Nordspedizionieri di Danielis Livio & C. Snc, Livio Danielis and Domenico D’Alessandro v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:25
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 January 2007
Docket NumberC-62/05
Celex Number62005CC0062
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 16 janvier 2007 (1)

Affaire C-62/05 P

Nordspedizionieri di Danielis Livio & C. Snc, en liquidation,

Livio Danielis et Domenico D’Alessandro

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi en cassation – Remise de droits à l’importation – Chargement de cigarettes à destination de l’Espagne – Fraude commise dans une opération de transit communautaire – Compétence de la Cour pour interpréter un accord bilatéral entre un État membre et un État tiers»





I – Introduction

1. Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 décembre 2004 (2) (ci‑après l’«arrêt attaqué»), qui a rejeté la demande principale d’annulation de la décision REM 14/01de la Commission, du 28 juin 2002, refusant de faire droit à la demande présentée par la République italienne de remise de droits à l’importation dus par Nordspedizionieri di Danielis Livio & C. Snc, en liquidation (ci‑après «Nordspedizionieri»), Livio Danielis et Domenico d’Alessandro (ci-après ensemble «Nordspedizionieri e.a.») (3).

2. Le débat porte, en particulier, sur les conditions requises pour reconnaître une «situation particulière», au sens de la réglementation douanière communautaire, puisque c’est seulement dans une telle situation qu’est prévue la remise des droits à l’importation. Compte tenu de la date à laquelle se sont produits les faits du litige, il convient de les analyser à la lumière de la législation «confuse» (4) en vigueur avant l’adoption du code des douanes communautaire (5).

3. La discussion dépend aussi de l’interprétation d’un traité bilatéral, signé par un État membre, la République italienne, et un autre pays, la République de Slovénie, à l’époque un État tiers, ce qui amènera à s’interroger sur la compétence de la Cour (6).

II – Le cadre juridique

4. Pour se prononcer sur ce pourvoi, il convient d’examiner, d’un côté, les dispositions dont la violation est imputée au Tribunal, toutes de nature strictement communautaires, et, de l’autre, certaines dispositions du traité bilatéral de coopération administrative douanière, signé en 1965, entre la République italienne et la République socialiste fédérative de Yougoslavie (ci‑après, l’«accord de Belgrade») (7).

5. Le code des douanes communautaires ne s’appliquant pas ratione temporis, puisque les faits du litige couvrent une période antérieure à l’adoption de ce texte, le corpus juridique applicable se trouve dispersé dans différents règlements, ayant presque toujours un caractère incomplet, et qui, s’ils ont certes été dans leur majorité formellement abrogés, ont, en de nombreuses occasions, conservé une application dissimulée dans le touffu ramage que, depuis 1992, présente ce code.

A – Le droit communautaire

6. Il en va ainsi, par exemple, du régime douanier du transit communautaire, contenu dans le règlement (CEE) n° 222/77 (8), dont l’article 36, paragraphe 1, dispose que, quand il est constaté que, au cours d’une opération de transit communautaire, une infraction ou une irrégularité a été commise dans un État membre déterminé, le recouvrement des droits et autres impositions éventuellement exigibles est poursuivi par cet État membre, conformément à ses dispositions législatives réglementaires et administratives, sans préjudice de l’exercice des actions pénales.

7. Le règlement (CEE) n° 474/90 (9) a introduit un troisième paragraphe à cet article 36, pour fixer le lieu de l’infraction aux fins de percevoir les droits et les autres taxes correspondants, en l’absence de toute preuve de la régularité de l’opération de transit ou du lieu où s’est produit réellement l’infraction.

8. Le règlement (CEE) n° 1062/87 (10), qui précisait et simplifiait le règlement n° 222/77, a été modifié à son tour par le règlement (CEE) n° 1429/90 (11), qui y a introduit l’article 11 bis, figurant sous le titre I bis, intitulé «Dispositions applicables dans les cas d’envois non présentés au bureau de destination», et qui prévoit:

«1. Lorsqu’un envoi n’a pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l’infraction ou de l’irrégularité ne peut être établi, le bureau de départ en donne notification au principal obligé dans les meilleurs délais et au plus tard avant l’expiration du onzième mois suivant la date de l’enregistrement de la déclaration de transit communautaire.

2. La notification visée au paragraphe 1 doit indiquer notamment le délai dans lequel la preuve de la régularité de l’opération de transit ou du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été effectivement commise peut être apportée au bureau de départ, à la satisfaction des autorités compétentes.

