en dehors de toute disposition du traité l' autorisant, déroger à une disposition du traité, en l' occurrence à l' article 86 .
3 . Dès lors que l' adoption d' une décision d' exemption individuelle permet de considérer comme établies certaines caractéristiques de l' accord en cause qui seraient susceptibles d' entrer également en ligne de compte, le cas échéant, aux fins de l' application de l' article 86, la Commission doit, lors d' une procédure d' application dudit article, tenir compte, en l' absence d' évolution des circonstances de fait et de droit, des constatations antérieures effectuées au moment de l' octroi de l' exemption au titre de l' article 85, paragraphe 3 .
En revanche, l' exemption par catégorie n' est pas subordonnée, par définition, à la vérification cas par cas que les conditions de l' exemption requises par le traité sont effectivement remplies et ne peut pas être interprétée comme présentant de manière générale des effets similaires à ceux d' une attestation négative en ce qui concerne l' article 86 . Il en résulte que, lorsque des accords auxquels sont parties des entreprises en position dominante entrent dans le champ d' application d' un règlement d' exemption par catégorie, les effets de l' exemption par catégorie sur l' applicabilité de l' article 86 doivent être appréciés dans le cadre de la seule économie de l' article 86 .
4 . L' exemption par catégorie a notamment pour objectif, outre les préoccupations liées à la simplification administrative, de garantir la sécurité juridique des entreprises parties à un accord, en ce qui concerne la validité de cet accord au regard de l' article 85, tant que la Commission n' a pas retiré le bénéfice de l' exemption, mais n' exonère pas les entreprises en position dominante de l' obligation de se conformer à l' article 86 .
Une telle entreprise ne saurait donc se réclamer du principe de la sécurité juridique pour soutenir que l' octroi d' une exemption à l' interdiction des ententes, associé au pouvoir de la Commission d' en retirer le bénéfice, confère aux entreprises l' espoir légitime d' échapper à toute condamnation au titre de l' article 86 tant que la Commission n' a pas pris la décision de retirer l' exemption .
5 . Les interdictions de l' article 86 du traité ont un effet direct et engendrent pour les justiciables des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder . Par conséquent, dans la mesure où le droit communautaire admet l' applicabilité de l' article 86 à un accord bénéficiant en tant que tel d' une exemption au titre de l' article 85, paragraphe 3, la compétence du juge national d' appliquer l' article 86 ne saurait être limitée en raison de l' exemption dudit accord, l' application de cette disposition ne mettant pas en cause les principes de la primauté et de l' uniformité du droit communautaire .
Parties
Dans l' affaire T-51/89,
Tetra Pak Rausing SA, ayant son siège social à Pully-Lausanne ( Suisse ), représentée par Me M . Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, et Me C . W . Bellamy, QC, barrister of Gray' s Inn, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me E . Arendt, 34, rue Philippe-II,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM . L . M . Antunes et A . Blomefield, puis par MM . J . Currall et A . Blomefield, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l' annulation de la décision 88/501/CEE de la Commission, du 26 juillet 1988 ( JO L 272, p . 27 ), relative à une procédure d' application des articles 85 et 86 du traité CEE [IV/31.043 - Tetra Pak I ( licence BTG )],
LE TRIBUNAL,
composé de MM . J . L . Cruz Vilaça, président, D . Barrington, A . Saggio et D . A . O . Edward, présidents de chambre, C . Yeraris, R . Schintgen, C . P . Briët, B . Vesterdorf, R . Garcia-Valdecasas, J . Biancarelli et K . Lenaerts, juges,
avocat général : M . H . Kirschner
greffier : M . H . Jung
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 14 décembre 1989,
ayant entendu les conclusions de l' avocat général présentées à l' audience du 21 février 1990,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Faits et procédure
1 Par décision du 26 juillet 1988 ( JO L 272, p . 27 ) ( ci-après "décision "), la Commission a constaté qu' en acquérant, par le biais du rachat du groupe Liquipak, l' exclusivité de la licence de brevet accordée, le 27 août 1981, par le National Research and Development Council à une société du groupe Liquipak, dénommée Novus Corp, la société Tetra Pak Rausing SA a enfreint l' article 86 du traité CEE depuis la date de cette acquisition jusqu' à la date à laquelle cette exclusivité a pris fin .
2 Cette décision est intervenue dans le secteur du conditionnement des produits alimentaires liquides, en particulier du lait, dans des emballages en carton . On distingue, dans ce domaine, deux formes de conditionnement de ce type . Le lait traité à température ultrahaute ( UHT ) est conditionné, par des machines spéciales, dans des emballages en carton, qui sont stérilisés puis scellés par ces machines immédiatement après remplissage, dans des conditions aseptiques strictes . Le conditionnement du lait frais pasteurisé, en revanche, ne nécessite pas un tel degré de stérilité et fait par conséquent appel à un équipement moins sophistiqué .
3 La société destinataire de la décision ( Tetra Pak Rausing SA, ci-après "Tetra Pak "), dont le siège social se trouve en Suisse, coordonne la politique d' un groupe de sociétés d' envergure mondiale, spécialisé dans les équipements utilisés principalement pour le conditionnement du lait dans des emballages en carton . Les activités de Tetra Pak s' exercent tant dans le secteur du conditionnement du lait frais que dans celui du lait UHT . Elles consistent essentiellement à produire des emballages en carton et à fabriquer, selon une technologie propre au groupe, des machines de remplissage . En ce qui concerne le conditionnement aseptique, Tetra Pak fournit le système dit "Tetrabrik ". Dans le domaine des produits frais, elle assure également la distribution des machines provenant d' autres fabricants .
En 1985, le groupe, qui possède des filiales de fabrication et de distribution dans l' ensemble des États membres, à l' exception du Luxembourg et de la Grèce, a réalisé...
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