Eqiom SAS, formerly Holcim France SAS and Enka SA v Ministre des Finances et des Comptes publics.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:641
Docket NumberC-6/16
Celex Number62016CJ0006
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 September 2017
62016CJ0006

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

7 septembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité directe – Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Retenue à la source – Directive 90/435/CEE – Article 1er, paragraphe 2 – Article 5, paragraphe 1 –Exonération – Dividendes distribués par une filiale résidente à une société mère non-résidente détenue d’une manière directe ou indirecte par des résidents d’États tiers – Présomption – Fraude, évasion et abus fiscaux »

Dans l’affaire C‑6/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 30 décembre 2015, parvenue à la Cour le 6 janvier 2016, dans la procédure

Eqiom SAS, anciennement Holcim France SAS,

Enka SA

contre

Ministre des Finances et des Comptes publics,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. A. Arabadjiev et C.G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2016,

considérant les observations présentées :

pour Eqiom SAS et Enka SA, par Me R. Alberti, avocat,

pour le gouvernement français, par M. D. Colas et Mme S. Ghiandoni, en qualité d’agents,

pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning et Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González et Mme V. Ester Casas, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. E. De Bonis, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et L. Pamukcu, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 janvier 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 et 63 TFUE ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 1990, L 225, p. 6), telle que modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 (JO 2004, L 7, p. 41) (ci-après la « directive mères-filiales »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Eqiom SAS, anciennement Holcim France SAS, venant aux droits de la société Euro Stockage, et Enka SA à l’administration fiscale française au sujet du refus opposé par cette dernière d’exonérer de retenue à la source des dividendes distribués par Euro Stockage à Enka, société mère d’Euro Stockage.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les troisième et cinquième considérants de la directive mères-filiales sont ainsi libellés :

« considérant que les dispositions fiscales actuelles régissant les relations entre sociétés mères et filiales d’États membres différents varient sensiblement d’un État membre à l’autre et sont, en général, moins favorables que celles applicables aux relations entre sociétés mères et filiales d’un même État membre ; que la coopération entre sociétés d’États membres différents est, de ce fait, pénalisée par rapport à la coopération entre sociétés d’un même État membre ; qu’il convient d’éliminer cette pénalisation par l’instauration d’un régime commun et de faciliter ainsi les regroupements de sociétés à l’échelle communautaire ;

[...]

considérant qu’il convient par ailleurs, pour assurer la neutralité fiscale, d’exempter de retenue à la source, sauf dans certains cas particuliers, les bénéfices qu’une société filiale distribue à sa société mère ; [...] »

4

L’article 1er de cette directive énonce :

« 1. Chaque État membre applique la présente directive :

aux distributions de bénéfices reçues par des sociétés de cet État et provenant de leurs filiales d’autres États membres,

aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État à des sociétés d’autres États membres dont elles sont les filiales,

[...]

2. La présente directive ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d’éviter les fraudes et abus. »

5

L’article 5, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont exonérés de retenue à la source. »

Le droit français

6

Le code général des impôts, dans sa version applicable à la date des faits au principal (ci-après le « CGI »), dispose, à son article 119 bis, paragraphe 2, premier alinéa :

« Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par l’article 187-1 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Un décret fixe les modalités et conditions d’application de cette disposition. »

7

L’article 119 ter du CGI prévoit :

« 1. La retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis n’est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal.

2. Pour bénéficier de l’exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu’elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu’elle remplit les conditions suivantes :

a)

Avoir son siège de direction effective dans un État membre de la Communauté européenne et n’être pas considérée, aux termes d’une convention en matière de double imposition conclue avec un État tiers, comme ayant sa résidence fiscale hors de la Communauté ;

b)

Revêtir l’une des formes énumérées sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l’économie conformément à l’annexe à la [directive mères-filiales] ;

c)

Détenir directement, de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 % au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes, ou prendre l’engagement de conserver cette participation de façon ininterrompue pendant un délai de deux ans au moins et désigner, comme en matière de taxes sur le chiffre d’affaires, un représentant qui est responsable du paiement de la retenue à la source visée au 1 en cas de non-respect de cet engagement ;

Le taux de participation prévu à l’alinéa précédent est ramené à 20 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2006, à 15 % pour les dividendes distribués entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008 et à 10 % pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2009 ;

d)

Être passible, dans l’État membre où elle a son siège de direction effective, de l’impôt sur les sociétés de cet État, sans possibilité d’option et sans en être exonérée.

[...]

2 bis. Les dispositions du 1 s’appliquent aux dividendes distribués aux établissements stables des personnes morales remplissant les conditions fixées au 2, lorsque ces établissements stables sont situés en France ou dans un autre État membre de la Communauté européenne.

3. Les dispositions du 1 ne s’appliquent pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d’États qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n’a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

Eqiom, anciennement Holcim France, venant aux droits d’Euro Stockage, société de droit français, est une filiale d’Enka, société de droit luxembourgeois, qui la détient à 100 %. Cette dernière société est elle-même détenue à plus de 99 % par Waverley Star Investments Ltd, société de droit chypriote, elle-même entièrement contrôlée par Campsores Holding SA, société établie en Suisse.

9

Euro Stockage a versé au cours des années 2005 et 2006 des dividendes à sa société mère, Enka. À l’issue de la vérification de comptabilité dont cette première société a fait l’objet, l’administration fiscale française a mis à la charge de cette société la retenue à la source prévue à l’article 119 bis, paragraphe 2, du CGI.

10

Ces deux sociétés ont alors sollicité le bénéfice de l’exonération de retenue à la source prévue à l’article 119 ter de ce code. Cette administration a toutefois opposé un refus à leur demande sur le fondement de l’article 119 ter, paragraphe 3, dudit code qui prévoit qu’une telle exonération ne s’applique pas lorsque des dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d’États qui ne sont pas membres de l’Union européenne, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n’a pas comme objet principal ou, comme l’un de ses objectifs principaux, de tirer avantage de l’exonération.

11

Lesdites sociétés ont saisi le tribunal administratif de Montreuil (France) d’un recours tendant à la décharge de retenue à la source en cause. Leur recours ayant été rejeté par un jugement du 28 avril 2011, elles ont interjeté appel de celui-ci devant la cour administrative d’appel de Versailles (France), qui a confirmé ce rejet.

12

Ces mêmes sociétés ont alors introduit un pourvoi devant le Conseil d’État...

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