Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME STIX-HACKL
présentées le 20 novembre 2003(1)
Affaire C-164/01 P
G. van den Berg
contre
Conseil de l'Union européenne
et
Commission des Communautés européennes
«Pourvoi – Recours en indemnité – Responsabilité non contractuelle – Conditions – Quotas laitiers – Règlement (CEE) n° 857/84 – Quantité de référence – Producteurs ayant pris un engagement de non-commercialisation – Lien de causalité – Changement d'exploitation – Transfert de la quantité de référence – Prescription – Interruption – Suspension»
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Dispositions régissant l’attribution d’une quantité de référence qui intéressent spécialement le transfert d’une exploitation |
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Actes du Conseil et de la Commission relatifs à l’indemnisation de producteurs SLOM |
IV ─ Procédure devant le Tribunal de première instance et arrêt attaqué |
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Motifs de l'arrêt consacrés à la responsabilité de la Communauté |
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Motifs de l'arrêt consacrés à la prescription |
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VI ─ Appréciation juridique |
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Arguments principaux des parties |
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Arguments principaux des parties |
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Sur l’interruption ou la suspension de la prescription des droits à indemnisation en général |
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Sur l’appréciation de la prescription dans l’arrêt attaqué en particulier |
I ─ Introduction
1.
Le présent pourvoi est dirigé contre l’arrêt que le Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre)
a rendu le 31 janvier 2001 dans l’affaire Van den Berg/Conseil et Commission
(2)
(ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours en indemnité que le producteur
de lait néerlandais M. Gerhardus van den Berg avait formé contre le Conseil et la Commission.
2.
Ce recours s’inscrit dans un très vaste ensemble de litiges concernant en substance les droits et obligations, dans le régime
des quotas laitiers, des producteurs dits «SLOM»
(3)
qui sont des producteurs qui s’étaient engagés au titre du
règlement (CEE) n° 1078/77
(4)
à ne pas commercialiser de lait ni de produits laitiers pendant cinq ans (ci-après l’«engagement de non-commercialisation»)
ou à reconvertir le cheptel laitier en cheptel à viande (ci-après l’«engagement de reconversion»).
3.
Cette problématique est née du fait que le régime des quotas laitiers mis en place à partir du 1
er avril 1984 ─ limitant la production laitière en fixant des quantités de référence assorties de prélèvements en cas de dépassement
─ n’avait pas pris en compte le statut des producteurs SLOM. En effet, aux termes du
règlement (CEE) n° 857/84 du Conseil,
du 31 mars 1984, dans sa version initiale
(5)
, régissant le calcul de chacune des quantités de référence, les quantités de référence devaient être fixées en fonction des
livraisons de lait d’une année de référence recoupant en tout ou en partie, ainsi que l’on s’en est aperçu, les périodes des
engagements de non-commercialisation pris par les producteurs SLOM. Ces producteurs laitiers n’ont dès lors pas reçu de quantité
de référence ─ faute d’avoir produit du lait au cours de l’année de référence ─ et ne pouvaient donc pas produire de lait
exempté de prélèvement.
4.
Les inconvénients que les producteurs SLOM en ont ressentis et qui se sont en partie poursuivis à la suite des «mesures correctrices»
ultérieures du législateur communautaire et «enrichis» sous plusieurs aspects juridiques occupent à présent depuis plus d’une
décennie les juridictions communautaires à différents titres et ont également trouvé un écho dans un ensemble d’actes de droit
dérivé. Ces arrêts et ces mesures de droit dérivé, qui ont pour objet tantôt les (la validité des) régimes d’attribution des
quantités de référence en tant que tels, tantôt l’indemnisation des producteurs SLOM pour le préjudice né de ces régimes,
forment le contexte juridique, que nous décrirons plus avant ci-après, dans lequel la présente affaire s’inscrit.
5.
Dans les conclusions que nous avons présentées le 18 septembre 2003 dans l’affaire Bouma et Beusmans/Conseil et Commission
(6)
, nous avons déjà pris position sur la problématique de la responsabilité envers les producteurs SLOM, centrée avant tout
dans chaque affaire sur la question de savoir si la responsabilité de la Communauté dépend de la reprise de la production
à l’issue de l’engagement de non-commercialisation ou à tout le moins de l’intention que le producteur SLOM aurait manifestée
en ce sens.
6.
