Marks & Spencer plc v Commissioners of Customs & Excise.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62000CJ0062
ECLIECLI:EU:C:2002:435
Docket NumberC-62/00
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 July 2002
62000J0062

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 juillet 2002. - Marks & Spencer plc contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) - Royaume-Uni. - Sixième directive TVA - Législation nationale réduisant rétroactivement un délai de prescription pour le remboursement de sommes indûment payées - Compatibilité avec les principes d'effectivité et de protection de la confiance légitime. - Affaire C-62/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-06325


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Actes des institutions - Directives - Exécution par les États membres - Nécessité d'assurer l'efficacité des directives - Obligations des juridictions nationales

(Traité CE, art. 5 et 189, al. 3 (devenus art. 10CE et 249, al. 3, CE))

2. Actes des institutions - Directives - Effet direct - Portée - Non-limitation aux cas d'absence de transposition correcte ou de transposition incorrecte - Possibilité pour les particuliers d'invoquer les dispositions assorties d'effet direct en cas d'application imparfaite des mesures de transposition

(Traité CE, art. 189, al. 3 (devenu art. 249, al. 3, CE))

Sommaire

1. L'obligation des États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l'article 5 du traité (devenu article 10CE), de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation s'imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles. Il s'ensuit que, en appliquant le droit national, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l'article 189, troisième alinéa, du traité (devenu article 249, troisième alinéa, CE).

( voir point 24 )

2. Les particuliers sont fondés à invoquer devant le juge national, à l'encontre de l'État, les dispositions d'une directive qui apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, dans tous les cas où la pleine application de celle-ci n'est pas effectivement assurée, c'est-à-dire non seulement en cas d'absence de transposition ou de transposition incorrecte de cette directive, mais aussi dans le cas où les mesures nationales qui transposent correctement ladite directive ne sont pas appliquées de manière à atteindre le résultat qu'elle vise. En effet, l'adoption de mesures nationales transposant correctement une directive n'a pas pour conséquence d'épuiser les effets de celle-ci et un État membre demeure tenu d'assurer effectivement la pleine application de la directive même après l'adoption de ces mesures.

( voir point 27 )

3. Le principe d'effectivité et le principe de protection de la confiance légitime s'opposent à une législation nationale qui réduit, avec effet rétroactif, le délai dans lequel peut être demandé le remboursement de sommes versées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, lorsque celles-ci ont été perçues en violation de dispositions de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, qui ont un effet direct, telles que celles de l'article 11, A, paragraphe 1, de ladite directive.

En effet, si le principe d'effectivité ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale réduise le délai pendant lequel peut être demandé le remboursement de sommes versées en violation du droit communautaire, c'est à la condition non seulement que le nouveau délai fixé présente un caractère raisonnable, mais également que cette nouvelle législation comporte un régime transitoire permettant aux justiciables de disposer d'un délai suffisant, après l'adoption de celle-ci, pour pouvoir introduire les demandes de remboursement qu'ils étaient en droit de présenter sous l'empire de l'ancienne législation. Un tel régime transitoire est nécessaire dès lors que l'application immédiate à ces demandes d'un délai de prescription plus court que celui précédemment en vigueur aurait pour effet de priver rétroactivement de leur droit à remboursement certains justiciables ou de ne leur laisser qu'un délai trop bref pour faire valoir ce droit.

Par ailleurs, le principe de protection de la confiance légitime s'oppose à ce qu'une modification de la législation nationale prive un assujetti, avec effet rétroactif, du droit dont il disposait antérieurement à ladite modification d'obtenir le remboursement de taxes perçues en violation de dispositions de la sixième directive ayant un effet direct.

( voir points 38, 46-47 et disp. )

Parties

Dans l'affaire C-62/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234CE, par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Marks & Spencer plc

et

Commissioners of Customs & Excise,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation du droit communautaire en matière de répétition de l'indu,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. P. Jann, président de chambre, D. A. O. Edward et A. La Pergola (rapporteur), juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Marks & Spencer, par Me D. Waelbroeck, avocat, et M. D. Milne, QC, mandatés initialement par le cabinet Walker Martineau puis par le cabinet Forbes Hall, solicitors,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de MM. K. P. E. Lasok, QC, et P. Mantle, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. P. Oliver, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Marks & Spencer, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l'audience du 18 octobre 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 24 janvier 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 14 décembre 1999, parvenue à la Cour le 28 février 2000, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a posé, en application de l'article 234CE, une question préjudicielle sur l'interprétation du droit communautaire en matière de répétition de l'indu.

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Marks & Spencer plc (ci-après «Marks & Spencer») aux Commissioners of Customs & Excise (ci-après les «Commissioners»), compétents en matière de perception de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») au Royaume-Uni, au sujet du remboursement de montants de la TVA indûment payés par ladite société.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), dispose:

«A. l'intérieur du pays

1. La base d'imposition est constituée:

a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations;

[...]»

La réglementation nationale

4 Selon les parties au principal et la juridiction de renvoi, l'article 11, A...

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