The Queen v Minister of Agriculture, Fisheries and Food and Secretary of State for Health, ex parte: Fedesa and others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1990:109
Docket NumberC-331/88
Celex Number61988CC0331
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 March 1990
EUR-Lex - 61988C0331 - FR 61988C0331

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 8 mars 1990. - The Queen contre Minister of Agriculture, Fisheries and Food et Secretary of State for Health, ex parte: Fedesa e.a. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Substances à effet hormonal - Validité de la directive 88/146/CEE. - Affaire C-331/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-04023


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Saisie d' un recours contre le règlement transposant en droit britannique la directive 88/146/CEE du Conseil, du 7 mars 1988, interdisant l' utilisation de certaines substances à effet hormonal dans les spéculations animales ( 1 ), la High Court of Justice nous pose sept questions relatives à la validité de cet acte .

2 . Avant de passer en revue ces questions, dont le texte intégral figure au rapport d' audience, je voudrais rappeler que la directive 88/146 se situe dans la suite de la directive 81/602/CEE, du 31 juillet 1981 ( 2 ).

3 . Alors que l' article 2 de celle-ci interdisait, en principe, l' administration à un animal d' exploitation, par quelque moyen que ce soit, de substances à effet thyréostatique et de substances à effet oestrogène, androgène ou gestagène, son article 5 autorisait, jusqu' à une décision ultérieure du Conseil, le maintien des réglementations nationales en vigueur permettant l' administration d' oestradiol 17ss, de progestérone, de testostérone, de trenbolone et de zéranol aux fins d' engraissement .

4 . L' article 2 de la directive 88/146, par contre, stipule que les États membres ne peuvent plus autoriser aucune dérogation à l' article 2 de la directive 81/602 . Toutefois, l' administration, dans un but de traitement thérapeutique, d' oestradiol 17ss, de testostérone et de progestérone peut être autorisée . L' utilisation des cinq hormones à des fins d' engraissement est donc désormais interdite . Le trenbolone et le zéranol ne peuvent même plus être administrés à des fins thérapeutiques .

5 . La motivation de la directive 88/146 est la suivante . Le Conseil a fait tout d' abord deux constatations, à savoir que :

- l' administration à des animaux d' exploitation de certaines substances à effet hormonal est actuellement réglementée de façon différente dans les États membres, et cela en raison d' appréciations divergentes au sujet des conséquences de l' administration de ces substances sur la santé humaine;

- cette divergence conduit à une distorsion des conditions de concurrence entre des productions faisant l' objet d' organisations communes de marché et à des entraves importantes dans les échanges intracommunautaires .

6 . Le Conseil a tiré de ces constatations une première conclusion, à savoir qu' il était

"donc nécessaire de mettre fin à ces distorsions et à ces obstacles en assurant, ce faisant, à tous les consommateurs des conditions d' approvisionnement des produits en cause qui sont sensiblement identiques, tout en leur fournissant un produit qui répond au mieux à leurs soucis et à leur attente; que les possibilités d' écoulement des produits en cause ne peuvent qu' en bénéficier ".

Le Conseil a, enfin, conclu qu' il convenait,

"dès lors, d' interdire l' utilisation des substances hormonales à des fins d' engraissement ".

7 . Rappelons aussi que la directive en cause est identique à la directive 85/649/CEE ( 3 ), que vous avez annulée par votre arrêt du 23 février 1988 parce qu' elle avait été adoptée en violation du règlement intérieur du Conseil ( 4 ). Certaines des questions posées par le juge de renvoi font allusion à des points déjà tranchés par la Cour dans l' arrêt précité . Les autres concernent, cependant, des points non alors décidés par la Cour . Dans un souci de clarté, j' aborderai successivement les sept questions posées, même si les cinq premières sont liées entre elles et si certains arguments substantiellement identiques sont invoqués plusieurs fois .

Quant à la violation du principe de sécurité juridique

8 . Strictement parlant, la notion de "sécurité juridique" traduit l' idée qu' il ne doit pas exister de doute quant au droit applicable à un moment donné dans un domaine donné ni, par conséquent, quant au caractère licite ou illicite de certains actes ou comportements .

9 . Il est cependant clair, compte tenu des explications du juge de renvoi et des observations des requérantes au principal, que ce n' est pas dans ce sens que les mots de "sécurité juridique" sont employés dans cette question .

