Hans Werhof v Freeway Traffic Systems GmbH & Co. KG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:686
Docket NumberC-499/04
Celex Number62004CC0499
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 November 2005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 15 novembre 2005 (1)

Affaire C-499/04

Hans Werhof

contre

Freeway Traffic Systems GmbH & Co. KG

[demande de décision préjudicielle formée par le Landesarbeitsgericht Düsseldorf (Allemagne)]

«Transfert d’entreprises – Maintien des droits des travailleurs – Convention collective applicable au cédant et à l’employé au moment du transfert»





I – Introduction

1. Le Landesarbeitsgericht Düsseldorf (Allemagne) a déféré à la Cour, au titre de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles visant à l’interprétation de l’article 3 de la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements (2).

2. Les doutes de la juridiction de renvoi ont surgi lors de l’examen d’un contrat de travail qui, en ce qui concerne l’évolution des salaires, renvoie à une convention collective en vigueur, négociée et signée par une organisation patronale à laquelle adhère le cédant de l’entreprise, mais non le cessionnaire, étant précisé que, postérieurement au changement de propriétaire, un nouvel accord collectif a été conclu.

3. C’est la première fois que la Cour est appelée à se pencher sur cette hypothèse, bien qu’elle se soit prononcée à de nombreuses occasions sur la disposition susmentionnée (3).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. La transmission d’entreprise constitue un domaine conflictuel dans lequel interviennent des facteurs et des intérêts variés (4). D’une part, les évolutions du système de production entraînent des changements d’organisation en vue de s’adapter à une économie globale caractérisée par l’incertitude des fluctuations de la demande et l’obsolescence rapide des biens offerts. D’autre part, les préoccupations des chefs d’entreprise coexistent avec celles des travailleurs et l’équilibre entre elles est difficile à trouver (5); cela explique les différences constatées dans les législations des États membres en ce qui concerne la protection des diverses catégories en présence.

5. La directive 77/187 (6) a réalisé une harmonisation partielle (7); elle offre aux salariés un cadre à la fois collectif et individuel (8); le premier vise à promouvoir la négociation et la concertation sur les effets de la transmission des entreprises, afin de réduire leur incidence sur les relations de travail; le second a pour but de maintenir les obligations contractées et de garantir la pérennité des contrats (9), caractérisés par leur extrême vitalité (10).

6. Selon la jurisprudence, ces dispositions «visent à sauvegarder, dans l’intérêt des employés, les relations de travail qui font partie de l’ensemble économique transféré» (11), en favorisant le maintien des salariés au service du nouvel entrepreneur aux mêmes conditions que celles convenues avec son prédécesseur (12).

7. Répondant à cette finalité, l’article 3 de la directive dispose:

«1. Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert au sens de l’article 1er paragraphe 1 sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

[…]

2. Après le transfert au sens de l’article 1er paragraphe 1, le cessionnaire maintient les conditions de travail convenues par une convention collective dans la même mesure que celle-ci les a prévues pour le cédant, jusqu’à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’entrée en vigueur ou de l’application d’une autre convention collective.

Les États membres peuvent limiter la période du maintien des conditions de travail sous réserve que celle-ci ne soit pas inférieure à un an.

[…]»

8. L’évolution du marché intérieur, les tendances législatives des pays européens et l’œuvre de la Cour expliquent les changements opérés par la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998 (13), la nouvelle rédaction de l’article 3 étant toutefois identique en substance au texte d’origine (14).

9. La directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001 (15), a remplacé la directive 77/187, tout en conservant littéralement le texte dudit article 3, dans sa rédaction issue de la directive 98/50.

B – La réglementation allemande

10. Les dispositions pertinentes sont celles de la loi réglementant les conventions collectives de travail, (Tarifvertragsgesetz, ci-après le «TVG») et du code civil allemand, (Bürgerliches Gesetzbuch, ci-après le «BGB»), dont l’article 613a adapte l’ordre juridique allemand aux règles communautaires.

1. Le TVG

11. En vertu de son article 1er, paragraphe 1, les conventions collectives régissent les droits et les obligations des parties qui les ont conclues et comportent des normes juridiques pouvant porter sur le contenu (16), la conclusion et la fin des relations de travail, ainsi que sur d’autres aspects relatifs aux conditions de travail ou aux comités d’entreprise.

