Brian Francis Collins v Secretary of State for Work and Pensions.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:409
Docket NumberC-138/02
Celex Number62002CC0138
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 July 2003
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER
présentées le 10 juillet 2003(1)



Affaire C-138/02

Brian Francis Collins
contre
Secretary of State for Work and Pensions


[demande de décision préjudicielle formée par le Social Security Commissioner (Royaume-Uni)]

«Libre circulation des personnes – Travailleurs – Prestation de sécurité sociale versée aux demandeurs d'emploi – Condition de résidence habituelle – Citoyenneté de l'Union»






1. Un des Social Security Commissioners du Royaume-Uni a posé à la Cour, en vertu de l’article 234 CE, trois questions préjudicielles concernant l’interprétation du règlement (CEE) n° 1612/68 (2) et de la directive 68/360/CEE (3) . Plus précisément, il s’agit de savoir si un citoyen de l’Union n’ayant pas la qualité de travailleur au sens du règlement n° 1612/68 et n’étant pas autorisé, en vertu de la directive 68/360, à résider sur le territoire de l’État membre où il recherche un emploi, peut invoquer une autre disposition du droit communautaire pour obtenir une allocation versée aux demandeurs d’emploi qui prouvent l’insuffisance de leurs ressources, dont l’octroi est soumis à une condition de résidence habituelle dans ce pays. I – La législation du Royaume-Uni 2. L’allocation de recherche d’emploi (jobseeker’s allowance) est une prestation de sécurité sociale prévue par la loi relative aux demandeurs d’emploi (Jobseekers Act 1995), en vigueur depuis le 7 octobre 1996. Elle remplace l’indemnité de chômage (unemployment benefit), à caractère contributif, et le complément de ressources (income support). Il existe deux façons de l’obtenir : avoir cotisé ou remplir certaines conditions de ressources. 3. Pour être admis au bénéfice de l’allocation, le demandeur doit non seulement être disponible pour travailler et rechercher un emploi, mais doit s’être inscrit auprès d’une agence de placement, ne pas occuper d’emploi rémunéré, ne pas disposer de revenus supérieurs au montant applicable, ni d’un capital dépassant un certain plafond. Aux termes de l’article 4, point 3, de ladite loi, la prestation versée consiste en un montant fixe (4) , si le bénéficiaire ne dispose pas de ressources, ou en la différence entre ce montant et les ressources qu’il perçoit. En vertu de l’article 1er, point 2, sous i), la seule condition liée à la résidence est celle qui tient à la présence de l’intéressé «sur le territoire de la Grande‑Bretagne». 4. L’article 4, point 5, de la loi relative aux demandeurs d’emploi prévoit l’adoption de normes réglementaires visant à fixer le montant de l’allocation. Conformément au règlement d’application (Jobseeker’s Allowance Regulations 1996), le montant dû à une personne de l’étranger, sans charges de famille, est nul. La définition du terme «personne de l’étranger» qui figure à l’article 85, point 4, et qui est applicable au litige au principal est la suivante : «Un demandeur qui ne réside pas habituellement au Royaume-Uni, dans les îles anglo‑normandes, sur l’île de Man ou en Irlande. Toutefois, à cet effet, aucun demandeur ne saurait être traité comme ne résidant pas habituellement au Royaume-Uni s’il est : a) un travailleur au sens du règlement n° 1612/68 ou du règlement (CEE) n° 1251/70[ (5) ] ou une personne ayant le droit de résider au Royaume‑Uni conformément à la directive 68/360/CEE ou à la directive 73/148/CEE [ (6) ] ; […]». II – Les faits du litige au principal 5. M. Collins est né aux États-Unis en 1957 et possède la nationalité américaine. Il a été élevé et a fait ses études dans ce pays, où il a obtenu un diplôme en 1980. Il a séjourné un semestre au Royaume‑Uni en 1978 dans le cadre de sa formation. Entre 1980 et 1981, époque à laquelle il a obtenu, en outre, la nationalité irlandaise, il a passé environ dix mois à Londres, travaillant occasionnellement et à temps partiel. Bien qu’il eût préféré, semble‑t‑il, prolonger son séjour au Royaume-Uni, il a regagné son pays d’origine en 1981, parce qu’il se trouvait sans emploi, qu’il était contraint de demander des prestations de chômage et que le ralentissement économique rendait plus difficile la recherche d’une activité. 