Enirisorse SpA v Sotacarbo SpA.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2006:197 |
Date | 23 March 2006 |
Celex Number | 62004CJ0237 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-237/04 |
Affaire C-237/04
Enirisorse SpA
contre
Sotacarbo SpA
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Cagliari)
«Aides d'État — Articles 87 CE et 88 CE — Notion d'"aide" — Participation d'une entreprise publique dans le capital d'une entreprise privée — Droit de retrait sous réserve d'une renonciation préalable à tout droit sur le patrimoine de la société»
Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 12 janvier 2006
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 23 mars 2006
Sommaire de l'arrêt
1. Questions préjudicielles — Recevabilité — Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire
(Art. 234 CE; statut de la Cour de justice, art. 23)
2. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites
3. Concurrence — Règles communautaires — Entreprise — Notion
4. Aides accordées par les États — Notion
(Art. 87, § 1, CE)
5. Aides accordées par les États — Notion
(Art. 87, § 1, CE)
1. La nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. Ainsi, les informations fournies dans la décision de renvoi ne doivent pas seulement permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais elles doivent également donner aux gouvernements des États membres ainsi qu'aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l'article 23 du statut de la Cour de justice. Il incombe à la Cour de veiller à ce que cette possibilité soit sauvegardée, compte tenu du fait que, en vertu de la disposition précitée, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées. Il est par ailleurs indispensable que le juge national donne un minimum d'explications sur les raisons du choix des dispositions communautaires dont il demande l'interprétation et sur le lien qu'il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige.
(cf. points 17-18, 21)
2. L'appréciation de la compatibilité de mesures d'aides ou d'un régime d'aides avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge communautaire. En conséquence, une juridiction nationale ne saurait, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel au titre de l'article 234 CE, interroger la Cour sur la compatibilité avec le marché commun d'une aide d'État ou d'un régime d'aides. Cependant, s'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d'une procédure introduite en application de l'article 234 CE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit communautaire ni d'interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent permettre à celle-ci d'apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l'affaire dont elle est saisie.
(cf. points 23-24)
3. Dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d'«entreprise» comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. À cet égard, d'une part, le mode de financement n'est pas pertinent et, d'autre part, le fait qu'une entité s'est vu confier certaines missions d'intérêt général ne saurait empêcher que les activités en cause soient considérées comme des activités économiques.
(cf. points 28-29, 33-34)
4. La qualification d'aide requiert que toutes les conditions visées à l'article 87, paragraphe 1, CE soient remplies. Ainsi, premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.
La notion d'aide comprend non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques.
(cf. points 38-39, 42)
5. Une réglementation nationale, qui accorde aux associés d'une société contrôlée par l'État une faculté, dérogatoire au droit commun, de retrait de cette société à la condition de renoncer à tout droit sur le patrimoine de ladite société, n'est pas susceptible d'être qualifiée d'aide d'État au sens de l'article 87 CE.
(cf. point 51)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
23 mars 2006 (*)
«Aides d’État − Articles 87 CE et 88 CE − Notion d’‘aide’ – Participation d’une entreprise publique dans le capital d’une entreprise privée – Droit de retrait sous réserve d’une renonciation préalable à tout droit sur le patrimoine de la société»
Dans l’affaire C-237/04,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale di Cagliari (Italie), par décision du 14 mai 2004, parvenue à la Cour le 7 juin 2004, dans la procédure
Enirisorse SpA
contre
Sotacarbo SpA,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. R. Schintgen (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. P. Kūris et G. Arestis, juges,
avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 octobre 2005,
considérant les observations présentées:
– pour Enirisorse SpA, par Mes G. Dore et C. Dore, avvocati,
– pour Sotacarbo SpA, par Mes F. Angioni, D. Scano, G. M. Roberti et I. Perego, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. V. Di Bucci et Mme E. Righini, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 janvier 2006,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE, 44 CE, 48 CE, 49 CE et suivants en matière de liberté d’établissement et de libre prestation des services ainsi que sur l’article 87 CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Enirisorse SpA (ci-après «Enirisorse») à Sotacarbo SpA (ci-après «Sotacarbo») au sujet du refus de cette dernière de rembourser à Enirisorse la contre-valeur des actions que celle-ci détenait dans Sotacarbo lors de son retrait du capital de Sotacarbo.
Le cadre juridique national
3 L’article 2437 du code civil italien dispose:
«Les associés opposés aux décisions concernant le changement d’objet ou de type de la société, ou le transfert du siège social à l’étranger, ont le droit de se retirer de la société et d’obtenir le remboursement de leurs actions, au prix moyen pratiqué pendant les six derniers mois, si les actions sont cotées en bourse ou, dans le cas contraire, en proportion du patrimoine social résultant du bilan du dernier exercice.
La déclaration de retrait doit être notifiée par lettre recommandée par les associés qui ont pris part à l’assemblée dans les trois jours au plus de la clôture de celle-ci, et par les associés qui n’ont pas assisté à l’assemblée dans les quinze jours au plus de la date de l’inscription de la décision sur le registre des décisions des entreprises.
Est nulle toute clause excluant le droit de retrait ou en rendant l’exercice plus onéreux.»
4 Aux termes de l’article 5 de la loi n° 351 du 27 juin 1985 (GURI n° 166, du 16 juillet 1985, p. 5019, ci-après la «loi n° 351/1985»):
«1. L’ENI, l’ENEL et l’ENEA sont autorisées à constituer une société anonyme ayant pour objet de développer des technologies innovantes et avancées dans l’utilisation du charbon (enrichissement, techniques de combustion, liquéfaction, gazéification, carbochimie, etc.) à travers:
a) la création, en Sardaigne, du centre de recherche visé à l’article 1, point m), de la loi n° 110 du 9 mars 1985;
b) le projet et la réalisation d’installations permettant des innovations technologiques dans l’utilisation du charbon;
c) la réalisation d’installations industrielles pour utiliser le charbon à d’autres fins que la combustion.
2. Les frais pour la constitution de la société anonyme visée au présent article sont imputés sur les crédits prévus à l’article 6 de la présente loi.
[…]
4. Les entités visées au paragraphe premier du présent article sont autorisées à contribuer, soit par leurs fonds propres, soit par...
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