Opinion of Advocate General Hogan delivered on 4 June 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:430
Date04 June 2020
Celex Number62019CC0454
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 4 juin 2020(1)

Affaire C454/19

Staatsanwaltschaft Heilbronn

contre

ZW

[demande de décision préjudicielle formée par l’Amtsgericht Heilbronn (tribunal de district de Heilbronn, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Article 18 TFUEArticle 21 TFUE – Citoyenneté de l’Union – Droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Directive 2004/38/CE – Article 27 – Infraction d’enlèvement d’enfant – Enfant placé sous l’autorité d’un représentant légal – Parent privé d’une partie de son autorité parentale déplaçant l’enfant à l’étranger sans l’accord préalable du représentant légal »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18 et 21 TFUE et de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée contre ZW, qui fait l’objet de poursuites en tant que co‑auteur d’une infraction consistant en l’enlèvement d’un mineur qui est son fils.

3. Les questions posées par la juridiction de renvoi concernent une nouvelle fois la portée du droit à la libre circulation des citoyens de l’Union. La réponse apportée par la Cour permettra également de clarifier, dans le contexte spécifique de l’enlèvement d’enfants, le champ d’application de l’article 27 de la directive 2004/38, qui autorise les États membres à restreindre la libre circulation pour des raisons d’ordre public.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international

4. L’article 12 de la convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue le 25 octobre 1980 à La Haye (ci‑après la « convention de La Haye de 1980 »), dispose :

« Lorsqu’un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l’article 3 et qu’une période de moins d’un an s’est écoulée à partir du déplacement ou du non‑retour au moment de l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’État contractant où se trouve l’enfant, l’autorité saisie ordonne son retour immédiat.

[…] »

B. Le droit de l’Union

1. La directive 2004/38

5. L’article 27 de la directive 2004/38 est la première disposition du chapitre VI, intitulé « Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ». Cette disposition se lit comme suit :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.

[…] »

2. Le règlement (CE) no 2201/2003

6. Les considérants 17 et 21 du règlement (CE) nº 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) nº 1347/2000 (3) sont libellés comme suit :

« 17. En cas de déplacement ou de non‑retour illicite d’un enfant, son retour devrait être obtenu sans délai et à ces fins la convention de La Haye du 25 octobre 1980 devrait continuer à s’appliquer telle que complétée par les dispositions de ce règlement et en particulier de l’article 11. Les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a été déplacé ou retenu illicitement devraient être en mesure de s’opposer à son retour dans des cas précis, dûment justifiés. Toutefois, une telle décision devrait pouvoir être remplacée par une décision ultérieure de la juridiction de l’État membre de la résidence habituelle de l’enfant avant son déplacement ou non‑retour illicites. Si cette décision implique le retour de l’enfant, le retour devrait être effectué sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure pour la reconnaissance et l’exécution de ladite décision dans l’État membre où se trouve l’enfant enlevé.

[…]

21. La reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membre devraient reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non‑reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire. »

7. L’article 42 du règlement nº 2201/2003 relève du champ d’application de la section 4, intitulée « Force exécutoire de certaines décisions relatives au droit de visite et de certaines décisions ordonnant le retour de l’enfant ». Selon cette disposition :

« 1. Le retour de l’enfant visé à l’article 40, paragraphe 1, point b), résultant d’une décision exécutoire rendue dans un État membre est reconnu et jouit de la force exécutoire dans un autre État membre sans qu’aucune déclaration lui reconnaissant force exécutoire ne soit requise et sans qu’il ne soit possible de s’opposer à sa reconnaissance si la décision a été certifiée dans l’État membre d’origine conformément au paragraphe 2.

Même si le droit national ne prévoit pas la force exécutoire de plein droit, nonobstant un éventuel recours, d’une décision ordonnant le retour de l’enfant visée à l’article 11, paragraphe 8, la juridiction d’origine peut déclarer la décision exécutoire.

2. Le juge d’origine qui a rendu la décision visée à l’article 40, paragraphe 1, point b), ne délivre le certificat visé au paragraphe 1 que si :

a) l’enfant a eu la possibilité d’être entendu, à moins qu’une audition n’ait été jugée inappropriée eu égard à son âge ou à son degré de maturité,

b) les parties ont eu la possibilité d’être entendues, et que

c) la juridiction a rendu sa décision en tenant compte des motifs et des éléments de preuve sur la base desquels avait été rendue la décision prise en application de l’article 13 de la convention de La Haye de 1980.

Au cas où la juridiction ou toute autre autorité prend des mesures en vue d’assurer la protection de l’enfant après son retour dans l’État de sa résidence habituelle, le certificat précise les modalités de ces mesures.

Le juge d’origine délivre de sa propre initiative ledit certificat, en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe IV (certificat concernant le retour de l’enfant).

Le certificat est rempli dans la langue de la décision. »

C. Le droit allemand

8. L’article 25 du Strafgesetzbuch (code pénal, ci‑après le « StGB ») dispose :

« 1) Quiconque commet une infraction personnellement ou par l’intermédiaire d’une autre personne est puni en tant qu’auteur de l’infraction.

2) Lorsque l’infraction est commise de façon conjointe par plusieurs personnes, chaque personne est punie en tant qu’auteur (co-auteur). »

9. L’article 235 du StGB énonce comme suit :

« 1) Est puni d’une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à cinq ans ou à une amende quiconque soustrait ou ne remet pas aux parents, à l’un des parents, au tuteur ou au curateur

1. une personne âgée de moins de 18 ans, par la violence, la menace d’un mal sensible ou la ruse, ou

2. un enfant avec lequel il n’a pas de lien de parenté.

2) Est puni de la même peine quiconque

1. soustrait un enfant aux parents, à l’un des parents, au tuteur ou au curateur, dans le but de le déplacer à l’étranger, ou

2. ne remet pas aux parents, à l’un des parents, au tuteur ou au curateur un enfant se trouvant à l’étranger après que celui‑ci y a été déplacé ou qu’il s’y est rendu.

3) Dans les cas visés au paragraphe 1, point 2, et au paragraphe 2, point 1, la tentative est également passible de poursuites pénales.

4) Une peine privative de liberté d’un à dix ans est prononcée lorsque l’auteur des faits

1. expose la victime, du fait de l’infraction, au risque de mort ou d’atteinte grave à sa santé ou de préjudice important affectant son développement physique ou psychique, ou

2. commet l’infraction contre une rémunération ou dans l’intention de s’enrichir ou d’enrichir un tiers.

5) Si, du fait de l’infraction, l’auteur a causé la mort de la victime, la peine privative de liberté ne peut être inférieure à trois ans.

6) Dans les cas visés au paragraphe 4 dont la gravité est moindre, une peine privative de liberté de 6 mois à 5 ans est prononcée, dans les cas visés au paragraphe 5 dont la gravité est moindre, une peine privative de liberté d’un à dix ans est prononcée.

7) L’enlèvement de mineurs, dans les cas visés aux paragraphes 1 à 3, ne donne lieu à poursuites qu’en cas de plainte, sauf si l’autorité chargée des poursuites estime qu’un intérêt général particulier à l’exercice de poursuites requiert son intervention d’office. »

III. Les faits au principal

10. La présente affaire trouve son origine dans une procédure pénale engagée en Allemagne contre ZW, de nationalité roumaine et résidant en Allemagne, pour enlèvement international de son propre enfant, AW.

11. AW, de nationalité roumaine, réside avec sa mère en Allemagne depuis 2009. Les parents d’AW sont séparés et son père roumain vit en Roumanie. En raison de ses problèmes de comportement, l’enfant a été placé, avec l’accord des parents, dans...

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