6. Il a travaillé aux États‑Unis jusqu’en 1985. Il a ensuite séjourné deux ans en Afrique centrale en tant que coopérant. En 1987, il est rentré dans son pays natal pour six mois puis, en 1988, a déménagé en Afrique du Sud, où il a étudié l’histoire et enseigné. Le droit de résidence permanente dans ce pays lui ayant été refusé, il s’est rendu aux États‑Unis, où il a travaillé six mois comme vendeur à temps partiel et six mois en tant que professeur d’histoire. Il a ensuite décidé de s’établir au Royaume‑Uni. En février 1998, un nouveau passeport irlandais lui a été délivré. 7. Il est arrivé au Royaume‑Uni le 31 mai 1998, muni d’un billet aller‑retour, moins cher qu’un aller simple, et avec ses biens personnels, dans l’intention de trouver un emploi dans le secteur des services sociaux. Le 8 juin, il a demandé à bénéficier de l’allocation de recherche d’emploi, faute de ressources. Sur la base des vérifications effectuées, y compris un entretien avec l’intéressé qui s’est déroulé le 1er juillet suivant, les autorités compétentes ont décidé de lui refuser cette allocation au motif qu’il n’avait pas sa résidence habituelle au Royaume‑Uni. 8. Le recours formé par M. Collins devant le Social Security Appeal Tribunal de Leeds a été rejeté pour le même motif, car, pour que le critère de la résidence habituelle soit rempli, il faut que la situation se soit prolongée pendant une durée considérable (7) . III – Les questions préjudicielles 9. M. Collins a saisi le Social Security Commissioner, qui, avant de trancher le litige au fond, a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes : «1. Une personne se trouvant dans la situation de l’appelant dans la présente affaire est elle un travailleur aux fins du règlement n° 1612/68 […]? 2. En cas de réponse négative à la question formulée au point 1, une personne se trouvant dans la situation de l’appelant dans la présente affaire possède‑t‑elle un droit de résidence au Royaume‑Uni au sens de la directive 68/360/CEE […]? 3. En cas de réponses négatives aux questions formulées aux points 1 et 2, existe‑t‑il une disposition ou un principe de droit communautaire exigeant le versement d'une prestation de sécurité sociale soumise aux mêmes conditions d'ouverture que celles qui s'appliquent à l'allocation de recherche d'emploi fondée sur le revenu à une personne se trouvant dans la situation de l'appelant dans la présente affaire?» IV – La législation communautaire 10. La juridiction du Royaume‑Uni a formulé les questions de façon générale et ne demande l’interprétation d’aucune disposition spécifique du droit communautaire. Pour lui répondre, la Cour doit à mon sens examiner, en particulier, les dispositions suivantes : Article 10 bis du règlement n° 1408/71 8 –Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6). L’article 10 bis a été incorporé au texte par le règlement (CEE) n° 1247/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 1). «1. Nonobstant les dispositions de l’article 10 et du titre III, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis. Les prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge. […]». Article 7 du règlement n° 1612/68 «1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé en chômage. 2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. […]». Article 18 CE «1. Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application. […]». V – La procédure devant la Cour 11. Ont présenté des observations écrites dans le délai prévu par l’article 20 du statut CE de la Cour de justice la partie appelante au principal, les gouvernements allemand et du Royaume‑Uni ainsi que la Commission. Ont comparu à l’audience du 17 juin 2003, pour y présenter leurs observations orales, le représentant de M. Collins, l’agent du Royaume‑Uni ainsi que l’agent de la Commission. VI – Les opinions exprimées dans la présente procédure 12. M. Collins soutient que, en tant que personne recherchant activement un emploi, il est un travailleur au sens du règlement n° 1612/68 et qu’il jouit d’un droit de séjour au Royaume‑Uni en vertu de la directive 68/360. Il est également résident du Royaume‑Uni aux fins de l’application du règlement n° 1408/71, de sorte que le fait de subordonner l’octroi de l’allocation en cause à l’accomplissement d’une longue période de séjour dans cet État constitue une discrimination fondée sur la nationalité prohibée par l’article 39 CE. Il considère également que les articles 12 CE et 17 CE interdisent...

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