10 . Ainsi que l' explique le gouvernement britannique, la première question vise, en fait, à savoir si une mesure qui est présentée comme fondée sur l' existence d' appréciations divergentes des États membres et les soucis et attentes des consommateurs, mais sans qu' aucune preuve scientifique ne soit apportée à l' appui de ces appréciations et soucis peut être considérée comme valide . Pour les requérantes au principal comme pour le gouvernement britannique, la réponse à cette question doit être négative . Mais, aux yeux du gouvernement britannique, l' illégalité résulte d' une atteinte au principe de la confiance légitime plutôt que d' une violation du principe de sécurité juridique . Les fabricants, distributeurs et utilisateurs des substances visées par la directive contestée étaient, selon le Royaume-Uni, en droit de s' attendre qu' il ne soit pas interdit de les administrer à des fins non thérapeutiques, sauf à fonder l' interdiction sur des preuves scientifiques démontrant qu' elles n' étaient pas d' une innocuité suffisante et d' une qualité et d' une efficacité adéquates ( voir les points 9 à 11 des observations du gouvernement du Royaume-Uni ). Que faut-il en penser?

11 . Il résulte, à mon avis, clairement de l' ensemble du contexte et de la motivation de la directive que, au moment de l' adoption de celle-ci, le Conseil se trouvait devant l' une de ces situations économiques et politiques complexes dans lesquelles la Cour lui reconnaît traditionnellement un large pouvoir discrétionnaire .

12 . Rappelons que, dans l' arrêt Roquette du 29 octobre 1980 ( 5 ), vous avez constaté que :

"Lorsque la mise en oeuvre par le Conseil de la politique agricole commune implique la nécessité d' évaluer une situation économique complexe, le pouvoir discrétionnaire dont il jouit ne s' applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base en ce sens, notamment qu' il est loisible au Conseil de se fonder, le cas échéant, sur des constatations globales . En contrôlant l' exercice d' une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner si elle n' est pas entachée d' une erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l' autorité en question n' a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d' appréciation ."

13 . Dans votre arrêt Stoelting ( 6 ), vous avez relevé, à propos d' une divergence d' opinions concernant plus particulièrement "l' opportunité et l' efficacité" d' une mesure adoptée par le Conseil :

"que si l' inadéquation d' une mesure à l' objectif que l' institution compétente cherche à poursuivre peut en affecter la légalité, il faut cependant reconnaître au Conseil un pouvoir discrétionnaire en cette matière qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 40 et 43 lui imposent ".

Dans l' arrêt Schraeder, vous avez même été plus catégoriques encore en déclarant, après avoir rappelé également les responsabilités politiques du législateur communautaire :

"Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d' une mesure dans ce domaine par rapport à l' objectif que l' institution compétente entend poursuivre peut affecter la légalité d' une telle mesure" ( arrêt du 11 juillet 1989, point 22, 265/87, Rec . p . 2237 ).

14 . En l' occurrence, le Conseil devait exercer son pouvoir d' appréciation et assumer ses responsabilités politiques face à la situation suivante .

15 . D' un côté, il y avait les opinions scientifiques qui, dans un premier temps, avaient amené la Commission à déclarer au septième considérant de sa proposition initiale ( 7 ):

"que sur le plan scientifique, il apparaît que l' utilisation d' oestradiol 17ss, de testostérone et de progestérone et des dérivés donnant facilement le composé initial à l' hydrolyse après absorption au lieu de l' application ne présente pas d' effet nocif pour la santé du consommateur et ne lèse pas le consommateur en modifiant les caractéristiques de la viande lorsque ces substances sont utilisées dans les conditions appropriées ".

Plaidaient également dans le sens d' une autorisation de ces trois substances au moins, les réactions négatives enregistrées de la part de pays tiers exportateurs de viandes à l' idée que la Communauté puisse fermer ses frontières aux viandes provenant d' animaux traités aux hormones .

16 . Mais, d' un autre côté, toute une série d' arguments étaient invoqués en faveur de l' interdiction des cinq substances .

a ) La plupart des États membres, qui avaient depuis longtemps interdit l' utilisation de toutes les substances hormonales, n' étaient toujours pas convaincus de l' innocuité de celles-ci . Les gouvernements espagnol et italien ont confirmé, au cours de la présente procédure, que tel est, aujourd' hui encore, leur point de vue . La Commission elle-même avait assorti sa proposition initiale d' autoriser les trois substances de conditions très précises, à savoir que les États membres devaient veiller à ce que les substances en question :

- ne soient administrées aux animaux d' exploitation que par des implants localisés dans les parties de l' animal qui sont éliminées à l' abattage;

- ne soient administrées qu' à des animaux identifiés au moment de l' implant, lesquels ne peuvent être abattus avant l' expiration du délai d' attente fixé en application du paragraphe...

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