Ce délai est de trois mois à compter de la date de la notification visée au paragraphe 1. Au terme de ce délai, si ladite preuve n’est pas apportée, l’État membre compétent procède au recouvrement des droits et autres impositions concernés. […]»

9. La législation douanière communautaire admet également le remboursement total ou partiel des droits à l’importation ou à l’exportation versés ou la remise partielle de la dette. Les conditions requises pour cette dispense dans le cas d’espèce sont régies par l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1430/79 (12), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 3069/86 (13), de la manière suivante:

«Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation dans des situations particulières, autres que celles visées aux sections A à D, qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé.

[…]»

B – L’accord de Belgrade

10. Visant à renforcer la coopération entre les administrations douanières italiennes et yougoslaves, ce traité se range parmi ses homologues de l’époque, comme le montre une comparaison sommaire avec l’accord signé en 1967 dans ce domaine entre les six États membres fondateurs, connu sous le nom de «convention de Rome» (14).

11. Après avoir énoncé ses objectifs primordiaux, à savoir la prévention, la détection et la répression des infractions (article 1), l’accord de Belgrade définit la notion de «dispositions douanières» (article 2) et comprend l’obligation de maintenir une collaboration étroite entre les bureaux de douane de la frontière commune (article 3).

12. Pour répondre au présent pourvoi, l’article 4 de l’accord de Belgrade, dans lequel les parties contractantes s’obligent à prêter une vigilance particulière à la circulation des personnes, des marchandises et des véhicules, considérés comme suspects (paragraphe 1), est ici fondamental.

13. Le paragraphe 2 de l’article 4 de l’accord de Belgrade reprend l’engagement de lutter contre la contrebande, en prévoyant, en son deuxième alinéa, que:

«À la demande [de l’autre partie contractante], une vigilance particulière sera accordée aux exportations de ceux des produits qui, sur le territoire de l’autre partie contractante, sont grevés de taxes spécifiques et d’un montant élevé».

III – Rappel de la procédure

A – Les faits à l’origine du litige

14. La société en nom collectif Nordspedizionieri di Danielis Livio & C., constituée par des commissionnaires en douane et ayant son siège à Trieste (Italie) a procédé, à la demande de l’entreprise Cumberland Ltd, à trois déclarations successives de transit communautaire externe auprès du bureau des douanes de Fernetti (Italie) pour l’expédition de cartons d’emballage acquis auprès de la société slovène Proexim Export-Import, et destinés à être expédiés par camion en Espagne.

15. Les documents douaniers respectifs faisaient mention de 1400 colis, d’un poids total de 12 620 kilogrammes, le 30 octobre 1991; de 1200 colis, pour un poids total de 12 510 kilogrammes, le 5 novembre de la même année; et de 1500 colis, pour un total de 12 842 kilogrammes, le 16 du même mois.

16. Après l’accomplissement des formalités douanières correspondant à la troisième opération susmentionnée, le camion a été autorisé à poursuivre sa route. Peu après, le directeur du bureau des douanes de Fernetti a demandé à la Guardia di Finanza de cette localité d’inspecter le chargement du camion. Le camion, qui avait déjà quitté la zone douanière, a été poursuivi et intercepté par la Guardia di Finanza quelques kilomètres après la frontière. Le camion est retourné sous escorte au poste de douanes de Fernetti pour y être inspecté. L’inspection a révélé que les cartons d’emballage n’étaient pas vides, comme l’indiquait la déclaration de transit, mais qu’ils contenaient 8 190 kg de cigarettes étrangères d’origine extracommunautaire, distribuées en 819 colis. Le chauffeur du camion, M. C., a été arrêté et le camion et la cargaison ont été mis sous séquestre, ainsi que les documents trouvés en possession du chauffeur.

17. L’enquête menée par les autorités douanières italiennes avec la collaboration des autorités slovènes a permis d’établir que M. C. avait participé aussi à trois autres opérations similaires de contrebande de cigarettes, en utilisant les déclarations de transit des 30 octobre et 5 novembre 1991 rédigées par Nordspedizionieri, ainsi qu’une déclaration déposée le 16 septembre 1991 par la société Centralsped Srl.

18. S’agissant des transports des 30 octobre et 5 novembre 1991, l’enquête a révélé que, après qu’eurent été déclarés aux autorités douanières slovènes des chargements composés principalement de tabacs manufacturés, les mêmes chargements ont été introduits en Italie en tant que cargaisons de cartons d’emballage. Il s’est avéré aussi que, une fois les formalités douanières à la douane de Fernetti réglées, le camion a poursuivi son voyage vers un lieu de destination différent de celui figurant sur les déclarations douanières, les cargaisons ayant été déchargées furtivement en Italie.

19. Dans le cadre de leurs recherches sur les opérations de contrebande en cause, les autorités italiennes ont découvert un entrepôt situé à Bareggio...

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