12. Selon l’article 4, paragraphe 1, première phrase, ces normes juridiques sont directement applicables par les personnes ayant souscrit à la convention collective, c’est-à-dire, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, par les membres des organisations syndicales et patronales signataires ainsi que par chacun des employeurs qui y est partie à titre individuel.

13. L’article 5 prévoit la déclaration d’applicabilité erga omnes d’une convention collective.

2. Le BGB

14. Son article 613a, paragraphe 1, énonce, dans sa première phrase, que, «[s]’il y a transfert, par un acte juridique, d’un établissement ou d’une partie d’établissement à un autre propriétaire, celui-ci reprend les droits et obligations découlant des relations de travail existant au moment du transfert» (17).

15. La deuxième phrase du même article ajoute que, «[s]i ces droits et obligations sont régis par les normes juridiques d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise, ces droits et obligations feront partie de la relation de travail entre le nouveau propriétaire et le salarié et ils ne devront pas subir de modification au détriment du salarié avant l’écoulement d’un an après la date du transfert» (18).

III – Les faits, le litige au principal et les questions préjudicielles

16. M. Hans Werhof est entré au service de DUEWAG AG le 1er avril 1985, d’abord pour une durée déterminée puis, à partir du 1er septembre suivant, pour une durée indéterminée.

17. Conformément aux termes du contrat, sa relation de travail était régie par la convention collective générale et par l’accord salarial en vigueur pour les salariés de l’industrie sidérurgique, métallurgique et électrique du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, négociés entre l’Industriegewerkschaft Metall (syndicat de l’industrie métallurgique), dont l’intéressé n’était pas membre à l’époque, et le Verband der Metall- und Elektroindustrie Nordrhein-Westfalen (fédération de l’industrie métallurgique et électrique du Land, ci-après l’«AGV»), auquel l’entreprise était affiliée.

18. Le 1er avril 1999, la société est devenue Siemens DUEWAG GmbH et, quelques mois plus tard, elle a cédé à Freeway Traffic Systems GmbH & Co. KG, qui n’était membre d’aucune organisation patronale signataire de conventions collectives, une partie de son établissement situé à Düsseldorf (Königsberger Strasse), où travaillait M. Werhof; le contrat individuel de ce dernier a lui aussi été transféré.

19. Le 2 août 2001, la nouvelle propriétaire a élaboré avec le comité d’entreprise un plan visant à classer les travailleurs sur la base des dispositions conventionnelles en vigueur au sein de l’industrie métallurgique et électrique du Land. Le 13 août suivant, il a été convenu d’un versement unique en faveur du personnel; en contrepartie, l’intéressé a signé une lettre de renonciation à tous les droits individuels auxquels il aurait pu prétendre en matière d’augmentation de salaire pour les périodes antérieures.

20. Le 29 août 2001, la société a conclu avec M. Werhof un accord complétant son contrat de travail et portant sur sa rémunération.

21. Le syndicat et la fédération susmentionnés ont approuvé, le 23 mai 2002, une nouvelle convention collective prévoyant une augmentation salariale de 2,6 % ainsi qu’une prestation supplémentaire à partir du 1er juin 2003.

22. M. Werhof a réclamé en justice le versement, à compter de cette dernière date, de la différence entre les sommes qu’il avait perçues et celles résultant de cette convention.

23. L’Arbeitsgericht Wuppertal a rejeté cette demande par jugement du 7 janvier 2004.

24. Statuant en appel, le Landesarbeitsgericht Düsseldorf, après avoir constaté que la réglementation allemande n’accordait pas au demandeur la rémunération réclamée (19), de sorte que seul serait envisageable le bénéfice de cette rémunération au titre des dispositions communautaires, a sursis à statuer pour poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Est-il compatible avec l’article 3, paragraphe 1, de la directive 98/50/CE du Conseil, du 29 juin 1998, modifiant la directive 77/187/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements (20), que le cessionnaire – qui n’est pas soumis à une convention collective – soit lié par un accord conclu entre le cédant – qui est soumis à une convention collective – et le salarié, en vertu duquel il convient d’appliquer les dispositions en vigueur des conventions collectives qui lient le cédant, de manière à ce que soient applicables les dispositions de la convention collective en vigueur au moment du transfert d’établissement, mais non pas celles des conventions collectives qui entrent en vigueur ultérieurement?

2) En cas de réponse négative:

Est-il compatible avec l’article 3, paragraphe 1, de...

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