Le présent pourvoi soulève en particulier deux questions dans un contexte comparable en fait et en droit: d’une part, dans
l’arrêt attaqué, le Tribunal a-t-il considéré à juste titre que la responsabilité de la Communauté pour le dommage subi en
raison de la non-attribution d’une quantité de référence prend fin lorsque le producteur SLOM en question change d’exploitation
et, d’autre part, le Tribunal a-t-il correctement déterminé que les droits à indemnisation faisant l’objet du recours sont
déjà prescrits en l’absence d’interruption ou de suspension de la prescription?
II ─ Cadre juridique
7.
Nous nous contenterons de reproduire ci-dessous les textes communautaires directement invoqués dans les moyens du pourvoi.
En ce qui concerne le cadre juridique plus large dans lequel la présente affaire s’inscrit elle aussi, nous renvoyons au cadre
juridique exposé dans les conclusions que nous avons présentées le 18 septembre 2003 dans l’affaire Bouma et Beusmans/Conseil
et Commission
(7)
.
A –
Dispositions régissant l’attribution d’une quantité de référence qui intéressent spécialement le transfert d’une exploitation
8.
Aux termes du paragraphe 1 que le
règlement (CEE) n° 764/89 du Conseil, du 20 mars 1989, modifiant le
règlement n° 857/84
(8)
, a inséré à l’
article 3 bis de ce dernier règlement, le producteur reçoit provisoirement, à sa demande, une quantité de référence
spécifique, à condition qu’il:
- «a)
- n’ait pas [...] cédé en totalité son exploitation laitière avant l’échéance de la période de non-commercialisation ou de reconversion;
- b)
- établisse à l’appui de sa demande [...] qu’il est en mesure de produire sur son exploitation jusqu’à hauteur de la quantité
de référence demandée».
9.
Aux termes de l’
article 3 bis, paragraphe 1, du
règlement (CEE) n° 1546/88 de la Commission, du 3 juin 1988, fixant les modalités
d’application du prélèvement supplémentaire visé à l’
article 5 quater du
règlement (CEE) n° 804/68
(9)
, dans la version du
règlement (CEE) n° 1033/89 de la Commission, du 20 avril 1989
(10)
, la demande d’attribution d’une quantité spécifique de référence est introduite par le producteur «auprès de l’autorité compétente
désignée par l’État membre [...] et à condition que le producteur puisse prouver qu’il gère encore, en tout ou en partie,
la même exploitation que celle qu’il gérait au moment de [...] sa demande d’octroi de la prime».
10.
Il convient donc de se référer à l’
article 7 du
règlement n° 857/84 dans sa version modifiée par le
règlement (CEE) n° 590/85
du Conseil, du 26 février 1985
(11)
, qui se lit comme suit par extraits:
«1. En cas de vente, location ou transmission par héritage d’une exploitation, la quantité de référence correspondante est
transférée totalement ou partiellement à l’acquéreur, au locataire ou à l’héritier selon des modalités à déterminer.
En cas de transfert de terres aux autorités publiques et/ou pour cause d’utilité publique, sans préjudice du paragraphe 3
deuxième alinéa, les États membres peuvent prévoir que tout ou partie de la quantité de référence correspondant à l’exploitation
ou à la partie d’exploitation qui est l’objet du transfert soit mise à la disposition du producteur sortant, s’il entend continuer
la production laitière.
[...]
4. Dans le cas de baux ruraux arrivant à expiration, si le preneur n’a pas droit à la reconduction du bail dans des conditions
analogues, les États membres peuvent prévoir que tout ou partie de la quantité de référence correspondant à l’exploitation
qui est l’objet du bail soit mise à la disposition du preneur sortant, s’il entend continuer la production laitière.»
11.
À cet égard, l’article 7 du règlement n° 1546/88 comporte à nouveau les dispositions d’application suivantes:
«Pour l’application de l’
article 7 du
règlement (CEE) n° 857/84, et sans préjudice du paragraphe 3 dudit article, les quantités
de référence des producteurs et des acheteurs, dans le cadre des formules A et B, et des producteurs vendant directement à
la consommation sont transférées dans les conditions suivantes:
- 1)
- en cas de vente, location ou transmission par héritage de la totalité d’une exploitation, la quantité de référence correspondante
est transférée au producteur qui reprend l’exploitation;
- 2)
- en cas de vente, location ou transformation par héritage d’une ou plusieurs parties d’une exploitation, la quantité de référence
correspondante est répartie entre les producteurs qui reprennent l’exploitation en fonction des surfaces utilisées pour la
production laitière ou d’autres critères objectifs établis par les États membres. Les États membres peuvent ne pas prendre
en compte les parties transférées dont la surface utilisée pour la production laitière est inférieure à une superficie minimale
qu’ils déterminent. La partie de la quantité de référence...