Sophie Mukarubega v Préfet de police and Préfet de la Seine-Saint-Denis.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2336
Date05 November 2014
Celex Number62013CJ0166
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑166/13
62013CJ0166

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

5 novembre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes — Directive 2008/115/CE — Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier — Procédure d’adoption d’une décision de retour — Principe du respect des droits de la défense — Droit d’un ressortissant de pays tiers en situation irrégulière d’être entendu avant l’adoption d’une décision susceptible d’affecter ses intérêts — Refus de l’administration, assorti d’une obligation de quitter le territoire, d’octroyer à un tel ressortissant un titre de séjour au titre de l’asile — Droit d’être entendu avant que la décision de retour soit rendue»

Dans l’affaire C‑166/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal administratif de Melun (France), par décision du 8 mars 2013, parvenue à la Cour le 3 avril 2013, dans la procédure

Sophie Mukarubega

contre

Préfet de police,

Préfet de la Seine-Saint-Denis,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), E. Juhász, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mai 2014,

considérant les observations présentées:

pour Mme Mukarubega, par Me B. Vinay, avocat,

pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, D. Colas et F.‑X. Bréchot, ainsi que par Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par Mmes M. Michelogiannaki et L. Kotroni, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par M. J. Langer et Mme M. Bulterman, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Condou-Durande et D. Maidani, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 juin 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO L 348, p. 98), ainsi que du droit d’être entendu dans toute procédure.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Mukarubega, ressortissante rwandaise, au préfet de police et au préfet de la Seine-Saint-Denis, concernant des décisions rejetant sa demande de titre de séjour en qualité de réfugié et portant obligation de quitter le territoire français.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 4, 6 et 24 de la directive 2008/115 sont libellés comme suit:

«(4)

Il est nécessaire de fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée.

[...]

(6)

Les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier [...]

[...]

(24)

La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la «Charte»].»

4

L’article 1er de ladite directive, intitulé «Objet», prévoit:

«La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme.»

5

L’article 2, paragraphe 1, de la même directive énonce:

«La présente directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.»

6

Aux termes de l’article 3 de la directive 2008/115, intitulé «Définitions»:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

2)

‘séjour irrégulier’: la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou [...] plus, les conditions [...] d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre;

[...]

4)

‘décision de retour’: une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour;

5)

‘éloignement’: l’exécution de l’obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l’État membre;

[...]

7)

‘risque de fuite’: le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite;

[...]»

7

L’article 6 de ladite directive, intitulé «Décision de retour», énonce:

«1. Les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

[...]

4. À tout moment, les États membres peuvent décider d’accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n’est prise. Si une décision de retour a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour.

[...]

6. La présente directive n’empêche pas les États membres d’adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu’une décision de retour et/ou une décision d’éloignement et/ou d’interdiction d’entrée dans le cadre d’une même décision ou d’un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale, sans préjudice des garanties procédurales offertes au titre du chapitre III ainsi que d’autres dispositions pertinentes du droit communautaire et du droit national.»

8

L’article 7 de la même directive, intitulé «Départ volontaire», dispose:

«1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4.

[...]

4. S’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours.»

9

L’article 12 de la directive 2008/115, intitulé «Forme», prévoit à son paragraphe 1, premier alinéa:

«Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles.»

10

L’article 13 de ladite directive, intitulé «Voies de recours», prévoit à ses paragraphes 1 et 3:

«1. Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

[...]

3. Le ressortissant concerné d’un pays tiers a la possibilité d’obtenir un conseil juridique, une représentation juridique et, en cas de besoin, une assistance linguistique.»

Le droit français

11

Aux termes de l’article L. 511‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, tel que modifié par la loi no 2011‑672, du 16 juin 2011, relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (JORF du 17 juin 2011, p. 10290, ci-après le «Ceseda»):

«I.

L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne [...] et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l’article L. 121‑1, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants:

[...]

Si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré;

[...]

Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé.

La décision énonçant l’obligation de quitter le territoire français est motivée.

Elle n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent...

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